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Visite à l'Elysette de M. Kris Peeters, Ministre-Président flamand.

  • Session : 2007-2008
  • Année : 2008
  • N° : 328 (2007-2008) 1

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  • Question écrite du 29/05/2008
    • de FOURNY Dimitri
    • à DEMOTTE Rudy, Ministre-Président du Gouvernement wallon

    Le 15 mai dernier, Monsieur le Ministre-Président a accueilli son homologue flamand, M. Kris Peeters, ici à Namur, au siège du Gouvernement wallon. Il semble que c’était là une « première »... ce dont on peut d’ailleurs s’étonner quelque peu étant donné l’importance de nos liens - et de la défense de ceux-ci - avec nos voisins nordistes ! Mais il est certainement vrai aussi que des rencontres de travail entre experts et entre Ministres sectoriels ont déjà eu lieu très régulièrement entre les deux Régions. Vous-même, je crois bien, avez déjà rencontré M. Peeters en d’autres lieux ... Dès lors, cette « première » fort médiatique et fort médiatisée doit sans doute être comprise comme, plus précisément, une première à l’Élysette. Les relations et le travail communs entre la Wallonie et la Flandre n’ont sûrement pas commencé soudainement il y a une dizaine de jours ! En tout cas, je l’espère ... Mais je ne doute pas que Monsieur le Ministre-Président va me rassurer à ce propos.

    J’ai donc plusieurs questions à adresser à Monsieur le Ministre-Président concernant cette rencontre. Tout d’abord, j’aurais voulu savoir quel était le « statut » de celle-ci. Est-ce une rencontre « officielle », entre deux Gouvernements, impliquant dans sa préparation et sa mise en œuvre l’ensemble des deux exécutifs ? Ou est-ce une rencontre « privée », entre deux Ministres-Présidents, certes, mais ne concernant seulement que ceux-ci, comme sa médiatisation a pu le laisser croire à certains ?

    Plus globalement, quel bilan Monsieur le Ministre-Président tire-t-il de cette rencontre et des discussions qui s’y sont tenues ? Comment celles-ci ont-elles été préparées, en aval, avec les divers départements concernés ? Comment la coordination s’est-elle organisée ? Au-delà de l’image de franche coopération entre la Flandre et la Wallonie qui a alors pu être donnée dans les médias (mais on a quelque peu évité certains sujets institutionnels qui « fâchent »...), quels résultats concrets ont pu être obtenus grâce à cette visite de M. Peeters à l’Élysette ? Ces résultats doivent-ils déboucher rapidement sur des textes législatifs, des accords de coopération, des politiques menées en commun ? Comment tout cela sera-t-il mis en œuvre ? À ce propos, on a parlé de la création de « groupes de travail » : qu’en est-il exactement ? Comment doivent-ils être constitués, avec quels mandats, quels objectifs ?

    Quelques thèmes discutés le 15 mai ont déjà été évoqués dans la presse. Monsieur le Ministre-Président peut-il nous les expliquer davantage ? Il a ainsi été question d’emploi (et de la possibilité pour des travailleurs wallons de satisfaire des offres d’emploi en Flandre), de mobilité, d’investissements ferroviaires, du jardin botanique de Meise, de la répartition bloquée des aides fédérales pour l’Airbus A350XWB et du dossier de la vignette et/ou péage routier.

    Sur ce dernier point, j’ai interrogé de manière plus spécifique le Collègue de Monsieur le Ministre-Président, le Ministre Daerden. Mais je serai heureux de l'entendre également nous détailler davantage ce qu’il est maintenant prévu de faire dans ce dossier. Par ailleurs, mes collègues Michel de Lamotte et René Thissen questionnent régulièrement le Ministre Marcourt au sujet du dossier « Airbus A350XWB ». Lors de cette rencontre du 15 mai dernier, on a fait état d’une « nouvelle proposition » de déblocage, transmise par la Wallonie à la Flandre. Quelle est-elle ? Monsieur le Ministre-Président a-t-il déjà eu des éléments de réponse à ce sujet de la part de son homologue flamand ? Car, on le sait bien, le temps presse toujours davantage dans cet dossier sensible pour l’ensemble de l’économie wallonne.
  • Réponse du 19/06/2008
    • de DEMOTTE Rudy

    Tout ce qui fait progresser le dialogue est positif. Tout ce qui fait progresser les dossiers concrets est positif. Chacun pourra en convenir car, à la lecture des questions formulées, dans la visite de Kris Peeters à l'Elysette, c'est moins la chose qui interpelle que ses modalités. Cela est positif en soi puisqu'on peut en déduire que l'esprit de la démarche est largement partagé.

