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Les pollutions à Amougies.

  • Session : 2006-2007
  • Année : 2007
  • N° : 67 (2006-2007) 1

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  • Question écrite du 07/03/2007
    • de SENESAEL Daniel
    • à VIENNE Christiane, Ministre de la Santé, de l'Action sociale et de l'Egalité des chances

    Ce n'est pas la première fois que nous évoquons le cas du village d'Amougies, dans la province de Hainaut. En effet, en janvier 2006, j'avais déjà interrogé sur le sujet.

    Dans ce village, les habitants ont peur, peur pour leur santé. Fin 2005, on a enregistré un taux élevé de cancers dans le village. Au centre du village, sur 118 habitations, on recensait 35 cas de cancers, …

    Vu la récurrence de cette maladie, on comprend aisément les inquiétudes. Mais dès lors, comment expliquer cette récurrence ? Il semble que la rumeur, ou plutôt un mouvement d'opinion a désigné des raisons environnementales. C'est pourquoi, la Région s'est engagée dans une série d'études.

    Tout d'abord, concernant le volet santé, car c'est le plus important, je voudrais savoir où en est l'état d'avancement du dossier.

    Nous savons qu'en 2005 Madame la Ministre avait entamé un travail avec les médecins qui étaient sur le terrain. Qu'en est-il ? Ce travail a-t-il porté ces fruits ?

    Par ailleurs, on sait qu'en 2006 Madame la Ministre a commandé, à l'Institut Bordet, une étude épidémiologique. Peut-elle nous indiquer quelle est la nature des résultats de cette étude ?

    Madame la Ministre a-t-elle l'intention de pousser plus loin les investigations ? Une étude complémentaire est-elle envisagée par ses services ?

    Nous sommes parfaitement conscients qu'il s'agit d'un dossier délicat car il touche les citoyens dans leur vie même. A ce titre, nous avons le devoir de leur assurer une information pertinente et transparente. Je me demande même dans quelle mesure nous ne devrions pas mettre sur pied une cellule de suivi psychologique comme c'est le cas pour les grandes catastrophes.

    En tout cas, l'autorité publique doit s'investir dans ce dossier car les réponses scientifiques sont parfois froides, et ce, dont les habitants d'Amougies ont besoin, ce sont des réponses claires mais surtout des réponses humaines.

    Connexe à ce dossier, il y a celui du registre du cancer en Région wallonne. On sait que nos voisins flamands suivent l'évolution de cette maladie via un registre. On sait aussi qu'en Région wallonne, des travaux sont en cours à ce sujet.

    Madame la Ministre pourrait-elle faire le point avec nous sur ce sujet ? Dans ce cadre, pourrait-elle nous faire part des coopérations qui sont mises en place avec les autres niveaux de pouvoir ?

    Le volet « santé » de ce dossier nous semble le plus important car c'est celui qui touche les citoyens néanmoins, nous ne devons pas en perdre de vue la partie environnementale.

    La thématique environnement-santé est une thématique vraiment importante tant ces deux matières sont liées. Nous saluons l'action conjointe que Madame la Ministre a déjà menée en la matière et nous lui rappelons qu'elle trouvera au sein du groupe socialiste une équipe prête à l'aider dans les projets qu'elle initiera en la matière.
  • Réponse du 19/03/2007
    • de VIENNE Christiane

    Afin de donner à l'honorable Membre l'information la plus claire et la plus complète, j'ai pris l'option de rassembler les réponses à ses interpellations et questions orales en une seule réponse pour retracer tant l'historique que l'état récent du dossier de pollution à Amougies. Je reviendrai, in fine, sur les questions plus précises.

    Avant toute chose, je souhaite vivement réfuter l'affirmation erronée qui consiste à dire qu'un taux de cancers anormalement élevé aurait été constaté à Mont de l'Enclus.

    Je m'explique et que l'on croit bien que je regrette de devoir m'appesantir à nouveau sur des circonstances qui constituent une souffrance pour une famille endeuillée après la perte de leur fils emporté dans la fleur de l'âge par un cancer.

    En effet, la conférence de presse pour le moins inattendue du nouveau bourgmestre de Mont de l'Enclus ainsi que les interrogations légitimes de l'honorable Membre qui ont suivi m'obligent à resituer le contexte dans lequel a été réalisée la liste à laquelle vous faites référence.

