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Disparition des abeilles en Région wallonne.

  • Session : 2007-2008
  • Année : 2008
  • N° : 261 (2007-2008) 1

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  • Question écrite du 18/03/2008
    • de SENESAEL Daniel
    • à LUTGEN Benoit, Ministre de l'Agriculture, de la Ruralité, de l'Environnement et du Tourisme

    Depuis une dizaine d'années, l'apiculture enregistre de lourdes pertes dans les ruchers d'Europe et d'ailleurs. Notre Parlement s'est déjà saisi de ce dossier depuis de nombreuses années, nous avons fait une commission spéciale à ce sujet et notre Collègue Léon WaIry a été à la base d'une résolution importante à ce sujet. Le prédécesseur de Monsieur le Ministre a, quant à lui, commandé plusieurs études sur le sujet.

    Certains pesticides (le Gaucho et le Régent) ont été et sont toujours soupçonnés d'être les responsables de la hausse de la mortalité des abeilles. Ils intoxiqueraient les abeilles de façon chronique et dérégleraient leur comportement avec pour conséquence la mort à brève échéance de la colonie.

    La France a déjà interdit la pulvérisation de plusieurs produits, ce qui n'est pas le cas chez nous. En effet, les premiers résultats des études commandées par la Région wallonne ont plutôt ciblé comme responsable de cette mortalité, un virus qui est présent dans les ruches.

    Il semblerait que de nombreux apiculteurs ont vu leur rucher être totalement décimé cet hiver.

    En Belgique, aucun recensement systématique ne permet de faire l'état des pertes. Celles-ci surviennent pourtant depuis près de 10 ans maintenant.

    La distribution géographique de ces pertes laisse à penser que le problème concerne des roches qui ont pu s'approvisionner à une source commune. Un même apiculteur qui a deux ruchers voit s'effondrer un rucher alors que l'autre ne présente aucun problème; un apiculteur qui a des problèmes à un endroit voit disparaître les problèmes s'il transporte ses ruchers à l'autre endroit.

    Ces éléments sont-ils conformes à la thèse du virus où cela conforte-t-il plutôt la thèse des produits phytosanitaires?

    Si l'on ajoute qu'on ne décèle pas de signes cliniques de maladies dans les ruchers touchés et que les ruches retrouvent un comportement normal et se repeuplent peu à peu dès qu'on a retiré les cadres de nourriture, on comprendra que les apiculteurs sont peu disposés à entendre incriminer les maladies ou les carences alimentaires de leurs abeilles, ou encore leur incompétence à soigner leur cheptel, toutes choses régulièrement énoncées et relayées par la presse.

    Un recensement est-il prévu en Région wallonne?

    Qu'en est-il au niveau des études commandées par la Région wallonne ? Disposons-nous déjà des résultats définitifs ? Dans la négative, Monsieur le Ministre peut-il nous dire quand ils seront disponibles ?

    Où en est-on concernant l'interdiction d'utiliser les insecticides qui seraient responsables de ces pertes ?

    N'oublions pas que près de 75 % des cultures nourricières de l'humanité dépendent des pollinisateurs, en majorité les abeilles. Elles sont également de véritables sentinelles de l'environnement. A ce titre, elles viennent nous lancer maintenant un cri d'alarme qu'il serait intelligent d'écouter.
  • Réponse du 11/04/2008
    • de LUTGEN Benoît

    A cette période de l’année, nous ne disposons que de premières estimations de mortalité de colonies. Des chiffres de 30 à 40 % de mortalité peuvent être avancés pour certaines zones alors que d’autres zones semblent y échapper. Selon le Centre apicole de recherche intégrée de Louvain-la-Neuve (CARI) qui suit cette situation de près, la mortalité moyenne en Wallonie peut être évaluée à environ 20 %.

    Un recensement sur base volontaire est actuellement réalisé par l’unité d’entomologie de la Faculté universitaire des sciences agronomiques de Gembloux (FUSAGx).

    Le CARI a proposé, à titre gratuit, des ruchettes de repeuplement aux apiculteurs qui avaient subi plus de 80% de pertes. Plus de 50 ruchettes ont été demandées.

