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Le processus de dépollution des boues par bioremédiation.

  • Session : 2006-2007
  • Année : 2007
  • N° : 298 (2006-2007) 1

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  • Question écrite du 13/09/2007
    • de SENESAEL Daniel
    • à LUTGEN Benoit, Ministre de l'Agriculture, de la Ruralité, de l'Environnement et du Tourisme

    Le procédé de bioremédiation consiste à inoculer des bactéries, des micro-organismes, qui, à travers une série de réactions chimiques complexes, vont nettoyer l'eau et les boues. Il s'agit en réalité d'accélérer un processus naturel qui, sans l'aide de l'homme, prendrait des années voire des décennies.

    Ce procédé doit permettre de faire passer les boues de dragage et de curage de la catégorie B (chargés en métaux lourds et micropolluants) à la catégorie A (ne contenant pas de sédiments pollués) et permet également d'éviter le transport dangereux et coûteux des boues polluées.

    La province de Hainaut vient d'adopter ce procédé sur deux de ses cours d'eau: le Tintia à Viesville et le Saubin à Hornu. Si ce procédé montre son efficacité (qui est intimement liée à la température de l'eau), son utilisation pourrait être étendue et il pourrait remplacer les systèmes plus encombrants, comme les bassins de lagunage destinés à faire décanter les boues.

    De plus, le coût de ce procédé est près de trois fois moins cher que le coût d'assainissement des boues de manière traditionnelle.

    S'il se montre efficace, Monsieur le Ministre envisage-t-il d'étendre ce procédé à l'ensemble des cours d'eau gérés par la Région wallonne ?

    Qu'en est-il des travaux d'assainissement des cours d'eaux wallons à l'heure actuelle ?
  • Réponse du 08/10/2007
    • de LUTGEN Benoît

    La gestion des boues de dragage et de curage est une problématique récurrente puisque leur présence au fond des cours d'eau est liée aux caractéristiques intrinsèques des cours d'eau, à des phénomènes naturels (érosion, lessivage des sols) et aux rejets anthropiques.

    Aujourd'hui, il n'est plus nécessaire de faire l'éloge de la voie d'eau et des avantages substantiels sur l'environnement que représente le mode de transport via cette voie. Une attention particulière doit donc être portée à rendre les cours d'eau « propres» et « praticables ».

    Les travaux d'entretien des cours d'eau revêtent dès lors une importance primordiale. Deux objectifs sont recherchés.

    Le premier vise à empêcher que l'accumulation de sédiments entrave les écoulements hydrauliques induisant de la sorte une augmentation des risques d'inondation et contrariant la navigation fluviale.

    En règle générale, cette démarche nécessite l'enlèvement, hors du lit des cours d'eau, de volumes parfois importants de matières. Le second couvre un objectif de dépollution et n'exige pas nécessairement un enlèvement de matière. Dans ce cas, les procédés de traitement in situ tels que la bioremédiation, peuvent s'appliquer. Ils offrent l'avantage de ne pas nécessiter l'enlèvement des matières qui constitue toujours une opération coûteuse.

    La bioremédiation (remédiation in situ par voie biologique) consiste à utiliser des organismes vivants pour nettoyer les sols, sédiments et les eaux contaminées. Elle repose sur les processus métaboliques des micro-organismes.

    Même si la perspective de traiter une pollution sans recourir à l'enlèvement des sédiments s'avère très séduisante, outre le fait qu'elle est peu utilisée à ce jour dans ce cadre et qu'elle n'offre pas le recul nécessaire pour en juger l'efficacité, il faut reconnaître quelques limites techniques à ce procédé. En effet, elle est parfois impossible à mettre en œuvre (accès homogènes aux sédiments), incomplète (dépollution incomplète), ou nécessite beaucoup de temps (de manière parfois difficilement prévisible).

