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Les fruits et légumes particulièrement contaminés aux pesticides PFAS et l’impact pour les producteurs wallons

  • Session : 2023-2024
  • Année : 2024
  • N° : 394 (2023-2024) 1

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  • Question écrite du 14/03/2024
    • de LEPINE Jean-Pierre
    • à BORSUS Willy, Ministre de l'Economie, du Commerce extérieur, de la Recherche et de l'Innovation, du Numérique, de l'Aménagement du territoire, de l'Agriculture, de l'IFAPME et des Centres de compétences
    Une récente étude menée par Nature & Progrès et Pan Europe nous informait que les fruits et légumes étaient de plus en plus exposés à des cocktails de pesticides PFAS.

    Il ressort que « des résidus de 31 pesticides PFAS différents ont été détectés dans les fruits et légumes de l'Union européenne entre 2011 et 2021 » et que « les fruits cultivés en Europe qui, en 2021, étaient particulièrement contaminés, contenant souvent des cocktails de trois à quatre PFAS différents dans un seul fruit, sont les fraises (37 %), les pêches (35 %) et les abricots (31 %) ».

    Monsieur le Ministre en conviendra, ces chiffres sont particulièrement interpellants, d'autant que la Belgique figure dans le peloton de tête des principaux pays producteurs d'aliments contaminés aux PFAS au sein de l'Union européenne.

    Malheureusement, les données disponibles sont limitées en Belgique, mais elles permettent d'observer une contamination inquiétante des fruits et légumes belges dans les échantillons analysés.

    Monsieur le Ministre dispose-t-il de données chiffrées plus complètes sur les contaminations potentielles aux PFAS des fruits et légumes présents dans les commerces wallons ou vendus directement par nos producteurs wallons ?

    A-t-il pu attirer l'attention des producteurs wallons sur cet état de fait ?

    Quelles aides compte-t-il apporter aux producteurs pour limiter les taux de PFAS sur les fruits et légumes wallons ?

    Comment cette contamination est-elle prise en compte dans le cadre de la promotion de circuits courts ?
  • Réponse du 09/04/2024
    • de BORSUS Willy
    En Belgique, il y a actuellement 32 substances actives présentes dans les produits phytopharmaceutiques (PPP) qui, selon une définition large, pourraient être considérées comme des PFAS, du fait de leur structure chimique. L’une d’entre elles (benfluraline) sera interdite en Belgique dès mai 2024. D’autres suivront (triflusulfuron-m, et cetera), ou ne sont déjà plus utilisées en Belgique, ou encore ont vu leur autorisation pour les usages en plein air retirée (ex. : Sulfoxaflor).

    En Belgique, selon un rapport datant de décembre 2023, 8330 tonnes de PFAS seraient utilisées chaque année. Sur la base des chiffres de vente des PPP, la part des « PPP-PFAS » est faible puisqu’elle est inférieure à 5 %.

    La quantité de « pesticides PFAS » utilisée en Wallonie en 2021 serait estimée à 93 tonnes (par rapport aux 5 429 tonnes (Rapport Corder 2023 page 15 : «Estimation quantitative des utilisations de PPP par les déférents secteurs d’activités» publié en février 2024) de pesticides vendues en Belgique la même année).

    Selon le toxicologue M. Jan Tytgat (KU Leuven), les chiffres de cette étude devraient être nuancés. En effet, PAN-Europe et Nature & progrès comparent entre elles les données de 2011 et de 2021. Or, les analyses actuelles des laboratoires permettent de mesurer les PFAS de manière beaucoup plus sensible qu’il y a 20 ans. De plus, depuis 2023, l’Europe est devenue plus stricte en matière de normes PFAS, et donc, davantage d’échantillons de produits obtiennent un score plus élevé de détection.

    Bref, les chiffres obtenus en 2011 ne peuvent pas nécessairement être comparés aux chiffres actuels vu l’évolution des techniques.

    Les PFAS provenant de produits phytopharmaceutiques n’ont de plus pas nécessairement le même impact sur l’environnement ou la santé que les PFAS provenant d’autres sources. Le groupe de substances considérées comme appartenant aux PFAS est particulièrement vaste. Ces substances sont également utilisées dans l’industrie et les produits de consommation, tels que le revêtement antiadhésif des casseroles, certains textiles, ainsi que dans de nombreux cosmétiques. Selon le toxicologue M. Alfred Bernard, les PFAS que l’on retrouve dans les fruits et légumes ont des chaînes carbonées plus courtes (perfluoroalkyl) par rapport à d’autres PFAS, et sont donc moins cumulatifs et moins accumulés dans les fruits et légumes.

    Il est utile de préciser que la contamination des fruits et légumes par les PFAS est multifactorielle étant donné qu’on en retrouve dans divers lieux et/ou à des degrés différents dans l’environnement. Elle peut en effet venir partiellement des PPP, mais aussi potentiellement de l’eau, de la bande transporteuse à l’usine, des emballages, etc.

    Il faut ajouter que, pour l’instant, les teneurs maximales en PFAS fixées par l’EFSA concernent les denrées alimentaires d’origine animale. Pour les autres denrées alimentaires (fruits, légumes, aliments pour bébés, et cetera), il existe des recommandations assorties de niveaux indicatifs par type de PFAS.

    En pratique, un producteur qui respecte les doses des substances actives agréées pour les PPP autorisés, le nombre d’applications, et les délais avant récolte, respectera les LMR (Limites maximales de résidus) fixées pour les cultures. L’étude de PAN Europe ne mentionne à ce sujet aucun résultat quantitatif issu d’analyses de résidus.

    Il y a lieu de rappeler qu’en circuit court comme dans tout autre circuit de commercialisation, les producteurs doivent vérifier les LMR pour certains produits (laitues), dans le cadre de l’autocontrôle. Une analyse de résidus est également réalisée lors de la vente des produits en circuits longs, notamment via la certification Global GAP imposée par les clients.

    Les Centres Pilotes (CIM, CEF, GAWI, GFW et FIWAP), en collaboration avec l’Ifel-W et la Socopro travaillent depuis plusieurs années sur le référentiel Ecophyto afin de pouvoir diminuer le nombre de résidus dans les productions. Ils ont d’ailleurs sensibilisé et attiré l’attention de leurs publics cibles lors de rencontres techniques avec la profession.

    Toutefois, même si la Wallonie peut encourager et soutenir davantage la production bio afin de réduire les risques liés à la consommation de fruits et de légumes contenant des résidus de PPP, dont des PFAS. Mais il est fort possible que ceux-ci continueront malgré tout à contenir des PFAS issus de la pollution globale de l’environnement. D’ailleurs, le risque lié à l’eau potable est plus critique, car celle-ci peut constituer une source bien plus importante d’exposition aux PFAS en cas de contamination.