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Fonctionnaires - Devoir de réserve.

  • Session : 2007-2008
  • Année : 2008
  • N° : 181 (2007-2008) 1

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  • Question écrite du 04/03/2008
    • de BERTOUILLE Chantal
    • à COURARD Philippe, Ministre des Affaires intérieures et de la Fonction publique

    Il n'est pas rare que, dans le cadre de réunions, des fonctionnaires puissent être appelés à présenter des dossiers et ainsi à agir en qualité d'experts. Dès lors, il est normal que les interlocuteurs participant à ces réunions puissent poser diverses questions à ces fonctionnaires experts. Cependant, souvent - et cela de manière parfois bien involontaire - ces fonctionnaires peuvent exprimer leur opinion personnelle sur un projet ou encore se montrer particulièrement critique sur des décisions ou choix politiques. Agissant de la sorte, ils s'expriment en leur nom propre et non plus au nom de l'administration qui, je le rappelle, doit restée totalement neutre à l'égard des choix politiques posés. Ces fonctionnaires outrepassent leur devoir de réserve.

    Dans un premier temps, Monsieur le Ministre peut-il me retracer les limites du devoir de réserve qui incombe aux fonctionnaires? Quelles sont les sanctions auxquelles s'exposent ceux-ci en cas de non respect de leur devoir de réserve?

    Ces règIes de devoir de réserve sont-elles identiques pour les fonctionnaires communaux ou de CPAS qui s'exprimeraient devant un conseil communal ou un conseil de CPAS ?
  • Réponse du 14/04/2008
    • de COURARD Philippe

    La question posée par l’honorable membre a retenu ma meilleure attention.

    Le fonctionnaire doit, dans l’exercice comme en dehors de l’exercice de ses fonctions, éviter tout ce qui pourrait porter atteinte à la dignité de ses fonctions ou à sa capacité de les exercer, donner lieu à scandale ou compromettre les intérêts du Service public.

    Il est tenu de se comporter avec dignité et civilité tant dans ses rapports de service avec ses supérieurs, ses collègues et subordonnés que dans ses rapports avec les usagers de son service qu’il doit traiter avec compréhension, prévenance et sans aucune discrimination.

    Il est interdit au fonctionnaire de révéler les faits dont il a obtenu connaissance en raison de ses fonctions et qui auraient un caractère secret de par leur nature ou de par les prescriptions des supérieurs hiérarchiques, à moins d’en être dispensés par le Ministre du ressort.

    Ces dispositions s’appliquent également au fonctionnaire qui a cessé ses fonctions

    Tout détournement, toute communication contraire aux lois et règlements de pièces ou documents de service à des tiers sont interdits.

    Devoir de réserve et devoir d’intégrité étant intrinsèquement liés. Si, dans l’exercice de ses fonctions, le fonctionnaire est amené à se prononcer sur une affaire dans laquelle il peut avoir un intérêt personnel de nature à compromettre son indépendance, il doit en informer son supérieur hiérarchique.

    La question posée par l'honorable Membre trouve réponse dans les textes réglementaires qui concerne la fonction publique wallonne, dans la Constitution et dans la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des libertés fondamentales

    L’article 6, alinéa 1er, de l’arrêté royal du 22 décembre 2000 fixant les principes généraux du statut administratif et pécuniaire des agents de l'Etat applicables au personnel des services des Gouvernements de Communauté et de Région et des Collèges de la Commission communautaire commune et de la Commission communautaire française ainsi qu'aux personnes morales de droit public qui en dépendent. (Moniteur belge 9 janvier 2001) – Code de la fonction publique wallonne – Constitution - Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des libertés fondamentales prévoit que « les agents jouissent de la liberté d’expression à l’égard des faits dont ils ont connaissance dans l’exercice de leur fonction. »

    Cette disposition est reprise dans le Code de la fonction publique wallonne.
    En effet, l’article 3, § 1er, consacre expressément, pour les agents des services publics, le droit à la liberté d’expression.

    Par ailleurs, la liberté d’expression est également consacrée par l’article 19 de la Constitution et par l’article 10.1 de la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des libertés fondamentales : « toute personne a droit à la liberté d’expression. Ce droit comprend la liberté d’opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu’il puisse y avoir ingérence d’autorités publiques ».

