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Sécurité routière - Responsabilité des bourgmestres - Réflexion.

  • Session : 2006-2007
  • Année : 2007
  • N° : 134 (2006-2007) 1

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  • Question écrite du 28/02/2007
    • de BERTOUILLE Chantal
    • à COURARD Philippe, Ministre des Affaires intérieures et de la Fonction publique

    Toute personne coupable d'une négligence peut être jugée comme responsable si cette négligence a causé un préjudice à un tiers. Cette forme de responsabilité constitue sans doute l'une des bases essentielles de notre Code civil. Responsabilité civile ne veut pourtant pas nécessairement dire que l'auteur de l'acte a sciemment voulu causer le préjudice au tiers.

    Ces principes de droit ont trouvé récemment à s'appliquer dans une affaire jugée par le tribunal de police de Bruges. En effet, le bourgmestre de Damme a été condamné à une amende de 1.375 euros après un accident mortel survenu suite à un défaut de signalisation. Cette jurisprudence trouve, semble-t-il, de plus en plus d'échos favorables auprès des tribunaux, tant en Belgique qu'en France.

    Comme Monsieur le Ministre le sait, un bourgmestre ne peut cependant pas aller vérifier chaque aménagement ou chantier dans sa commune. Il n'en a matériellement pas le temps. Peut-on pour autant dire qu'il est hors norme et que sa responsabilité peut être engagée ? Face aux nombreuses « attaques » dont ils ont pu être victimes de la part de la justice, plusieurs élus français avaient menacé de démissionner de leurs fonctions.

    Sans que Monsieur le Ministre ne s'immisce dans le pouvoir judiciaire, quel est son avis sur la question de la responsabilité des élus dans le cadre des accidents de la circulation routière ? La responsabilité des bourgmestres peut-elle être remise en cause même pour une simple négligence que l'on ne pourrait pas qualifiée de grave ou encore de prolongée ?

    Selon Monsieur le Ministre ne conviendrait-il pas de mener une plus large réflexion sur la responsabilité des bourgmestres et échevins en matière d'infrastructure routière, éventuellement en collaboration avec l'Union des villes et communes wallonnes ?
  • Réponse du 13/04/2007
    • de COURARD Philippe
    La question posée par l’honorable Membre relative à la sécurité routière – responsabilité des bourgmestres – a retenu ma meilleure attention.

    Conformément à l’article 135, §2 de la Nouvelle Loi Communale, la commune est tenue d’une obligation de sécurité sur toutes les voiries, quelles qu’elles soient (c’est-à-dire non seulement sur ses propres voiries mais aussi sur celles des autres pouvoirs publics), qui traversent son territoire. Sur base de cette obligation, la commune est tenue de prendre des mesures appropriées pour obvier à tout danger anormal. Ainsi, par exemple, la commune ne peut ouvrir à la circulation que des voies publiques suffisamment sûres.

    La portée de ce devoir a été précisée par la Cour d’appel de Bruxelles dans son arrêt du 24 septembre 2002 : « les autorités communales ont pour mission de faire jouir les habitants d’une bonne police sur leur territoire, ce qui implique l’obligation d’assurer la sécurité de la circulation sur les voiries publiques. Cette obligation les contraint à prendre toutes les mesures nécessaires pour prévenir les accidents et sécuriser la circulation lorsque la sécurité des usagers est mise en cause à la suite d’un quelconque incident. ».

    L’obligation de sécurité qui découle de l’article 135, §2 de la NLC est une obligation générale de surveillance et de précaution et oblige la commune à intervenir de manière spontanée et d’initiative. Toutefois, comme la Cour de Cassation l’a rappelé dans son arrêt du 3 février 2005, cette obligation est une obligation de moyen, c’est-à-dire une obligation en vertu de laquelle la commune doit faire en sorte que le but poursuivi par la loi soit atteint (ce qui est différent de l’obligation de résultat qui impose à la commune d’obtenir le résultat que la loi lui a assigné, sauf cas de force majeure).

    Cette obligation générale de sécurité n’impose nullement à la commune d’entretenir la voirie en lieu et place de l’autorité gestionnaire. Mais, si la commune a connaissance d’une situation dangereuse sur son territoire, il lui appartient bien entendu de prendre toutes les mesures nécessaires afin de rétablir la sécurité en attendant que les services compétents interviennent pour remédier à la commune. A défaut, la commune risque de voir sa responsabilité engagée sur base de l’article 135, §2 de la NLC.