    Le peu d'expérience dans le domaine montre que l'efficacité de la bioremédiation est sensible à la perméabilité des sédiments et aux variations de conditions locales. Ainsi, le pH, la température, la salinité, le potentiel redox, ... doivent notamment être maintenus dans une gamme aussi favorable que possible pour la vie cellulaire, ce qui peut s'avérer difficile à réaliser dans la réalité.

    La Région wallonne a déjà testé ces techniques de bioremédiation sur ses cours d'eau non navigables de première catégorie.

    En ce qui concerne la diminution en volume des boues, les résultats n'ont pas été probants, le procédé n'étant actif que sur la partie "organique" des sédiments. Il faut savoir qu'un sédiment de cours d'eau ne comporte en moyenne que 10 % de fraction organique.

    Pour favoriser l'efficacité du traitement, une action mécanique est envisagée. Elle a pour but de déstructurer les amas de sédiments afin de favoriser la pénétration de l'oxygène nécessaire au métabolisme de certaines bactéries. Se pose alors le problème d'une mise en solution de polluants fixés sur les particules fines décantées. De plus, comment garantir un ensemencement homogène en micro-organismes au sein d'un amas de sédiments tout en tenant compte des conditions hydrauliques de la rivière (débit, courants secondaires, ... ) ?

    Enfin, il faut être conscient que les métaux lourds et les micropolluants autres qu'organiques peuvent s'accumuler dans les micro-organismes nécessaires au traitement. Dans ce cadre, il y a lieu de s'interroger sur le devenir de ces derniers.

    Des essais ont été menés en eaux closes et en étangs naturels (craies coccholitiques sur lesquelles sont injectées des bactéries), sans succès.

    Une expérience a été menée sur le décanteur de la Haine à Obourg et les résultats ont été négatifs. Au niveau des voies d'eau navigables, les sédiments de dragage de catégorie B sont essentiellement composés d'un mélange de contaminants organiques et inorganiques. Même si l'on peut dégager une image commune en terme d'éléments, on observe malgré tout une hétérogénéité spatiale en terme de concentrations. Sur base des données d'échantillonnages représentatifs des voies navigables, on peut classer les catégorie B en trois sous catégories, à savoir 50 % de sédiments comprenant à la fois des concentrations d'organiques et inorganiques supérieurs aux seuils, 25 % de sédiments pollués par des organiques uniquement et 25 % de sédiments contaminés par des inorganiques seulement.

    Donc, de manière absolue, seuls 25 % de sédiments de catégorie B pourraient subir un traitement par bioremédiation. Notons que la pollution organique se manifeste préférentiellement par la présence de molécules de type HAP, c'est-à-dire de "grosses molécules" demandant un temps assez long pour les dégrader.

    Les essais réalisés par la province sont intéressants, mais les propos évoqués ci-avant montrent qu'il faut agir avec prudence. De plus, il serait inacceptable de déplacer une pollution ou d'en engendrer une autre d'un autre type.

    On pourra vraisemblablement juger de l'efficacité de cette technique dans la mesure où les expériences menées font l'objet d'un protocole scientifique au niveau de l'identification des boues, d'un suivi du traitement appliqué et de l'analyse des résultats obtenus.

    A cet effet, j'ai demandé à la Division de la Police de l'Environnement d'encadrer les travaux réalisés par la Société Envirotop sur le Tintia à Viesville et le Saubin à Hornu en recourant, le cas échéant, aux services de l'ISSeP. Je leur ai demandé également de me faire rapport.

    Enfin, sur la base des éléments exposés, il s'avère techniquement illusoire d'étendre le procédé à l'ensemble des voies d'eau wallonnes. Par ailleurs, je vous rappelle que la gestion de celles-ci dépend de différentes entités. Les cours d'eau non navigables de troisième catégorie sont gérés par les communes, ceux de deuxième catégorie par les provinces et ceux de première catégorie par la Région, via la DGRNE, alors que les voies navigables sont administrées par la Région via le MET.

    Pour terminer, d'une manière globale, il conviendra également d'examiner les propositions et solutions techniques retenues pour la gestion des sédiments dans le cadre des marchés publics en cours, gérés par le MET.