    Faut-il s'échanger des cadeaux? Ceux-ci doivent-ils être conséquents ou symboliques? Tout cela est intéressant mais pour des hommes et des femmes de « concret », ce n'est pas la première préoccupation.

    On peut certes déplorer que les rencontres entre les responsables wallons et flamands revêtent une dimension exceptionnelle plutôt que de constituer un mode de fonctionnement normal au sein d'une fédération. L'actuel Gouvernement wallon ne demanderait d'ailleurs pas mieux que d'avoir des relations suivies et totalement dépassionnées avec le Gouvernement flamand. Mais si on peut rêver de la Belgique telle qu'elle devrait être, quand on assume des responsabilités gouvernementales, on est contraint de la prendre telle qu'elle est. Et la Belgique telle qu'elle est aujourd'hui, fait que le dialogue Nord-Sud ne va pas de soi et doit être constamment stimulé et cultivé avec opiniâtreté.

    Il est d'ailleurs révélateur que cette visite de Kris Peeters soit la première d'un Ministre-Président flamand à l'Elysette, comme il est révélateur que les caméras suivent toujours avec un objectif particulier les présences des premiers Flamands aux Fêtes de Wallonie. C'était déjà le cas sous la précédente législature qui avait lancé le principe positif des réunions conjointes des deux gouvernements. Une réunion à La Hulpe, une à Steenokkerzeel; une fois en Brabant wallon, une fois en Brabant flamand; c'est un bel exemple de recherche d'un savant équilibre dans la neutralité plus que d'un fonctionnement naturel et rationnel.

    Tous partis confondus, nous devons avoir l'honnêteté de reconnaître que la confiance et la collaboration entre la Wallonie et la Flandre sont encore loin d'être automatiques et que, dès lors, les initiatives gouvernementales ont le mérite de chercher à faire avancer les choses.

    Rencontre officielle, privée ou semi-privée ? L'important ne se trouve pas dans cette caractérisation formelle. Lorsque les présidents des partis de la majorité ont fait le choix d'instaurer une présidence unique, un des arguments majeurs de cette réforme était de donner à la Flandre un interlocuteur unique. Dès lors, quand je rencontre Kris Peeters, dois-je m'interroger à chaque seconde pour savoir si c'est Rudy Demotte, le Ministre-Président wallon ou le Ministre-Président communautaire qui s'exprime? N'est-il pas plus constructif d'admettre que, de par ses fonctions, le Ministre-Président a un rôle à jouer pour la Wallonie et pour les francophones et que, dans ce cadre, la fréquence et la teneur des contacts importent plus qu'un formalisme excessif que rien n'impose, par ailleurs.

    Sur le fond, la rencontre trouve tout son sens, parce que si elle n'a pas permis de résoudre, une fois pour toute, le conflit communautaire qui paralyse plus ou moins largement le niveau fédéral depuis juin 2007, elle a permis d'aborder un certain nombre de dossiers concrets. Des dossiers qui sont portés et préparés par un certain nombre de ministres fonctionnels, qui ont été évoqués au sein du Gouvernement mais qui nécessitent, aussi, souvent une négociation patiente et suivie avec nos homologues.

    Nous avons ainsi abordé la question de la répartition des aides fédérales aux entreprises désireuses de s'inscrire dans le programme de développement de l'Airbus A350. Ce dossier a été bloqué de par les exigences inacceptables de la Flandre qui revendique une répartition régionale a priori, là où nous voulions travailler sur base de la qualité des projets. Nous avons pu relayer une nouvelle proposition du Ministre wallon de l'économie pour tenter un déblocage qui ne lèse pas les intérêts wallons. A ce stade une certaine discrétion dans la négociation s'impose pour éviter de crisper les positions là où nous essayons justement de les rendre conciliables. On peut cependant dire que nous avons posé pour condition que la formule adoptée rencontre l'assentiment des industriels concernés. La position du Gouvernement est donc très pragmatique et toute entière tournée vers l'intérêt de nos entreprises qui ne doivent pas subir les conséquences d'une surenchère communautaire que nous voulons justement désamorcer, sans transiger sur l'essentiel.