    La commune a donc un devoir de surveillance et un devoir de neutralisation du danger, mais il convient de préciser la portée de ces devoirs.

    D’une part, le devoir de surveillance n’implique en aucun cas une surveillance permanente du bon état de la voirie. La jurisprudence est claire en la matière : on ne peut imposer aux communes d’avoir un système de surveillance permanent.

    C’est ainsi que le Tribunal de Bruxelles dans son arrêt du 9 juin 1994 a décidé qu’ « on ne peut reprocher à la commune d’avoir manqué à son devoir s’il n’est point démontré que la flaque d’huile à l’origine de l’accident se trouvait sur la chaussée depuis un certain temps qui eut permis que la commune en ait connaissance et puisse prendre les mesures appropriées. ».

    D’autre part, lorsque la commune a connaissance d’un danger, il lui appartient de prendre les mesures nécessaires afin de le neutraliser.

    Elle peut ainsi :

    - signaler le danger (signalisation qui doit être faite de façon adéquate) ;
    - pallier les carences de l’autorité gestionnaire en matière de signalisation et d’éclairage ;
    - nettoyer la voirie en cas de flaques de boues, de renversement de produits glissants ;
    - réparer la voirie. La commune ayant l’obligation de veiller à la sûreté du passage sur les voies publiques traversant son territoire, même lorsqu’elle n’en est pas propriétaire, la réparation de la voirie en lieu et place du propriétaire est parfois la seule possibilité pour elle d’éviter de voir sa responsabilité engagée (arrêt du 14 décembre 1995 de la Cour d’appel de Liège) ;
    - fermer la circulation sur la voirie ou détourner la circulation.

    Lorsque la commune procède aux réparations en lieu et place du gestionnaire de la voirie, elle a bien entendu le droit de lui réclamer le remboursement des frais engagés.

    Comme l’atteste le cas de Damme (accident mortel causé par un défaut de signalisation), il arrive souvent que des accidents de la route dus à des nids de poule ou encore à une mauvaise signalisation aient des conséquences dramatiques.

    De même, la décision du Tribunal de police de Bruges démontre la sévérité des obligations incombant aux communes.

    Les articles 418 à 420 du Code pénal qui consacrent les infractions dites d’imprudence (coups et blessures par imprudence et homicide involontaire) sont lourds de conséquences pour les mandataires. Ces infractions sont basées sur la faute légère, c’est-à-dire le comportement que n’aurait pas adopté l’homme honnête, diligent et prudent placé dans les mêmes circonstances. Les articles 418 à 420 du Code pénal n’exigent pas une faute lourde ou caractérisée.

    Bien que par le biais de la loi du 4 mai 1999 relative à la responsabilité civile et pénale des bourgmestres, échevins et membres de la députation permanente, le législateur ait tenté d’améliorer quelque peu le sort des mandataires (articles L1241-1 à L1241-3 du Code de la démocratie locale et de la décentralisation), le problème reste entier pour celui qui se voit condamné.

    J’ai déjà eu l’occasion de me prononcer sur le sujet à divers reprises.

    Je suis particulièrement sensible à la sécurité routière. Ainsi, en juin 2005, j’ai lancé un appel à projets pour la réalisation de travaux de voirie visant à une meilleure sécurité des usagers les plus vulnérables et à une amélioration considérable du cadre de vie, de jour comme de nuit. J’ai intitulé cet appel à projets le Plan MERCURE.

    Il est, en effet, important qu’une commune gère de façon rationnelle son patrimoine routier et planifie les travaux d’entretien, ce qui lui permet d’agir préventivement. Un bon entretien garantit de bonnes conditions de circulation et de sécurité pour tous les usagers.

    L’article L3341-4 du Code de la démocratie locale et de la décentralisation dispose que « les investissements prévus à l’article L3341-1 sont repris dans un programme triennal, établi par le demandeur dans le respect des priorités régionales communiquées par le Gouvernement. ».

    Une circulaire relative à l’élaboration des programmes triennaux 2007-2009 reprend ces priorités régionales parmi lesquelles figure notamment l’entretien du réseau routier et la sécurité routière et l’amélioration du cadre de vie.

    En matière de sécurité routière, j’entretiens une collaboration étroite avec l’IBSR et le Service public fédéral Mobilité et Transports en matière de sécurité routière.