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Puits karstiques en Tournaisis - Intervention de la Région wallonne.

  • Session : 2006-2007
  • Année : 2007
  • N° : 201 (2006-2007) 1

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  • Question écrite du 28/02/2007
    • de BERTOUILLE Chantal
    • à ANTOINE André, Ministre du Logement, des Transports et du Développement territorial

    Le sous-sol du sud et de l'est de la ville de Tournai est particulièrement riche en gisement de pierres qui fait d'ailleurs l'objet de très nombreuses exploitations depuis des siècles. Ce sous-sol est également à l'origine de phénomènes naturels dangereux à savoir la création des puits karstiques.
    Ainsi, depuis plusieurs mois, les habitants de la rue Louvière à Gaurain-Ramecroix, près de Tournai, ont constaté l'apparition de nombreuses fentes et fissures sur leurs habitations.

    Un premier constat des dégâts a été établi par une équipe dépêchée par la Polytech de Mons. Selon les constatations effectuées par ces experts, à la demande de certains riverains, ces fissures trouveraient leur origine dans un glissement de terrain qui aurait lui-même pour origine la formation d'un puits karstique.

    Cependant, afin de déterminer la nature réelle et exacte de ces mouvements de terrain, la Polytech de Mons doit au préalable procéder à la prise et à l'analyse d'échantillons d'argile (teneur en Montmorillonite) ainsi qu'à la réalisation de tomographies électriques entre forages afin de caractériser le sous-sol. Cette étude serait particulièrement coûteuse. La ville de Tournai a été contactée par les riverains mais elle se refuserait à prendre en charge le coût d'une telle étude.

    Dans un premier temps, Monsieur le Ministre peut-il me dire si la Région wallonne est suffisamment attentive au phénomène de la création de puits karstiques dans le Tournaisis ? Quelles sont les données dont dispose la Région wallonne à ce sujet ? Ces données sont-elles régulièrement actualisées?

    Monsieur le Ministre peut-il également me dire si la Région wallonne est habilitée à réaliser des études d'analyse de sous-sol en cas de constatations faites par des riverains? Quelles sont les démarches et les procédures que ceux-ci doivent entreprendre ?

    Enfin, Monsieur le Ministre peut-il me dire s'il entend dépêcher une équipe de géologues et d'experts de la Région wallonne à la rue Louvière à Gaurain-Ramecroix en vue de rassurer les riverains ?
  • Réponse du 02/04/2007
    • de ANTOINE André

    En réponse à la question de l'honorable Membre, je souhaite apporter les éclaircissements suivants.

    1. Impact des phénomènes karstiques en Région wallonne

    Après les inondations, le karst est le risque naturel qui a l'impact foncier le plus important en Wallonie. En effet, près d'un tiers de notre territoire est concerné, plus particulièrement celui dont le sous-sol est constitué de roches calcaires, susceptibles de subir ou d'avoir subi au cours des temps géologiques un processus de karstification.

    A l'heure actuelle, l'Atlas du karst wallon a répertorié et décrit près de 6300 phénomènes karstiques qui sont répartis sur 153 communes. Cela veut dire que plus de la moitié des communes wallonnes sont confrontées à ce problème, mais avec des intensités diverses.

    Cependant, seules 84 communes présentent des zones de contraintes karstiques au sens de l'article 136 du Code wallon de l'aménagement du territoire, de l'urbanisme et du patrimoine (CWATUP), ce qui représente néanmoins près de 25 % des communes wallonnes.

    Vu l'importance des dégradations voire des destructions que peuvent occasionner aux constructions et aux infrastructures les effondrements karstiques, la cartographie des zones de contraintes karstiques a été établie par trois équipes scientifiques (Faculté Polytechnique de Mons, Université de liège et Commission Wallonne d'Etude et de Protection des Sites Souterrains).

    A l'heure actuelle, la cartographie des contraintes karstiques couvre l'ensemble des zones urbanisables et des zones agricoles inscrites aux plans de secteur, ainsi que les parties de zones d'espaces verts, de parc et forestières situées aux alentours des infrastructures publiques actuelles ou
    en projets, telles que les stations d'épuration, etc.

    Ces cartes sur fond de plan IGN au 1 : 10.000, indiquent:

    - en rouge les zones de contraintes fortes (où il est déconseillé de construire);
    - en orange les zones de contraintes modérées (où l'administration impose une étude géotechnique lors de la demande de permis);
    - en jaune les zones de contraintes faibles (les candidats bâtisseurs sont normalement avertis du risque existant à long terme).