    Plusieurs éléments peuvent expliquer cette situation inquiétante :

    - on peut citer en premier lieu le parasite Varroa destructor qui, suite aux conditions climatiques clémentes de cet hiver, a eu un développement de ses populations trois fois plus important que les années précédentes, ce qui a surpris de nombreux apiculteurs;

    - les conditions climatiques ont très fortement réduit les apports naturels de nectar durant l’été et l’automne 2007. Par contre, les températures extrêmement clémentes de l’hiver ont maintenu une activité inhabituelle à l’intérieur des ruches, ce qui a entraîné une consommation hivernale deux fois supérieure à la normale. Pénurie des stocks et consommation accrue ont généré des famines dans certaines colonies nourries normalement par les apiculteurs;

    - à côté de ces cas dont la cause est clairement établie, il reste des cas non expliqués qui continuent de retenir l’attention des scientifiques. Ces cas se multiplient à travers toute l’Europe, même dans les pays où un suivi vétérinaire méticuleux est assuré.

    En Wallonie, la recherche de résidus de pesticides dans les différents composants de la ruche, ainsi que l’identification des maladies et parasites qui affectent les colonies d’abeilles sont toujours en cours à la Faculté des Sciences Agronomiques de Gembloux, en collaboration avec l’Université de Liège. La Région wallonne soutient cette étude qui se terminera en juin de cette année.

    Le Gaucho et le Régent, dont les matières actives sont respectivement l’imidacloprid et le fipronil, appliqués en enrobage de semences, ont été soupçonnés d’être les responsables des pertes d’abeilles domestiques en Europe ou tout au moins en France et en Belgique. L’imidacloprid a été suspendu en France sur maïs et tournesol. Le fipronil a quant à lui été suspendu sur maïs, riz, tournesol et céréales. Malgré ces suspensions, les colonies d’abeilles continuent de disparaître en France.

    En ce qui concerne la Wallonie, il s’avère que sur 600 analyses réalisées dans la cire, le miel et les abeilles, seulement cinq échantillons contenaient de l’imidacloprid et aucun du fipronil. Actuellement, ces pesticides sont recherchés dans le pollen et à ce jour un seul échantillon sur 70 est positif à l’imidacloprid et aucun au fipronil. A noter aussi que toutes les colonies où la présence d’imidacloprid a été détectée sont encore vivantes. Cette étude s’achève en juin et les résultats définitifs ne sont pas encore disponibles.

    Cette étude scientifique n’a pas mis en évidence de distribution géographique particulière des problèmes, ni de source d’approvisionnement commune des colonies ayant été touchées. De plus, les deux cas particuliers énoncés (même apiculteur – deux ruchers, un apiculteur – déplacement) datent d’il y a près de quatre ans et ne peuvent constituer une généralité.

    En ce qui concerne les signes cliniques, on observe des grappes d’abeilles mortes sur la partie supérieures des cadres, peu d’abeilles dans le fond des ruches et systématiquement de nombreux varroas. Des tests ont également été réalisés afin d’alimenter des abeilles avec les restes de nourriture de colonies mortes et aucune mortalité ne fut observée.

    Dans le cadre du programme européen de soutien de l’apiculture et avec le soutien de la Fédération apicole belge, le CARI va proposer un nouvel achat groupé de médicaments contre la varroase aux apiculteurs, par le biais de la prochaine revue « Actu Api ». Une fois de plus, l’attention des apiculteurs sera attirée sur l’importance des traitements curatifs correctement réalisés. Le coût de l’ensemble des traitements revient à la valeur de moins d’un kilo de miel par ruche.

    J’attends le dépôt d’un projet du CARI qui devrait viser à mieux encadrer les apiculteurs. Je relève trois objectifs à ce projet :

    - permettre une adaptation rapide des apiculteurs aux évolutions de la situation par une meilleure circulation de l’information ;
    - favoriser les bonnes pratiques sanitaires apicoles par la diffusion de ce guide ;
    - développer une Indication géographique protégée (IGP) pour les miels wallons dont la demande sera introduite à la Région wallonne.

    Je reste particulièrement attentif aux problèmes vécus par nos apiculteurs. Outre le rôle pollinisateur des abeilles, elles sont de véritables sentinelles de l’état de notre environnement.