    Face au diagnostic de cancer posé chez un jeune enclusien, la famille en souffrance a cherché des réponses et des explications à ce qu'ils vivent comme une injustice profonde et c'est bien compréhensible. Le papa a ainsi recensé les habitations au sein desquelles il y aurait eu un cancer alors qu'il n'est ni médecin, ni scientifique, et donc pas habilité à poser ou à valider un diagnostic. Il a simplement procédé à ce recensement au départ de sa connaissance du quartier et du voisinage et a constitué une liste qui est celle sur laquelle l'honorable Membre réagit. Pour la compréhension de tous, j'appellerai cette liste la « première liste », qui était accompagnée d'un plan du quartier identifiant les maisons concernées. J'insiste sur le fait que cette liste n'a jamais été validée sur le plan scientifique et j'y reviendrai plus tard.

    C'est donc à partir de cette première liste que la rumeur s'est mise à circuler. L'association environnementale « Mont de l'Enclus Environnement » a alors décidé de porter le problème à la connaissance d'Inter-Environnement Wallonie.

    Pour ma part, ce n'est qu'en juin 2005 que j'ai été informée de cette situation, par le bourgmestre de Mont de l'Enclus.

    En effet, à l'occasion de la présentation du vade-mecum sur la santé environnementale par Inter Environnement Wallonie, la presse a interpellé le bourgmestre quant à la présence d'un nombre de cancers anormalement élevé dans sa commune. Celui-ci n'avait à ce stade jamais eu connaissance d'une telle suspicion.

    Une rencontre entre la commune et Inter Environnement Wallonie a dès lors eu lieu en septembre 2005, à la demande des autorités communales à l'occasion de laquelle Inter Environnement Wallonie a fait état de la présence d'un nombre élevé de cancers sur l'entité sans toutefois apporter d'éléments probants.

    Je me suis rendue sur place en octobre 2005 afin de rencontrer les autorités communales. A cette occasion, il a été convenu que la commune interpellerait officiellement les médecins de l'entité afin qu'ils confirment ou infirment les informations relayées par Inter Environnement Wallonie, mais cette démarche n'a pas eu beaucoup de succès auprès des médecins.

    Lors de la rencontre avec les habitants organisée en février 2006, je me suis engagée à approfondir la question sur la base de données récoltées par les médecins généralistes. J'ai donc adressé personnellement un courrier aux deux médecins généralistes locaux afin qu'ils me communiquent le nombre de cancers recensés parmi leur patientèle au cours des 15 dernières années.

    Les listes ainsi constituées par les médecins ont été communiquées à l'Institut Jules Bordet afin qu'il puisse confirmer ou infirmer l'existence d'un taux anormalement élevé de cancers sur Mont de l'Enclus. Afin que l'information de l'Institut Bordet soit complète, j'ai également transmis un historique et la première liste.

    La démarche opérée par l'Institut Jules Bordet, en collaboration avec l'International Agency for Research on Cancer (institut français situé à Grenoble), s'est inspirée de la méthodologie utilisée par le Professeur Francis Sartor pour étudier la problématique des cancers à Tarcienne. L'Institut a choisi d'adopter une hypothèse maximaliste pour ne pas passer à côté d'un problème éventuel. Pour ce faire, il a pris en considération chacune des listes au regard du nombre d'habitants du périmètre considéré. Cette démarche supposait de considérer, pour l'analyse des résultats, chacun des cas recensés comme ayant été validé. Pour rappel, seule une des listes avait été réalisée à partir de l'examen de chaque dossier médical sur une période de 15 ans et pouvait d'emblée être considérée comme validée.

    C'est donc sur la base de l'ensemble de ces données que l'Institut Bordet a procédé à une comparaison des résultats ainsi obtenus par type de cancer avec les résultats auxquels on pouvait s'attendre; ces résultats « attendus » découlent des chiffres de référence issus du registre de cancers en Flandre.

    En conclusion, l'Institut Bordet a souligné qu'aucun des types de cancers recensés ne présentait une fréquence anormale et qu'il ne lui paraissait dès lors pas utile de recommander une investigation plus poussée.

    Pour ma part, j'ai réalisé ce à quoi je m'étais engagée, à savoir procéder à une pré-étude permettant de conclure à la nécessité ou non de poursuivre les investigations.

    Quant à l'opportunité de mener une étude épidémiologique ainsi que le prévoit la décision du Gouvernement conjoint du 27 mars 2006, j'ai envoyé copie du rapport de l'Institut Jules Bordet à ma Collègue en charge de la Santé pour la Communauté française. Elle l'a transmis à l'Institut scientifique de santé publique qui, je le rappelle, est le " pôle d'expertise en santé environnementale " pour la Communauté. Celui-ci a été chargé d'examiner si d'autres investigations s'avéraient nécessaires. A ce jour, aucune information en ce sens ne m'est parvenue de la Communauté française et cela tend à confirmer mon analyse du dossier.