    Hormis pour les zones "vertes" toujours en cours d'actualisation concomitamment à celle de l'Atlas du karst, ces cartes ont été envoyées à toutes les communes concernées et sont disponibles sur CD-Rom sur simple demande à la D.G.A.T.L.P. Il en est de même des fiches explicatives y associées.

    2. Outils juridiques de la Région wallonne en matière de risque naturel

    L'article 136 du CWATUP énonce: « Lorsque les actes et travaux {. .. } ou le permis {. .. } se rapportent à des biens immobiliers exposés à un risque naturel ou à une contrainte géotechnique majeurs tels que l'inondation, l'éboulement d'une paroi rocheuse, le karst, les affaissements miniers, le risque sismique, (. .. ) l'exécution de ces actes et travaux peut être soit interdite, soit subordonnée à des conditions particulières de protection des personnes, des biens et de l'environnement. ».

    L'article 70 du même Code dispose: « ( ... ) Aucune indemnité (à charge de la Région ou de la commune) n'est due dans les cas suivants:
    (. .. )
    8. pour les bâtiments détruits par une calamité naturelle, lorsque l'interdiction de leur reconstruction résulte de l'arrêté royal pris en exécution de l'article 12. §3. alinea 1er de la loi du 12 juillet 1976 relative à la réparation de certains dommages causés à des biens privés par des calamités naturelles;
    (…)
    10. interdiction de bâtir ou de lotir un terrain exposé à un risque ou une contrainte visés à l'article 136. ».

    3. Evolution du karst

    Les processus karstiques sont en constante évolution. Dès lors, de nouveaux effondrements ou pertes peuvent se produire brutalement. Ainsi, les zones montrant une activité karstique avérée doivent être tout particulièrement contrôlées, afin d'actualiser régulièrement les données relatives à ce type de risque naturel (si possible tous les 5 ans), et dès lors d'essayer d'anticiper l'évolution du karst dans l'espace mais aussi bien entendu dans le temps, eu égard aux changements climatiques annoncés.

    4. Genèse et importance et du karst sur le territoire de la commune de Tournai

    Le territoire de la ville de Tournai comporte effectivement deux zones de contraintes élevées situées à Gaurain-Ramecroix ainsi qu'à Pont-à-Chin. Dans ces zones, il n'est donc pas conseillé d'implanter de nouvelles constructions. Pour l'indemnisation des dommages occasionnés aux constructions existantes, il y a lieu de requérir l'intervention du Fonds des calamités.

    Selon les résultats d'une thèse de doctorat réalisée à la Faculté Polytechnique de Mons, l'activité karstique dans cette région doit être mise en relation avec un dénoyage important provoqué d'une part par l'exhaure pratiquée dans les carrières avoisinantes et d'autre part, par la surexploitation (pompages) de la nappe aquifère du Carbonifère (et cela de part et d'autre de la Frontière).

    Ce dénoyage est à l'origine du décolmatage de drains ou conduits (paléo)karstiques (phénomène de « fantôme de roche» développés le long de failles ou de diaclases) ayant ensuite engendré un tassement, puis un effondrement des terrains surincombants situés près de la surface. Aussi, il convient d'être particulièrement vigilant à l'évolution de la problématique à cet endroit.

    La D.G.A.T.L.P. a organisé à Namur du 25 au 27 mai 2005, un colloque international intitulé « Karst et Aménagement du territoire », qui a rassemblé près de 180 participants (communes, auteurs de projets, fonctionnaires, architectes, etc.), afin de sensibiliser les principaux acteurs de l'aménagement du territoire à ce risque naturel. La ville de Tournai y avait d'ailleurs envoyé six représentants, dont un échevin, un architecte et un éco-conseiller. C'est pourquoi, l'autorité communale est d'ores et déjà très sensibilisée par cette problématique.

    Quant à l'étude géophysique sollicitée par la ville, elle pourrait éventuellement être financée par le Fonds wallon d'avances pour la réparation des dommages provoqués par les prises d'eau et les pompages souterrains. Néanmoins, cette compétence relève de mon Collègue, Monsieur Benoît Lutgen, Ministre en charge de la politique de l'Eau.