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Utilisation durable des pesticides.

  • Session : 2007-2008
  • Année : 2007
  • N° : 59 (2007-2008) 1

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  • Question écrite du 30/10/2007
    • de STOFFELS Edmund
    • à LUTGEN Benoit, Ministre de l'Agriculture, de la Ruralité, de l'Environnement et du Tourisme

    Le point de départ de la présente question est la résolution du Parlement européen du 24 octobre 2007 sur la stratégie thématique concernant l'utilisation durable des pesticides. En effet, le Parlement européen constate et demande :

    - que l'utilisation de produits phytopharmaceutiques (PPP) dans l'Union européenne entre 1992 et 2003 est restée importante et n'a pas diminué malgré les politiques volontaristes de réduction de l'utilisation des pesticides agricoles menées avec succès dans certains États membres;
    - que les quantités indésirables de certains pesticides que l'on trouve encore dans l'environnement, notamment dans le sol et l'eau;
    - que l'utilisation de pesticides ne devrait se poursuivre qu'à la condition que le principe de précaution soit respecté en ce qui concerne la santé humaine et la protection des écosystèmes aquatique et terrestre;
    - que la nécessité de disposer d'un cadre juridique européen dans le domaine de l'utilisation des pesticides plus résolument orienté vers la diminution du recours aux pesticides, la législation en vigueur s'étant révélée insuffisante pour prévenir les dangers et les risques pour la santé et l'environnement causés par l'utilisation des pesticides;
    - qu'il est essentiel d'améliorer le comportement des utilisateurs de pesticides afin d'éviter un mauvais usage, une utilisation excessive et des accidents d'empoisonnement;
    - que, bien que les pesticides puissent avoir des incidences sur le système immunitaire et endocrinien et provoquer des troubles neurotoxiques et des cancers, la santé n'est abordée que de manière marginale dans la stratégie thématique;
    - que les substances cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la procréation, les substances persistantes, bio-accumulables ou toxiques, ou celles qui entraînent des troubles endocriniens ne doivent pas être approuvées comme substances actives dans les pesticides.

    Le Parlement européen invite la Commission à examiner, en vertu du principe du pollueur-payeur, la façon dont il y a lieu d'associer les fabricants de PPP et/ou des substances actives qu'ils contiennent au traitement ou à la réparation des dommages qui pourraient découler de l'utilisation des PPP pour la santé humaine ou pour l'environnement.

    Il souligne qu'en l'absence d'objectifs chiffrés pour la réduction de l'utilisation des pesticides dans les plans d'action nationaux, la notion de "réduction des risques, des dangers et de la dépendance à l'égard des pesticides" est définie de manière très imprécise et ambiguë, et n'incitera pas les États membres à réduire l'utilisation des pesticides ni à donner la priorité à des variantes non chimiques pour la protection phytosanitaire et la gestion des parasites et des récoltes.

    Que Monsieur le Ministre me permette de ne pas reproduire in extenso le texte de la résolution citée, mais de l'interroger quant aux impacts de celle-ci par rapport à notre mode de production agricole qui vise à établir et à maintenir un niveau de qualité supérieur et qui, disons le clairement, atteint des résultats encourageants.

    Ce qui m’intéresse est de connaître l'analyse de Monsieur le Ministre du texte en ce qui concerne ses impacts sur l’agriculture wallonne, notamment de la volonté d’instaurer le principe du pollueur-payer et de procéder par objectifs quantifiables en ce qui concerne la réduction d’utilisation des pesticides. Et après les analyses, ce sont ses conclusions concrètes qui m’intéressent.
  • Réponse du 26/11/2007
    • de LUTGEN Benoît

    Je rappelle qu’en Belgique, l'ensemble des compétences " pesticides, utilisations de pesticides et conséquences sur l'environnement des pesticides " est réparti entre trois niveaux de pouvoir et de nombreuses institutions.

