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Dérèglements du climat mondial - Situation en Région wallonne - Rapport de l'Organisation météorologique mondiale de Genève.

  • Session : 2007-2008
  • Année : 2007
  • N° : 144 (2007-2008) 1

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  • Question écrite du 17/12/2007
    • de BERTOUILLE Chantal
    • à LUTGEN Benoit, Ministre de l'Agriculture, de la Ruralité, de l'Environnement et du Tourisme

    Un rapport de l'Organisation météorologique mondiale à Genève a été rendu public dans le courant du mois de juillet 2007. Ce rapport fait remarquer que le globe connaît cette année des conditions météo extrêmes: des inondations records qui ont perturbé New York hier à la mousson catastrophique en Inde. Ces phénomènes climatiques qui vont sans doute se multiplier, d'après le rapport de l'Organisation météorologique mondiale à Genève.

    On peut donc s'attendre à des dérèglements majeurs du climat mondial dans les prochaines années.

    Nul ne peut être insensible au fait qu'après vingt jours de pluie continue le bilan de la mousson en Inde est dramatique: 1.400 morts et 20 millions de personnes touchées. Chez nos voisins Français, pour les six premiers mois de l'année, on a pu constater une météo contrastée, entre pluies records et sécheresse.

    Monsieur le Ministre, responsable de l'environnement en Région wallonne, a-t-il fait analyser ce rapport de l'Organisation météorologique mondiale de Genève et quelles sont les conclusions qu'il tire de cette analyse ?
  • Réponse du 14/01/2008
    • de LUTGEN Benoît

    Avant de développer plus en détail les informations transmises par l’organisation météorologique mondiale, il est important de souligner que cet organisme est le cofondateur du GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) avec le PNUE (Programme des Nations Unies pour l’environnement). Cette année 2007 fut d’abord une année primordiale pour la sensibilisation et la compréhension du phénomène des changements climatiques grâce au quatrième rapport du GIEC et au film d’Al Gore. Le prix Nobel de la Paix vient bien entendu souligner l’importance de ces travaux et cherche aussi à mettre en évidence le fait que les changements climatiques auront non seulement des impacts environnementaux ou économiques majeurs dans le futur mais aussi des conséquences géopolitiques pouvant affecter la stabilité de certains Etats ou Régions dans le monde.

    Les données météorologiques de 2007 confirment les tendances observées ces dernières années et renforcent l’intégrité des travaux sur le climat du GIEC. Les dernières données transmises lors de la conférence des Parties au Protocole de Kyoto de Bali en décembre sont assez éclairantes sur l’évolution préoccupante du climat. On peut citer une série de faits durant l’année écoulée :

    - la décennie 1998-2007 est la plus chaude jamais enregistrée. La température moyenne à la surface du globe en 2007 présente actuellement une anomalie positive estimée à 0,41°C par rapport à la normale calculée pour la période 1961-1990 ;

    - la diminution record de l'étendue de la banquise de l'Arctique s'est traduite par l'ouverture, pour la première fois dans l'histoire, du passage du Nord-Ouest canadien ;

    - certaines régions d'Europe ont connu un hiver et un printemps parmi les plus cléments de leur histoire, les températures moyennes de janvier et d'avril étant supérieures de plus de 4°C à la normale pour ces mois ;

    - des températures torrides ont sévi dans une grande partie de l'Australie-Occidentale entre début janvier et début mars, celles de février dépassant de plus de 5°C la moyenne ;

    - en juin et juillet, deux vagues de chaleur extrême ont frappé le Sud-Est de l'Europe, où les maxima quotidiens, qui étaient supérieurs à 40°C et ont atteint 45°C en Bulgarie, ont pulvérisé les précédents records ;

    - l'Amérique du Sud a connu pour sa part, entre juin et août, un hiver inhabituellement rigoureux : des blizzards et des chutes de neige exceptionnelles se sont abattus sur plusieurs provinces, la température chutant jusqu'à –22°C en Argentine et –18°C au Chili au début du mois de juillet ;

    - une sécheresse grave à extrême a sévi durant une grande partie de l'année dans de vastes secteurs du nord du Midwest et de l'ouest des États-Unis d'Amérique et aussi dans le Sud de l'Ontario (Canada) ;

