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Bruxelles, capitale écnomique de la Wallonie.

  • Session : 2006-2007
  • Année : 2007
  • N° : 30 (2006-2007) 1

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  • Question écrite du 22/03/2007
    • de CRUCKE Jean-Luc
    • à DI RUPO Elio, Ministre-Président du Gouvernement wallon

    Bruxelles doit être la capitale économique de la Wallonie ! C'est ce qui ressort d'une étude d'économistes de l'UCL. Le Plan Marshall peut être un bon outil du développement de notre Région, disent-ils, pour autant qu'on l'amende sur certains points, qu'on l'évalue régulièrement et qu'il ne perde pas de vue que Bruxelles est la capitale économique de la Wallonie, aussi paradoxal ou décalé que cela puisse paraître.

    Bruxelles est en effet la seule ville belge à dimension internationale vers laquelle nous Wallons nous nous tournons spontanément. Elle reste largement au centre de la région la plus créatrice de richesses. Il serait illusoire de se passer de cette tête de pont vers le monde. Pire, les efforts wallons seraient vains. Pas question ici de regretter que la capitale administrative et économique ne coïncident pas en Wallonie, c'est une question aujourd'hui réglée, mais les propos de ces chercheurs, qui me semblent relever de l'évidence en ce qui me concerne, ont de quoi faire réfléchir sur les conséquences politiques et économiques des choix du passé. Namur est une très jolie ville, qui accueille notre Parlement et qui a positivement bénéficié de la présence institutionnelle et administrative wallonne ces dernières années mais, toujours selon ces chercheurs, elle n'est pas une ville susceptible d'être le moteur économique de notre région. Croyez bien que je regrette ce constat, cette absence de capitale économique « wallonne », j'entends par là sise dans notre Région.

    Quoi qu'il en soit, outre des propositions intéressantes à mettre en œuvre et qui concernent tous les niveaux de pouvoir, les chercheurs recommandent d'établir physiquement la présence économique wallonne dans la capitale belge, qui est aussi celle de l'Europe, de la Flandre ou le siège de nombreuses institutions internationales. Il faut profiter un maximum de son rayonnement.

    Quelle est l'analyse de Monsieur le Ministre-Président de cette étude ? Comment y réagit-il ? Comment l'accueille-t-il ? Avec prudence ? Souscrit-il au constat ? Quels commentaires ou réactions la publication de cette étude lui inspire-elle ? La collaboration renforcée avec Bruxelles préconisée verra-t-elle le jour effectivement ? Il ne suffit pas de dire que nous sommes tournés vers Bruxelles pour que cette affirmation soit suivie d'effets. Le Plan Marshall n'est-il pas trop wallo-wallon ? Eut-il été difficile d'envisager notre redressement économique en symbiose avec Bruxelles ? Comment Monsieur le Ministre-Président matérialisera-t-il cette nécessité de choisir et de développer Bruxelles comme capitale économique de la Wallonie ?

    Si la Flandre - qui elle a bien compris l'intérêt de Bruxelles - compte aussi beaucoup sur Anvers, il ne nous est pas possible d'en faire autant au sein de notre propre Région. Multipliant les angles

    d'analyse et les portes d'entrée dans le dossier, établissant plusieurs cartographies révélatrices, ces chercheurs ont démontré qu'aucune ville wallonne ne peut raisonnablement prétendre au titre de capitale économique de la Wallonie. Même pas Liège dont le développement est stimulé par l'aéroport ou tourné sur Maastricht et Aix-la-Chapelle. En conséquence, au-delà des déclarations de principes et des propos d'ordre symbolique, la Wallonie établira-t-elle physiquement sa présence économique dans la capitale belge ? Sinon, pourquoi choisir la politique de l'isolement ? Si oui, comment le fera-t-elle ? Etablira-t-elle des centres de décision à Bruxelles ? De quels types seront-ils ? Monsieur le Ministre-Président va-t-il répondre à l'appel visant à faire de Bruxelles la capitale économique de la Wallonie ? Comment le fera-t-il ? Quels moyens d'action utilisera-t-il pour atteindre cet objectif ? Comment concrétisera-t-il son discours de collaboration entre la Wallonie et Bruxelles ? Ira-t-il plus loin que l'ouverture de l'Espace Wallonie à Bruxelles pour assurer la présence physique de la Wallonie et, particulièrement de la Wallonie économique à Bruxelles ?

  • Réponse du 04/04/2007
    • de DI RUPO Elio

    Vous m'adressez aujourd'hui une question que vous avez déjà posée, le 13 février dernier, en commission de l'Economie, au Ministre Marcourt.

    Et le compte-rendu analytique que nous devons à l'efficacité des services de notre Assemblée rapporte que vous avez déclaré au terme de son intervention, je vous cite : « Je suis satisfait de votre réponse ».

    Ceci me donne tout apaisement.

    Moi aussi, je satisferai à vos attentes, car ma réponse ne sera en rien différente de celle du Ministre de l'Economie. Sans le respect que j'éprouve pour le travail parlementaire, je vous renverrais d'ailleurs simplement à ses déclarations. Mais je m'en voudrais de blesser l'intérêt que vous marquez pour mon avis personnel. J'ajouterai donc quelques éléments à son exposé.