    Le niveau fédéral est compétent pour les aspects relatifs à la mise sur le marché, le stockage et l’utilisation de pesticides (arrêté royal du 28 février 1994). Ils sont régis par le Service public fédéral (SPF) Santé publique, Sécurité de la chaîne alimentaire et de l’environnement.

    Les contrôles relatifs aux Limites maximales en résidus (LMR), au contrôle technique obligatoire des pulvérisateurs et aux respects des conditions d’agréation du produit sont réalisés par l’Agence fédérale de la sécurité de la chaîne alimentaire (AFSCA).

    Les locaux de stockage des produits phytopharmaceutiques, quant à eux, sont agréés et contrôlés par le service maîtrise des risques du SPF Santé publique, Sécurité de la chaîne alimentaire et de l’environnement.

    Les Régions, quant à elles, sont compétentes dans les matières agricoles et environnementales.

    De ce fait, si elles considèrent qu’il y a un risque pour l’environnement, les régions peuvent limiter l’utilisation de certains produits sur certaines surfaces.

    C’est ainsi, par exemple, qu’en Région wallonne, l’usage d’herbicides est interdit dans les espaces publics sauf sur les surfaces situées à moins d’un mètre d’une voie de chemin de fer, dans les cimetières ou sur les surfaces recouvertes de graviers ou de pavés. De même, les surfaces proches d’une zone de captage ne peuvent être pulvérisées.

    En matière de contrôles, les régions sont compétentes pour l’application des sanctions dans le cadre de la conditionnalité des « droits prime unique » (DPU) prévue par les règlements européens relatifs à la Politique agricole commune (PAC). Ainsi, dans la conditionnalité « Sécurité de la chaîne alimentaire », des contrôles concernent le respect des conditions d’agréation des produits utilisés ou présents dans l’exploitation agricole et la conformité des pulvérisateurs par rapport au contrôle technique obligatoire. En cas de manquement, les producteurs sont sanctionnés par une réfaction des montants d’aides octroyés dans le cadre de la PAC.

    Les Communautés sont compétentes en matière de formation et, plus spécifiquement, dans le domaine des pesticides, la formation des utilisateurs professionnels de produits phytopharmaceutiques.

    Concernant le projet de stratégie thématique et des nouveaux règlements européens relatifs à l’utilisation des produits phytopharmaceutiques et au suivi statistique de leur utilisation, il est important de dire que, au niveau des utilisations agricoles de produits phytopharmaceutiques, nous sommes des précurseurs et la Belgique est " en avance " :

    - un contrôle technique obligatoire des pulvérisateurs (sauf pulvérisateurs à dos et à lance) est déjà réalisé en Belgique depuis 1995 et, de ce fait, le parc "pulvérisateur" belge est considéré comme l'un des plus performants d'Europe. A titre d'exemple, en 1995, lors du premier contrôle des pulvérisateurs, seuls 24% des pulvérisateurs étaient en parfait état. En 2005, seuls 15% étaient refusés au premier passage (lors du second passage, après corrections des défauts, la quasi-totalité était acceptée) ;

    - depuis les années 1990, une collecte des bidons de produits phytopharmaceutiques est organisée chaque année par l'ASBL Phytophar recover. Cette collecte permet de récupérer plus de 90% des bidons de produits utilisés par les professionnels ;

    - depuis le début des années 2000, tous les deux ans, les produits périmés sont récupérés par cette même asbl. Cette collecte permet de limiter très fortement les risques, pour les eaux de surfaces et souterraines consécutifs à une élimination via les égouts de ces produits "périmés" (périmé signifie dont on a retiré l'agréation).

    De manière plus générale, la Belgique a "anticipé" les décisions européennes en mettant en place, depuis le mois de mars 2005, un premier programme de réductions des pesticides et des biocides. Ce programme a été élaboré au niveau fédéral avec la collaboration des Régions.