    Aujourd'hui, la Fondation Registre du Cancer centralise les données de cancers pour l'ensemble du territoire belge. Elle bénéficie de l'expérience acquise en Flandre où il existe une forte structuration des différents registres et s'est fixé pour objectif de combler le retard dû au sous-enregistrement existant en Communauté française d'ici fin 2007.

    L'honorable Membre persiste cependant à considérer comme acquis les éléments de la rumeur aujourd'hui ré-alimentée pour parler d'un nécessaire suivi psychologique. Je ne puis que réfuter à nouveau ces affirmations et ne le suivrai donc pas dans ce raisonnement.

    Je ne puis en effet que regretter que, en l'absence d'élément nouveau, les autorités communales jugent utile de raviver inutilement les inquiétudes des riverains qui avaient pu prendre connaissance à la commune du rapport de l'Institut Jules Bordet dès le mois de mai 2006.

    Pour ce qui concerne par ailleurs le volet environnemental de ce dossier, mon Collègue m'a transmis la réponse suivante:

    « Concernant le volet environnemental, je rappelle que, suite aux rumeurs d'anciens dépotoirs et d'enfouissements de fûts toxiques, une première investigation a été réalisée par la Division de la Police de l'environnement. Des analyses à charge de l'exploitant local ont été réalisées dans ce cadre par un bureau indépendant en mars 2006. Les résultats de ces analyses, interprétés sur la base de la réglementation afférente aux stations-services, montrent que la concentration en métaux lourds et en HAP est régulièrement supérieure à la valeur de référence mais inférieure à la valeur seuil.

    Suite à cela, j'ai demandé à la SPAQuE de poursuivre les investigations par une étude d'orientation. Les conclusions de cette étude ont été rendues en décembre 2006 et ont été communiquées tant aux Ministres de la Santé qu'aux autorités locales. Il ressort des informations recueillies au cours de l'enquête historique et de l'étude de terrain que le site concerné présente deux sources potentielles de contamination: une citerne à mazout enfouie et des déchets de production imbibés de vernis utilisés comme matériaux de remblai d'une ancienne voie de chemin de fer. Des dépassements ont été observés en ce qui concerne les huiles minérales, le toluène, l'éthylbenzène, les xylènes, l'arsenic et le naphtalène, et ce, au regard de la destination des parcelles concernées(industrielle et espaces verts).

    En se basant sur une première évaluation des risques pour la santé humaine sur le modèle « Risc Human », il est apparu que ces contaminants présentent des teneurs problématiques pour les scénarios d'exposition considérés (de type « industrie» et « espaces verts »).

    La réalisation d'une étude de caractérisation est dès lors apparue nécessaire et devrait être réalisée pour le mois de juin 2007. Durant cette phase, plusieurs éléments seront investigués :

    1° la nature plus précise des matériaux de remblais de l'ancienne voie ferrée ;
    2° un inventaire des points de prélèvement (puits) des eaux de la nappe alluviale sur les propriétés voisines du site, et la qualité de ces eaux;
    3° la délimitation des panaches de pollution de la nappe alluviale, qui ont été identifiés précédemment;
    4° la qualité des eaux de la nappe dans les sables Yprésiens ;
    5° la qualité de l'air dans les caves où un puits aura été répertorié et analysé comme pollué;
    6° la vérification d'une des sources potentielles de contamination - la citerne à mazout - préalablement à une éventuelle mise hors service conformément à la réglementation en vigueur.

    L'ensemble de ces vérifications permettra de déterminer si la pollution est de nature à nuire à la santé des riverains du site. Par ailleurs, il est trop tôt à ce stade pour évaluer le coût d'une réhabilitation. Par contre, ma réponse à votre question quant à l'application du principe du pollueur-payeur est claire: nous ne sommes pas ici en face d'un site orphelin dont l'assainissement doit être pris en charge par la collectivité. ».

    Conformément à l'arbre décisionnel mis en place par le Gouvernement conjoint du 27 mars 2007, j'ai reçu les résultats de l'étude d'orientation réalisée par la SPAQuE sur les sites des entreprises locales.
    Si ces résultats mettent en évidence une pollution avérée qui nécessite une réhabilitation préalable à une occupation future, ils restent cependant partiels et ne mettent pas en évidence, à ce stade, un risque de contamination pour les riverains.

    J'attendrai donc le résultat des études complémentaires et d'une éventuelle étude toxicologique pour tirer des conclusions sur ce point.