    D'abord, pour exprimer un léger regret sur la manière dont a été abordée l'étude dont vous faites état. Vous l'avez lue comme moi et vous conviendrez donc qu'il s'agit d'une étude technique, multiple et nuancée. C'est ce qui en fait l'intérêt. Mais c'est aussi à cause de ces caractéristiques que, par le prisme de la vulgarisation médiatique, on n'en a finalement retenu que l'élément le plus « basiquement » frappant. C'est un peu dommage car cela a occulté tout le reste. Et il y avait beaucoup plus à méditer.

    o Une analyse intéressante du rapport entre productivité et coût du travail ; que j'avais d'ailleurs abordée, peu avant, dans mon discours sur l'état de la Wallonie.

    o Une réflexion sur les risques d'une régionalisation de la formation des salaires. Une question qui sera peut être au cœur des négociations gouvernementales d'après le 10 juin.

    o Une approche intéressante des réductions de fiscalité, soulignant l'importance de relayer les efforts consentis aux niveaux communal, provincial et régional par des mesures fédérales.

    o Des réflexions sur la politique budgétaire et la gouvernance publique, de nature à nous conforter dans notre volonté d'assurer une gestion responsable et rigoureuse de nos compétences.
    Bref une série d'approches qui, sans être complaisantes, reconnaissaient l'importance et la pertinence du plan Marshall, tout en formulant des propositions méritant d'être exploitées.

    Tout cela a été largement occulté par un seul élément, que vous mettez en exergue, pour la deuxième fois oserais-je dire la seconde fois , dans la présente question.

    Un élément qui nous ramène, encore et toujours, à l'institutionnel. A croire que c'est une fatalité dans ce pays. Et même en Wallonie où l'on ne cesse de reprocher aux Flamands d'en faire une fixation, mais où l'on agit de même lorsqu'il s'agit de traiter de nos relations avec Bruxelles. Ce n'est pas, pour moi, la meilleure approche. Et j'en suis encore plus convaincu lorsque je vous entends dire que cette étude a « de quoi faire réfléchir sur les conséquences politiques et économiques des choix du passé ».

    A-t-on bien fait de donner la primauté aux Régions sur la Communauté en 1993 ?
    A-t-on bien fait de vouloir une capitale wallonne en Wallonie en 1986 ?
    A-t-on bien fait de fédéraliser l'Etat à partir de 1970 ?
    A-t-on bien fait d'opter pour l'unilinguisme territorial en 1932 ?
    Et, finalement, a-t-on bien fait de proclamer l'indépendance belge en 1830 ?

    « Nous entrons dans l'avenir à reculons » écrivait Paul Valéry.

    Et nous sommes donc, par nature, condamnés à poser des choix les plus rationnels possible, sur base des données dont nous disposons.

    Alors, bien sûr, on peut choisir, comme vous le dites, de « réfléchir sur les choix du passé ». Et cela peut être éclairant. Mais, vous n'en voudrez pas au Gouvernement d'avoir avant tout choisi d'agir.

    Parce qu'on peut toujours refaire le monde mais nous avons pensé qu'il était aujourd'hui plus urgent de faire concrètement quelque chose pour soutenir notre redressement et assurer l'avenir des Wallonnes et des Wallons.

    Et, Monsieur le député, l'avenir nous offre un éventail d'options bien plus large que l'alternative à laquelle vous semblez vouloir nous réduire.

    Votre discours - c'est peut-être un choix - me fait furieusement penser à celui de vos homologues libéraux flamands, lorsqu'ils nous disent : c'est soit de nouveaux transferts, soit l'immobilisme.

    Vous nous dites, c'est soit un nouveau bouleversement du paysage institutionnel francophone, soit l'isolationnisme.

    C'est soit la recentralisation dans la capitale belge, soit la fin la complémentarité Wallonie-Bruxelles.

    Mais il n'y a que vous qui raisonnez en termes aussi manichéens.

    Au sein d'un marché mondial qui promeut les entités régionales et d'une Europe qui efface les frontières, la complémentarité Wallonie-Bruxelles ne se réduit pas à une présence institutionnelle physique. Celle ci existe, d'abord, pour tout ce qui relève des relations internationales des deux Régions. Et y compris via l'AWEX qui - à mon sens - constitue un formidable outil économique wallon implanté dans la capitale européenne. Mais cette présence physique n'est ni une fin en soi, ni une garantie suffisante. La force de l'ensemble Wallonie-Bruxelles tient dans notre capacité à additionner nos énergies, à concilier nos intérêts et à concerter nos stratégies. Ce qui est bien plus important que de savoir si nous implanterons telle instance sur le territoire de Bruxelles. Cela passe par une articulation intelligente du plan Marshall wallon et du Contrat bruxellois.

    o Par une collaboration renforcée avec la Région centrale dans des domaines qui dépassent la dimension purement culturelle.

    o Par des rencontres plus systématisées entre les responsables des deux Régions.

    o En un mot par un développement maximal des synergies.

    Bien plus que par une réflexion sémantico symbolique sur l'attribution d'un titre ou par la localisation de tel ou tel service administratif.

    Et, en cela, je rejoins une nouvelle fois la position exprimée par le Ministre Marcourt, qui soulignait que des regroupements de services wallons et bruxellois pourraient tout autant s'opérer sur le sol wallon.

    Ceci pour dire que nous devons sortir de l'approche à sens unique qui caractérise trop souvent notre pensée.

    Au niveau fédéral, où d'aucuns parlent des transferts Nord-Sud comme si la prospérité flamande ne devait rien aux deux autres Régions.

    Et au niveau francophone, comme si les relations bénéfiques entre la Wallonie et Bruxelles devaient, elles aussi, n'aller que dans un sens.

    Il n'y a pas de moins bonne base pour renforcer notre coopération. Et je pense que vous me rejoindrez pour affirmer que les rapports entre les deux Régions francophones sont réciproquement profitables. Et qu'à ce titre, ils doivent être développés dans une optique de partenariat gagnant-gagnant. Un partenariat qui se nourrit d'actes concrets plus que de vaines polémiques et de cogitations rétrospectives.