    Concrètement, ce premier programme de réduction a pour objectif ambitieux, en prenant comme référence l'année 2001, de réduire de 50%, d’ici à 2010, le risque pour la santé humaine et l’environnement lié aux utilisations non agricoles de pesticides à usage agricole et de biocides. En raison des nombreux efforts déjà réalisés par le secteur agricole depuis les années 1990 (développement du système FAR en betteraves, contrôle technique obligatoire des pulvérisateurs, récupération des emballages vides par l’ASBL Phytocar-Recover, mise en place de système d’avertissement, lutte intégrée, …), l’objectif de réduction du risque est fixé à 25 % pour les pesticides à usage agricole utilisés en agriculture.

    Contrairement à d’autres pays européens qui ont adopté un programme de réduction simplement en termes de quantités utilisées de pesticides, le programme belge vise à réduire l’impact négatif des pesticides à usage agricole et des biocides.

    En effet, une réduction des quantités, contrairement à ce que le Parlement européen propose, n'apporte pas de garantie de résultat. Si nous voulions, au niveau de la Belgique, diminuer les quantités de produits phytopharmaceutiques vendues, il "suffirait" de supprimer l'agréation des produits les plus vendus (particulièrement auprès des particuliers non professionnels, tels que le sulfate de fer utilisé comme anti-mousse et le chlorate de soude utilisé comme herbicide). L'impact sur l'environnement de ces deux produits n’est pas le plus important. Il existe des produits utilisés en plus faible quantité, mais qui ont un impact négatif bien plus grand.

    Le plan de réduction belge "englobe" déjà un certain nombre de mesures que l'Europe voudrait voir adoptées par les Etats membres. Je pense notamment :

    - aux objectifs de réduction déjà chiffrés du Plan d'action national (cf. ci-avant 50 % et 25 % en agriculture) (PRPB) ;
    - à la mise en place d’une licence de pulvérisation : en négociation actuellement entre le Fédéral, les Régions, les Communautés, l'industrie et les agriculteurs pour les utilisateurs professionnels de produits phytopharmaceutiques ;
    - au contrôle des pulvérisateurs déjà d'application ;
    - à la réduction des quantités employées :

    *efforts déjà fournis par les agriculteurs et soutenus par les Régions (tournières enherbées, lutte intégrée, services d’avertissement, développement de techniques plus économes en intrants, etc.) ;
    * réduction de l'emploi dans les zones sensibles : interdiction de l'utilisation de pesticides sur le domaine public, 35.000 hectares en Nature 2000, etc. ;
    * résidus et emballages : Phytofar-Recover (cf. ci-avant) ;
    * IPM (integrate pest management) : déjà mis en place pour des cultures à haute valeur ajoutée (fruits, légumes, ...).

    Il faut savoir que 51 % des produits phytopharmaceutiques vendus en Wallonie sont utilisés par les agriculteurs, 33 % par le grand public et 2,5 % sont utilisés par les administrations et la SNCB.

    Je rappelle qu’en Région wallonne, il est interdit d'utiliser des herbicides sur les espaces publics (sauf sur les surfaces pavées, recouvertes de gravier, à moins d’un mètre d'une voie de chemin de fer et dans les allées de cimetières). J’ai décidé de renforcer cette interdiction par le dépôt d’un projet de décret qui est actuellement en voie de finalisation.

    Grâce aux efforts déjà réalisés par l’agriculture wallonne et aux nombreuses règles déjà mises en place en devançant les nouvelles dispositions européennes, les conséquences sur l'agriculture wallonne seront limitées.

    De plus, au travers du soutien du développement de l’agriculture biologique qui s’interdit l’usage de produits phytopharmaceutiques, une partie de plus en plus importante du territoire agricole wallon échappe à l’usage des pesticides (19.000 hectares en 2005, 23.500 hectares en 2006).

    Je reste particulièrement attentif à ce dossier en concertation avec le secteur agricole.