    Les fonctionnaires jouissent donc de la liberté de parole et de publication.

    Toutefois, la liberté d’expression n’est pas absolue

    Ainsi, aux termes de l’alinéa 2 de l’article 6 du même arrêté royal du 22.12.2000, il est interdit aux agents de révéler trois catégories de faits :

    - ceux qui ont trait à la sécurité nationale, à la protection de l'ordre public, aux intérêts financiers de l'autorité, à la prévention et à la répression des faits délictueux, au secret médical, aux droits et libertés du citoyen et, notamment, le droit au respect de la vie privée ;

    - ceux qui ont trait à la préparation de toutes les décisions, aussi longtemps qu'une décision finale n'a pas encore été prise ;

    - ceux qui, lorsqu'ils sont divulgués, peuvent porter préjudice à la position de concurrence de l'organisme dans lequel l'agent est occupé.

    Le Code de la Fonction publique (article 3, § 2) reprend également ces trois exceptions qu’il convient d’interpréter restrictivement.

    Il convient, en outre, de mettre en parallèle la liberté d’expression et certains devoirs imposés aux agents :

    - l’article 4 de l’arrêté royal du 22 décembre 2000 dispose que « les agents remplissent leurs fonctions avec loyauté, conscience et intégrité sous l’autorité de leurs supérieurs hiérarchiques. A cet effet, ils sont tenus de respecter les lois et règlements en vigueur ainsi que les directives parmi lesquelles les règles de conduite concernant la déontologie, de l’autorité dont ils relèvent ;

    - En vertu de l’article 5, § 2, « les agents évitent, en dehors de l’exercice de leur fonction, tout comportement qui pourrait ébranler la confiance du public dans leur service ».

    Cette obligation nouvelle de « loyauté et intégrité » est une sorte de combinaison du devoir de réserve tel qu'il était précédemment compris par la jurisprudence, spécialement du Conseil d'Etat, et du devoir de loyauté tel qu'il avait été compris par la doctrine, à savoir comme une promesse d'obéissance hiérarchique à l'égard du chef de l'administration, l'engagement au respect de la légalité et des libertés inscrites dans la Constitution (Jean Sarot « Précis de fonction publique « , Bruylant 1994, p. 236).

    Le Conseil d’ Etat s’est exprimé en la matière :

    « Le fonctionnement efficace d'une administration ne se conçoit pas sans des règles juridiques destinées à maintenir l'ordre et la discipline et qui sont nécessaires pour qu'un service public puisse réaliser la mission qui lui est assignée. Si, parmi ces règles, se trouve un principe général selon lequel il est permis à un agent d'exprimer, de manière raisonnable et pondérée, une critique de l'action administrative, il lui est interdit de porter atteinte à l'autorité et à la réputation de ses collègues et supérieurs, ainsi qu'à la confiance que le public doit avoir dans l'administration » (arrêt n° 26 du 22 janvier 1986 (Stevens)) .

    En cas de non respect du devoir de réserve, le fonctionnaire s’expose à une éventuelle procédure disciplinaire.

    Il y aura sanction à l’issue d’une telle procédure si une faute est réellement établie au regard de la réglementation en vigueur, des propos tenus et du contexte dans lequel ils l’auront été.

    L’acte sanctionné, la faute consistera dans l’abus de l’exercice de la liberté d’expression : propos à caractère injurieux, irrespectueux, méprisant à l’égard de l’administration, des personnes chargées de gérer un Service public.

    En tant que service public, le CPAS doit bien entendu veiller au respect de l’intimité et de la vie privée des personnes. Ainsi, le respect du secret professionnel est inscrit dans la loi organique des CPAS et il s’applique aux mandataires et aux membres du personnel.

    Il existe également un devoir de réserve dans le chef des fonctionnaires de CPAS qui est apparenté à celui existant pour les fonctionnaires communaux.

    En conclusion, le devoir de réserve est en quelque sorte le devoir, pour le fonctionnaire lorsqu’il doit manifester ses opinions, de le faire en trouvant la forme la plus adéquate et la plus modérée dans laquelle il s’exprimera. Il devra se tenir au caractère raisonnable de sa liberté d’expression et rechercher le juste équilibre entre sa liberté d’expression et sa loyauté ; c’est dans cette mesure qu’il respectera son droit de réserve.