    - la Chine a connu sa pire sécheresse des dix dernières années : 40 millions d'hectares de terres agricoles ont été touchés et des dizaines de millions de personnes ont dû faire face à des restrictions d'eau ;

    - en Indonésie, les inondations massives qui ont frappé Java au début du mois de février ont fait des dizaines de victimes et noyé sous des mètres d'eau (jusqu'à 3,7 m) la moitié de la ville de Djakarta. Les fortes pluies de juin ont ravagé certaines régions du sud de la Chine, où les inondations et les glissements de terrain ont touché plus de 13,5 millions de personnes et en ont tué plus de 120. Par ailleurs, de nombreux épisodes de précipitations extrêmes liés à la mousson ont entraîné les pires inondations que certaines régions d'Asie méridionale aient connues depuis plusieurs années. Environ 25 millions de personnes ont été touchées, notamment en Inde, au Pakistan, au Bangladesh et au Népal et des milliers de personnes ont perdu la vie;

    - les 17 et 18 janvier 2007, un puissant système dépressionnaire, Kyrill, a déversé des pluies torrentielles sur une grande partie de l'Europe du Nord où les vents ont soufflé jusqu'à 170 km/h. Au moins 47 personnes ont trouvé la mort et les coupures de courant ont concerné des dizaines de millions de personnes durant la tempête ;

    - l'Angleterre et le pays de Galles ont connu leurs mois de mai à juillet les plus arrosés depuis que les observations ont débuté, en 1766. La hauteur totale de pluie s'est élevée à 415mm, pulvérisant le précédent record – 349 mm – qui remonte à 1789. Des inondations de grande ampleur ont fait neuf victimes et causé plus de 6 milliards de dollars de dégâts ;

    - quatorze tempêtes baptisées, contre une moyenne de douze, se sont formées au-dessus de l'Atlantique durant la saison cyclonique de 2007; six étaient classées dans la catégorie des ouragans, la moyenne annuelle étant elle aussi de six. Pour la première fois depuis 1886, deux ouragans de catégorie 5 (Dean et Felix) ont touché terre durant la même saison cyclonique ;

    - le 15 novembre, le cyclone tropical Sidr a touché terre au Bangladesh, s'accompagnant de pluies torrentielles et de vents pouvant atteindre 240 km/h. Plus de 8,5 millions de personnes ont été touchées dont plus de 3 000 ont trouvé la mort. Près de 1,5 million d'habitations ont été endommagées ou détruites ;

    - etc.

    Il s’agit hélas ici d’une liste non exhaustive qui montre, autant dans la diversité des événements que dans la diversité des localisations, que le climat de la terre ne va pas en s’améliorant.

    D’autres éléments corroborent ces données météorologiques. La société de réassurance Munich Re a enregistré un chiffre record de 950 catastrophes naturelles en 2007. Il s’agit là d’une nette augmentation par rapport aux 850 catastrophes de l’année précédente. Ce chiffre est en augmentation et est le plus haut taux depuis 1974. Malgré l’absence de catastrophe de grande ampleur, le coût économique de ces catastrophes a augmenté de 50% entre 2006 et 2007 pour atteindre 75 milliards de US$.

    Un autre réassureur, Swiss Re, a fait une projection de l’évolution des dommages liés aux catastrophes climatiques pour certains pays européens dont la Belgique entre 1975 et 2085 à prix constant. Pour la Belgique, ils ont estimé une augmentation des dommages annuels moyens de 80% avec des valeurs extrêmes de 15 à 150 % (cfr tableau ci-joint)

    Comme le montrent ces informations, le suivi des catastrophes météorologiques ou climatiques n’est pas l’apanage des scientifiques. Leurs impacts sont tels que les milieux économiques sont aussi dans l’obligation d’analyser ces éléments.