    Nous avons également abordé la question de la mobilité pour l'emploi. Ce thème essentiel a aussi l'intérêt de montrer que la collaboration ne date pas d'hier et se nourrit du travail des experts et des ministres fonctionnels. Il convient ainsi de rendre hommage au travail patient mené depuis plus d'un an par le Ministre Marcourt, avec le Ministre Frank Vandenbroucke, pour avancer dans ce dossier. Les progrès enregistrés nous ont d'abord permis d'évacuer un certain nombre de fantasmes, en ramenant les prétendues 50.000 offres flamandes dédaignées par les chômeurs wallons à quelque 5.000 opportunités concrètes. C'est une opportunité que nous ne pouvons sûrement pas ignorer. Nous avons ainsi défini un plan d'actions opérationnel commun au Forem et au VDAB qui vient d'entrer en vigueur. Ses objectifs sont l'information des entreprises flamandes, la sensibilisation de 50.000 demandeurs d'emplois wallons et la mise en place, ce mois-ci toujours, d'équipes mixtes chargées d'assurer une gestion active des 5.000 postes de travail identifiés. Ces initiatives feront l'objet d'un reporting mensuel, ce qui montre, je pense, une volonté de résultat. La rencontre avec Monsieur Peeters aura permis d'avancer encore dans ce domaine, notamment sur la question de la mobilité interrégionale par les transports en commun. Une réunion interministérielle, qui réunira les ministres de la mobilité des trois Régions et les ministres fédérales de l'emploi et de la mobilité, sera par ailleurs organisée le 14 juillet prochain.

    Concernant les investissements ferroviaires. Nos dossiers sont établis et validés par le Gouvernement, sur base des propositions du Ministre Antoine, responsable de cette matière. De telles réunions Nord-Sud permettent, sur cette base, de nouer des ententes pour que les deux Régions soutiennent réciproquement leurs priorités d'investissement vis-à-vis du fédéral. Les nôtres sont connues: Park and Ride de Louvain-la-Neuve, gare reliée au BSCA à Charleroi, amélioration de la dorsale wallonne et RER vers Bruxelles mais aussi autour de nos principales villes wallonnes.

    L'échange avec Kris Peeters a permis de montrer que nous avions des intérêts communs, en tout cas, l'intérêt d'agir de manière coordonnée.

    Cette rencontre a également été l'occasion de relancer une nouvelle fois la question de la vignette autoroutière. Nous avons tenté de faire progresser ce dossier qui doit permettre à la Wallonie d'introduire une taxation équitable de tous les utilisateurs de nos réseaux routiers, pour contribuer à leur entretien, tout en sachant que nous avons intérêt à maintenir une cohérence au niveau de la Belgique dont les proportions étroites s'accommoderaient mal de la multiplication des systèmes. Nous avons mis sur la table une proposition de compromis à deux niveaux que le Ministre-Président Kris Peeters s'est engagé à présenter au Gouvernement flamand: d'une part, engranger une redevance au kilomètre pour les poids lourds, si possible dans un cadre large, commun avec les Pays-Bas mais aussi la France et, de l'autre, négocier, concomitamment, une redevance forfaitaire commune aux trois Régions pour les véhicules particuliers, en veillant à ce qu'il s'agisse d'une mesure fiscalement neutre pour les usagers wallons.

    Alors, certes, au-delà de ces dossiers concrets, nous n'avons évidemment pas résolu la question de BHV ou celle de la non nomination des bourgmestres de la périphérie. Même si nous pensons que les Régions peuvent contribuer à la négociation d'un grand accord fédéral - le Gouvernement wallon s'est exprimé en ce sens devant le Groupe Octopus - nous n'avons pas la prétention de penser pouvoir régler les différends qui bloquent le fonctionnement fédéral depuis des mois. Tous les partis francophones - même s'ils font encore chambre commune - ont dû prendre acte des limites de l'entente «familiale » lorsque le clivage communautaire s'insinue. Ces limites s'imposent aussi au Gouvernement wallon. Ce qui ne m'a pas empêché, comme Ministre-Président, d'insister publiquement - ne varietur, en français et en néerlandais - sur l'image désastreuse donnée par une inexplicable crispation flamande, sans agressivité et sans complaisance, mais avec un espoir fondé sur la conviction qu'une évolution est possible. Nous serions d'ailleurs tentés d'y croire, en voyant se multiplier, en Flandre, des réflexions comme celles de Caroline Gennez, la présidente du SP.a, dénonçant le discours anti-wallon (Le Soir, 18 mars 2008) ou de l'économiste et ex-parlementaire VLD Paul De Grauwe appelant la Flandre à dépasser «son traumatisme, sa phobie» (Le Soir, 20 mai 2008) dans le domaine linguistique. Ni le Gouvernement ni son Ministre-Président ne versent dans un angélisme naïf, mais nous pensons que ceci vaut bien qu'on se donne la peine de poursuivre le dialogue, même si ses formes doivent encore emprunter parfois la voie du symbolisme.