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Les biocarburants.

  • Session : 2007-2008
  • Année : 2008
  • N° : 291 (2007-2008) 1

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  • Question écrite du 21/04/2008
    • de STOFFELS Edmund
    • à LUTGEN Benoit, Ministre de l'Agriculture, de la Ruralité, de l'Environnement et du Tourisme

    Il y a près d’un moins, notre Commission s’est déjà largement penchée sur le sujet des biocarburants. J’ai d’ailleurs relu avec intérêt les interventions de notre Collègue Daniel Senesael ainsi que les réponses de Monsieur le Ministre.

    A l’heure actuelle, et il est bon de rappeler que cela n’a pas toujours été le cas, les biocarburants sont décriés par certains scientifiques de premier ordre. Même, si pour diverses raisons, nous ne partageons pas l’ensemble des remarques qu’ils émettent, nous devons, prendre leurs analyses au sérieux et voir les enseignements qu’on peut en tirer. D’une manière générale, ces scientifiques mettent en doute le bilan environnemental des biocarburants ainsi que leur impact sur la production mondiale de nourriture.

    Ce sont désormais des Gouvernements européens qui font écho à ces avis. En effet, récemment, on pouvait lire dans un communiqué du Ministère allemand de l’Environnement que : « Encourager l’usage du biocarburant n’est pas une option sur le plan de la lutte contre le réchauffement climatique. ». Dans les articles commentant ce communiqué, la production de biodiesel et de bioéthanol serait, comparée à d’autres options visant la protection du climat, trop cher et trop peu rentable, réduisant trop peu les émissions CO2 par hectare cultivé.

    Les échos entendus en Allemagne sont aussi repris par des sources britanniques : le Ministère de l’Agriculture à Londres critique les effets pervers des cultures de plantes énergétiques telles que le maïs, les céréales, le colza ou encore des cannes à sucre à des fins de production de biocarburant. Ils vont jusqu’à dire que ces cultures contribuent à renforcer même l’effet de serre. De ce fait, ce serait une erreur de prescrire les quantités de biocarburant à ajouter au carburant classique.

    Le Prix Nobel et Chimiste, Paul Crutzen, constate que le développement des cultures à des fins énergétiques n’est neutre ni en émission de gaz à effets de serre ni en pollution des sols via l’utilisation d’engrais et de pesticides.

    D’autres scientifiques s’inquiètent parce qu’ils craignent le déboisement trop important de massifs forestiers dans certains pays, le manque d’eau potable ou des conséquences pour les milieux marins. Phénomène qui est doublé par l’explosion des prix pour les aliments en partie dû au fait que de plus en plus de surfaces agricoles sont destinées à la production de plantes énergétiques qui promet un amortissement plus rapide de l’investissement que la production classique. Ainsi, Jean Ziegler, rapporteur spécial de l’ONU, a demandé, il y a deux semaines, un moratoire quinquennal de production de biocarburant au départ de plantes qui peuvent servir potentiellement à l’alimentation. La proposition vise à donner le temps pour chercher du biocarburant alternatif.

    Ce sont évidemment des propos qui ne sont pas les bienvenus dans le monde politique allemand ou britannique. Là, comme chez nous, on s’est fixé des objectifs ambitieux. Objectifs par ailleurs renforcés par la Commission européenne qui impose aux Etats membres de l’U.E. des quotas de biocarburant à atteindre d’ici 2020. Il est vrai que pendant de nombreuses années, le biocarburant a été considéré comme un secteur prometteur. En Allemagne comme chez nous, on est fier de ce qu’on a pu réaliser. Je pense p.ex. à Biowanze.

    En Allemagne, on commence donc à se poser des questions sur ces orientations. La discussion oppose actuellement les critiques et les défenseurs du biocarburant. Ce qui importe, c’est qu’il y ait une discussion basée sur des considérations scientifiques sérieuses.

    Afin d’éviter toute interprétation, je rappellerai qu’ignorer le potentiel énergétique de la biomasse serait une erreur mais qu’il faut que l’utilisation de ce potentiel se fasse dans le respect des humains et de l’environnement.

    Monsieur le Ministre peut-il me donner sa position sur les avis des scientifiques auxquels je fais référence dans cette question ? Compte tenu des positions prises par certains de nos partenaires européens, pense-t-il que ce dossier viendra sur la table du Conseil des Ministres européens de l’Environnement ? Enfin, quels sont les prolongements que ces réflexions peuvent trouver en Région wallonne ?
  • Réponse du 05/05/2008
    • de LUTGEN Benoît

    Le thème des biocarburants est complexe et évolutif. Il touche divers grands thèmes de société, tels la sécurité énergétique, l’environnement, la sécurité alimentaire et l’économie.

    On ne peut donc l’appréhender que via un bilan global des avantages et désavantages liés à ces différents volets. Il faut également l’aborder de manière pragmatique et dans une perspective à long terme.

    Les biocarburants ne sont qu’une voie parmi d’autres pour répondre aux défis énergétiques et climatiques.

