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L'utilisation de biocarburants et le "plan d'action biomasse" lancé par la Commission européenne.

  • Session : 2006-2007
  • Année : 2007
  • N° : 297 (2006-2007) 1

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  • Question écrite du 13/09/2007
    • de SENESAEL Daniel
    • à LUTGEN Benoit, Ministre de l'Agriculture, de la Ruralité, de l'Environnement et du Tourisme

    La flambée des prix des carburants fossiles entraîne une demande sans cesse grandissante pour les biocarburants. Fabriqués à partir de produits agricoles, les biocarburants, utilisés de manière intelligente, peuvent servir d'énergie alternative. C'est pourquoi la Commission européenne a lancé en décembre 2005 le « plan d'action biomasse », qui renforce la directive sur les biocarburants. Ce plan ne limite pas seulement l'usage de ce type de carburant au trafic professionnel mais propose de l'étendre au chauffage de bâtiments ou à la production d'électricité.

    Actuellement, seuls 4% des besoins en énergie de l'Union proviennent de la biomasse. En exploitant utilement le potentiel disponible, on pourrait doubler ce chiffre pour 2010, sans déroger aux bonnes pratiques agricoles et sans mettre en péril ni la production durable de la biomasse ni celle de l'alimentation locale.

    La Commission entend donc supprimer les obstacles au développement du marché des biocarburants, de façon à réduire la dépendance énergétique de l'Europe à l'égard des carburants fossiles, à diminuer l'émission de gaz à effet de serre et à stimuler l'activité économique dans les campagnes.

    Il s'agit aussi pour la Région de s'inscrire dans l'objectif fixé par l'Union européenne dans la directive 2003/30/CE qui invite les Etats membres à faire en sorte que d'ici 2010, 5,75 % de la consommation de carburant soit du biocarburant.

    Monsieur le Ministre peut-il nous faire un état des lieux des implications de ce plan sur l'agriculture en Région wallonne depuis décembre 2005 ?

    Comment compte-t-il informer les agriculteurs des éventuels avantages qu'ils pourraient tirer en pratiquant de telles cultures ?

    Au-delà de ce plan européen, comment la Région wallonne entend-elle intensifier encore le développement de culture visant à la fabrication de ces biocarburants ?

    Pouvons-nous espérer atteindre, d'ici 2010, l'objectif de 5,75 % de consommation de biocarburant fixé par l’union européenne ?
  • Réponse du 08/10/2007
    • de LUTGEN Benoît

    Que l'honorable Membre me permette tout d'abord de souligner que ce n'est qu'en exploitant toutes les sources possibles d'énergies renouvelables que l'on pourra réduire notre dépendance vis-à-vis des énergies fossiles et diminuer les émissions de C02.

    En outre, c'est en modifiant aussi nos habitudes de consommation - en particulier en roulant moins et avec des véhicules plus performants - que l'on fera face aux défis du réchauffement climatique. Cela étant, les biocarburants sont une voie que nous sommes tenus d'exploiter au mieux de nos possibilités.

    La directive européenne 2003/30 prévoit l'incorporation de 5,75 % de biocarburants en équivalent valeur énergétique d'ici 2010. Elle annonce un objectif de 10 %, à l'horizon 2020, pour l'ensemble des carburants routiers. Précisons qu'il s'agit d'équivalent valeur énergétique et non de volume de carburant. En effet, les carburants fossiles et renouvelables ayant des valeurs énergétiques différentes, cela peut conduire à des volumes bien différents des 5.75% ou des 10 % en volume, évoqués dans votre question.

    En Belgique, les volumes de biocarburants qui bénéficieront d'une défiscalisation entre 2006 et 2013 ont été calculés sur base d'une incorporation équivalant à l'objectif d'incorporation de 5.75% (et même de 10% pour le bioéthanol). Les objectifs de 2010 (et même ceux de 2020) devraient donc être remplis. Cela d'autant plus que les diverses unités de production ont des capacités de production bien supérieures à ces volumes calculés.

    Ces volumes ont été attribués à des opérateurs par appel d'offre.

    En Région wallonne, l'unité de Néochim à Feluy bénéficie d'un quota annuel défiscalisé de 108.000 m3 de biodiesel et l'unité de Biowanze à Wanze bénéficie d'un quota annuel défiscalisé de 125.000 m3 de bioéthanol.

    Les installations de Feluy devraient produire, d'ici fin de l'année, de 110 à 120.000 m3 de biodiesel. La firme éprouve cependant des difficultés à les écouler auprès des pétroliers belges qui, n'étant pas obligés d'incorporer des biocarburants dans leurs produits, ne sont pas très demandeurs. Biowanze sera opérationnel au cours du second semestre de 2008.