    Pour répondre à la question de l'honorable Membre, la météorologie ne fait ici que donner des faits. Ces données doivent être comparées aux modélisations réalisées par le GIEC dans le cadre des différents rapports. Force est de constater que pour l’instant, les faits confirment et dépassent même les pires prévisions du GIEC. L’université de Melbourne a réalisé un rapport visant à comparer l’évolution constatée de certains paramètres avec les dernières modélisations du GIEC. Les conclusions de ce rapport sont alarmantes : l’accroissement observé de la température moyenne de la terre, l’accroissement observé de la concentration des gaz à effet de serre ou l’accroissement observé de la fonte des glaces dans l’Arctique sont supérieurs aux pires scénarii du GIEC. Bien entendu les scénarii du GIEC développent des tendances moyennes sur du plus long terme, ce qui ne permet pas de faire une réelle comparaison avec une situation ponctuelle peut-être non statistiquement représentative.

    Néanmoins, les conclusions sont relativement simples. D’une part, il est prudent d’accorder foi aux résultats des travaux scientifiques. Les résultats des travaux du GIEC sont partagés par la grande majorité des scientifiques actifs dans le domaine des changements climatiques, il faut donc baser notre réflexion sur ceux-ci. D’autre part, les responsables de l’environnement n’ont pas besoin d’être convaincus de la réalité du changement climatique et de l’impact futur de ce phénomène sur la vie de chacun. Ces faits sont connus et assimilés depuis longtemps. Notre défi se situe davantage dans l’acceptation de tous, et ceci, y compris au niveau de chaque citoyen, de la nécessité de réduire drastiquement nos émissions de gaz à effet de serre à moyen terme. Plus notre capacité à réduire notre dépendance historique au carbone sera grande et plus nous serons capables d’affronter sereinement les grands défis environnementaux, économiques et géopolitiques du futur.

    Que l'honorable Membre croit bien que je n’ai pas attendu la publication du rapport de l’Organisation météorologique mondiale de Genève pour rechercher et mettre en place des pistes pour lutter contre les changements climatiques en Région wallonne. Le Plan wallon Air Climat, dont le projet a été adopté par le Gouvernement wallon du 15 mars 2007, et dont les actions se sont vues confirmées par une séance spéciale du Gouvernement wallon du 18 octobre 2007, reprend toute une série de mesures pour lutter contre les changements climatiques. En matière d’agriculture, par exemple, le développement d’une filière de biométhanisation propre à ce domaine est envisagé en collaboration avec le Ministre Antoine. Cette mesure permettra de limiter les émissions de gaz à effet de serre dans ce secteur.

    Une autre mesure consiste à prendre en compte l’adaptation aux changements climatiques dans les choix à long terme des essences pour la forêt « publique ». En effet, il s’agit de mettre en place des mesures pour lutter contre les changements climatiques et, dans un souci d’anticipation, les mesures d’adaptation à ces changements. La végétation en général et les forêts en particulier sont des puits de carbone qu’il est important de préserver. Une gestion raisonnée de la forêt et le choix judicieux des essences forestières permettront de sauvegarder le poumon de la Région wallonne. A cette fin, j’envisage parallèlement des incitants fiscaux dans le cadre du projet de décret sur le Code forestier.

    Ces mesures sont présentées à titre d’exemples. Bien d’autres mesures dans d’autres secteurs (résidentiel, transport, industries,…) traitant de la politique énergétique et de la gestion des déchets par exemple sont détaillées dans le Plan wallon Air Climat et soumises aux délibérations du Gouvernement. Au niveau du secteur résidentiel et tertiaire, une panoplie d’actions sont envisagées pour améliorer l’efficacité énergétique du bâtiment pour limiter les émissions de CO2 du secteur du transport. Vu l’ampleur des conséquences des changements climatiques annoncées par les experts scientifiques, les pouvoirs publics ne peuvent rester les bras croisés. Les mesures décidées amorcent une tendance nouvelle au sein de l’Exécutif wallon : la transversalité et l’intégration de la politique de l’environnement dans les autres matières.

    Ces mesures seront-elles suffisantes pour conjurer les phénomènes sus décrits ? Certes non, mais en cette matière, les Etats ont chacun une responsabilité commune et différenciée selon les moyens.

    Je m’attache à ce que la Région soit un bon exemple à suivre, ce qu’elle est dans les faits.