    Pour y répondre, j’ai toujours conditionné mon soutien à des efforts équivalents, tant pour réduire la consommation de carburants que pour améliorer l’efficience de leur usage. Et j’ai toujours souligné que les biocarburants n’étaient acceptables que si leur mode de production, tant dans l’Union européenne qu’en dehors, respectaient des normes environnementales et sociales reconnues.

    Ainsi, pour le projet de Biowanze, j’ai exigé que le soutien du Gouvernement wallon soit conditionné à des critères précis :

    - une utilisation la plus faible possible, voire nulle, d’énergie externe ;
    - des transports des matières premières les plus courts possible ;
    - la préférence absolue des matières premières de la Région ou, à défaut, européennes.

    Le projet de Biowanze sera particulièrement performant. Les calories nécessaires pour son fonctionnement seront produites à partir des sous-produits de la production d’éthanol. Les matières premières seront acheminées par conduites des râperies de betteraves de Leuze et de Hollogne, alors que les céréales seront acheminées des coopératives de collectes par la voie fluviale.

    Il existe une multitude d’études scientifiques sur les impacts environnementaux et alimentaires du développement des biocarburants. Elles ne peuvent être appréciées qu’au regard des hypothèses de travail retenues et des modèles mathématiques utilisés. Il faut appréhender le problème sous tous ses aspects simultanément et globalement.

    Les résultats de ces études sont souvent contradictoires et il est présomptueux d’en tirer des conclusions péremptoires.

    Le volet alimentaire est significatif à ce propos. La hausse des prix des denrées alimentaires n’est pas seulement imputable au développement de la production des biocarburants.

    En effet, nous constatons une forte hausse de la demande issue du développement des pays émergents, couplée à de faibles récoltes de pays gros producteurs.

    Il faut aussi constater, sans toutefois pouvoir le quantifier exactement, le rôle des spéculateurs sur les marchés à terme. Ils influencent considérablement le prix des produits de base.

    Le cours de change du dollar face à l’euro et le prix du baril du pétrole ne sont pas non plus étrangers à l’instabilité et la volatilité des marchés des matières premières agricoles.

    Dans nos pays riches, le prix des matières premières agricoles pèse de moins en moins dans la constitution du prix des produits agro-alimentaires. Les transports, les processus de transformation et les techniques de commercialisation en aval du producteur agricole sont loin d’être négligeables. Les hausses récentes du prix des aliments pour le consommateur ne sont que partiellement imputables à la hausse du prix des céréales ou du lait.

    Dans les pays les moins avancés de la planète, il en va tout autrement. Il y a peu de transformations agro-alimentaires et les ménages consomment essentiellement des produits de base peu transformés. C’est particulièrement le cas en Afrique, dans les grandes villes qui ont pris l’habitude de s’approvisionner sur le marché international excédentaire. Leurs infrastructures sont trop faibles pour acheminer leur propre production agricole ou elles sont monopolisées par le transport des matières premières exportées par les grands groupes agro-industriels.

    De plus, dans les grandes villes, des négociants spéculateurs retiennent des stocks de céréales dans l’attente de hausse de prix, créant artificiellement la pénurie.

    Nous avons à revoir profondément notre aide au développement en la centrant sur un soutien à l’agriculture locale et aux infrastructures intérieures de manutention et de commercialisation des productions vivrières locales.

    La Région wallonne le fait déjà au Congo où, dans un programme piloté par la coopération fédérale, un fonctionnaire de la DGA coordonne la restructuration du Ministère de l’Agriculture congolais pour le rendre plus efficace dans l’encadrement agricole congolais.

    De plus, j’ai approuvé, en collaboration avec ma Collègue la Ministre Simonet, qu’un budget annuel de la DGA soit consacré à l’encadrement technique de petits producteurs autour de Kinshasa et au Burkina Faso.

    Les études que l'honorable Membre évoque, et toutes les autres, passées et futures, contribuent donc au monitoring du développement de la filière. Elles permettent de s’assurer qu’un juste équilibre est maintenu entre objectifs économiques (sécurité énergétique), environnementaux (bilan CO2) et sociaux (alimentation et revenus agricoles du Nord et du Sud).

    En conclusion, les biocarburants sont une solution parmi d’autres pour répondre aux défis énergétiques et environnementaux. Ils ne peuvent être développés que dans le respect des normes environnementales et sociales reconnues. On ne peut donc faire des biocarburants partout et à n’importe quelle condition. Le développement des filières doit être envisagé dans une perspective de long terme.

    L’utilisation de produits nobles, tels les céréales, le maïs, la betterave, le colza et le soja, ne peut être considérée que comme une première étape, la plus brève possible, avant de passer à des produits de seconde génération qui utiliseront préférentiellement des cultures non alimentaires destinées spécifiquement à leur production.

    L’évolution rapide de la recherche et du développement industriel impose un partenariat scientifique et financier renforcé entre le public et le privé.