    Il est indispensable que les autorités fédérales prennent les mesures nécessaires pour que nos productions soient valorisées en Belgique et que les filières deviennent rapidement compétitives sur le plan européen et international.

    Dans cet esprit, j'ai toujours plaidé auprès du fédéral pour que l'incorporation de biocarburants dans les carburants fossiles soit obligatoire. Dans un premier temps, la facilité fiscale doit être maintenue. Au vu du développement de la filière, il y aura lieu d'apprécier l'abandon progressif de ce soutien.

    Par ailleurs, il est nécessaire d'augmenter le pourcentage autorisé d'incorporation de biocarburants. En particulier pour le bioéthanol, rien n'empêche, comme d'autres pays l'ont déjà fait, de passer de 5 % à 10 % d'incorporation.

    Sur le plan agricole, certainement pour le biodiesel et probablement pour le bioéthanol, les productions agricoles wallonnes seront insuffisantes pour faire face aux besoins en matière première de ces usines. Une partie devra être importée d'autres Etats membres de l'Union européenne, voire du reste du monde.

    La récente décision de la Commission de porter à 0 %, pour la prochaine campagne, le taux de jachère, n'apportera qu'une réponse partielle à ce manque de matières premières.

    Il y a 15.000 hectares en jachère en Région wallonne. A raison d'environ 6.700 litres d'éthanol par hectare de betteraves ou de 3.100 litres d'éthanol par hectare de froment, on est loin des besoins d'une unité de 300 millions de litres comme Biowanze.

    Mais d'autres terres vont se libérer. La réforme du fonds de restructuration de l'industrie sucrière, adoptée la semaine passée par le Conseil agricole, obligera la Belgique à remettre 13 à 15 % de son quota sucre. Cela conduira à réorienter la production de quelque 10.000 ha supplémentaires.

    De plus, les unités de production de biocarburants vont mettre sur le marché de grandes quantités de sous-produits qui pourront être utilisés en alimentation animale, libérant ainsi des volumes de matières premières agricoles.

    Le développement de nouveaux marchés dans les pays émergents ainsi que dans les filières des biocarburants est en train de bousculer les équilibres établis depuis des dizaines d'années. Il est réjouissant pour les agriculteurs des pays développés et en développement de disposer de nouveaux débouchés et que leurs récoltes soient enfin valorisées à un prix rémunérant justement leur travail et leurs investissements.

    D'un marché avec des prix réglementés, les agriculteurs wallons vont évoluer dans un marché avec des prix fluctuants. Ils devront régulièrement faire des choix entre des cultures et des choix entre des débouchés (alimentaires ou énergétiques).

    Il ne s'agit cependant pas de coloniser de nouvelles terres agricoles ou d'intensifier la production à outrance. Le développement des biocarburants doit être durable et la protection de l'air ne doit pas se faire au détriment de la biodiversité ou de la qualité des eaux et des sols. Je puis vous assurer que j'y veillerai.

    L'augmentation de la production en Wallonie ne peut se faire que par deux voies:

    - la recherche de variétés mieux adaptées à la production de biocarburants;
    - l'amélioration des techniques d'extraction industrielle.

    Ces deux voies induisent de la recherche. Là aussi, j'entends que la Région soit associée à des programmes internationaux et/ou interdisciplinaires.

    Les agriculteurs wallons sont bien conscients des nouvelles opportunités qui s'offrent à eux. Certains valorisaient déjà leurs jachères en cultures énergétiques. D'autres, déjà au cours de cette campagne, avaient passé des contrats avec Biowanze. Leurs productions seront valorisées en Allemagne, dans une autre usine de bioéthanol du même groupe industriel. D'autres, enfin, pressent déjà leur colza et commercialisent l'huile dans une filière courte.

    L'évolution de la demande crée donc de nouveaux marchés et de nouvelles opportunités pour les agriculteurs.

    Je profite néanmoins de l'opportunité qui m'est offerte par cette question, pour attirer l'attention sur le caractère plus spéculatif des productions à la suite de l'évolution de la politique des prix agricoles, de l'émergence de nouveaux marchés et des nouvelles opportunités.

    Alors que les prix moyens étaient garantis dans le passé, ils seront de plus en plus souvent soumis à des fluctuations aux amplitudes inconnues. Les trésoreries de nos exploitations devront être gérées sur le long terme. En plus de la gestion annuelle, des choix techniques, une gestion pluriannuelle des recettes sera indispensable.