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Interdiction du port de la burka en rue.

  • Session : 2007-2008
  • Année : 2007
  • N° : 225 (2007-2008) 1

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  • Question écrite du 11/04/2008
    • de STOFFELS Edmund
    • à COURARD Philippe, Ministre des Affaires intérieures et de la Fonction publique

    A Verviers, la Commission des femmes a demandé l’interdiction du port de la burka et, plus généralement, le port en rue de voiles couvrant le visage. La justification : soutenir l’égalité entre hommes et femmes.

    Ce n’est pas le visage couvert qui irrite mais la mentalité que la burka symbolise : le visage couvert en marchant 10 mètres derrière l’homme, la femme serait considérée comme inférieure à l’homme. Si tel est le cas, cela témoignerait d’un non-respect de nos valeurs occidentales par les personnes d’origine musulmane.

    Les musulmans vont être consultés. En effet, la question est sensible parce qu’elle touche aussi la liberté des religions.

    La ville semble plutôt favorable à cette proposition. Un règlement serait en préparation.

    Déjà maintenant, l’arrêté de police interdit - sauf autorisation du bourgmestre - le port public de tout masque qui cache l’identité de la personne. Quand le règlement fut installé, c’était pour des raisons de sécurité publique.

    Au sein de la zone de police Verviers-Dison-Pepinster, les communes essayent de coordonner leurs règlements. En définitif, il reviendra aux communes d’adopter les règlements qui leur seront soumis.

    La question est sensible. Deux principes fondamentaux se heurtent : d’une part, la liberté de pratiquer la religion de son choix et d’y donner l’expression voulue et, d’autre part, notre conception fondamentale de l’être humain, en ce compris l’égalité entre les deux genres. Il me semble de ce fait que la Région wallonne doit s’intéresser à ce type de questions, d’une part, pour encadrer correctement les autorités locales et pour éviter que les réglementations adoptées soient en contradiction avec les disposition de la Constitution et, d’autre part, pour garantir que les différents règlements communaux ne s’écartent pas trop les uns des autres ce qui risquerait de provoquer une situation intenable. Quel est, dès lors, le point de vue de Monsieur le Ministre sur cette question ?
  • Réponse du 08/05/2008
    • de COURARD Philippe

    La question posée par l’honorable Membre relative à l'interdiction du port de la burka en rue a retenu ma meilleure attention.

    Dans le contexte de la position adoptée par la Commission consultative des femmes de Verviers, l'honorable Membre souhaite connaître mon avis et mes intentions concernant l'opportunité de prendre des mesures visant à interdire le port de la burka en rue.

    L'honorable Membre relève à juste titre qu'en la matière, les deux principes fondamentaux que sont la liberté de culte et l'égalité entre les hommes et les femmes se heurtent.

    L'honorable Membre estime que la Région wallonne doit s'intéresser à ce problème :

    - pour encadrer les autorités locales et éviter que les réglementations communales adoptées ne soient en contradiction avec les dispositions de la Constitution belge ;
    - et pour garantir une certaine homogénéité dans les règlements communaux pris.

    La Commission consultative verviétoise réclame l'interdiction du port de la burka dans les rues de Verviers, et plus généralement des voiles couvrant le visage, fondant sa requête sur le principe de l'égalité entre les hommes et les femmes.

    Le Centre pour l'égalité des chances et la lutte contre le racisme ainsi que le MRAX, Mouvement contre le racisme, l'antisémitisme et la xénophobie, se sont exprimés en réaction à cette initiative. Ils considèrent que le motif avancé pour justifier l'interdiction de la burka pose question.

    Les deux associations estiment que :

    - d'une part, l'interdiction du port de la burka ne peut légitimement être justifiée sur base du principe de l'égalité entre les hommes et les femmes alors que le maintien de l'ordre public et de la sécurité pourrait constituer un motif objectif ;
    - d'autre part, la mesure de l'interdiction est disproportionnée eu égard à l'importance très marginale de cette coutume vestimentaire au sein de la Communauté musulmane à Verviers, tout comme en Région wallonne.

    Les dispositions légales en la matière sont les suivantes

    Au niveau fédéral

    Une circulaire fédérale du 2 février 1993, émanation de la loi sur les fonctionnaires de police, interdit, pour des raisons de sécurité, de dissimuler son visage sur la voie publique. Ce texte n'a néanmoins pas force de loi.

    En 2005, le Député fédéral François-Xavier De Donnea a déposé une proposition de loi visant à insérer un article 563 bis dans le Code Pénal en vue d'interdire à toute personne de circuler sur la voie publique le visage dissimulé. Ce projet n'a pas abouti.

    En Région bruxelloise

    En janvier 2004, la Zone de police de Bruxelles-Ouest adoptait un règlement de police dont l'article 82 stipule "qu'il est interdit de se présenter dans l'espace public masqué ou déguisé", sauf autorisation expresse du Bourgmestre.

    En Région flamande

    En 2004 également, le règlement communal de Maaseik interdit le port de la burka en rue. Cette décision a été confirmée par le Tribunal de police de Maaseik qui a rejeté l'appel introduit par l'une des cinq femmes marocaines qui se déplaçaient vêtues d’une burka dans les rues de la ville.

    Par ailleurs, toujours en 2004, le Ministre flamand des Affaires intérieures, Marino Keulen, a adressé aux communes un règlement communal type intégrant l'interdiction, de facto, du port de la burka.

    Quant à la Région wallonne, elle n'est pas intervenue, à ce jour, dans cette problématique.

    L'honorable Membre pose la question de la pertinence d'une intervention de la Région wallonne, à l'instar de la Région flamande.

    Les communes ont compétence pour décider de régler ou non cette question par voie de règlements ou d’ordonnances de police en application de l'article 119 de la Nouvelle loi communale.

    S'agissant d'une matière qui relève de l'autonomie communale et d'un phénomène très marginal en Région wallonne, je ne vois pas l'intérêt, pour la Région wallonne, de s'immiscer dans ce débat en proposant un modèle de règlement par circulaire aux communes.

    La problématique du port de la burka est complexe et les prises de position qui en découlent transcendent les clivages politico-philosophiques. Elle réfère à un débat de société ouvert et très sensible, susceptible de déchaîner les passions et, parfois même, les plaidoyers extrémistes.

    En vertu du principe de proportionnalité, toute mesure doit être utile et nécessaire eu égard au but poursuivi.

    Touchant étroitement à la liberté individuelle et à la liberté de culte, aux Droits de l'Homme plus globalement, une telle mesure me semble disproportionnée et excessive. En outre, je ne vois pas pourquoi il faudrait impliquer la Région wallonne dans un combat qui n'est pas nécessairement le sien.

    Afin d'appréhender ce problème dans toute sa complexité, je suis toutefois entièrement disposé à proposer au Parlement un débat sur ce sujet, sur base d'une proposition parlementaire.

    En conclusion, je considère que, dans les circonstances actuelles, il n'y a pas lieu de prendre de mesures dans ce domaine, mais qu'il convient de rester attentif à la problématique soulevée, aux incidents qui pourraient survenir et à l'évolution des mentalités, le tout, dans un esprit de tolérance et de dialogue interculturel.