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Difficile cohabitation entre les règlements communaux et la protection de la nature.

  • Session : 2007-2008
  • Année : 2008
  • N° : 405 (2007-2008) 1

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  • Question écrite du 29/05/2008
    • de BERTOUILLE Chantal
    • à LUTGEN Benoit, Ministre de l'Agriculture, de la Ruralité, de l'Environnement et du Tourisme


    Avec le retour des beaux jours, la nature a aujourd'hui repris l'entièreté de ses droits sur l'ensemble du territoire wallon

    Dans un souci de lutte contre la prolifération des terrains vagues, la plupart des communes wallonnes ont adopté un règlement de police interdisant de laisser en friche un terrain sous peine d'amende.

    Si cette réglementation peut parfaitement se comprendre pour peu que le terrain soit situé à proximité immédiate d'habitations en vue de limiter la prolifération des nuisibles, ces règlements de police suscitent néanmoins des interrogations pour peu que le terrain déclaré non entretenu soit situé en plein milieu des champs.

    Certaines communes, sur base généralement d'une plainte d'un voisin, exigent que le règlement communal soit appliqué à la lettre sur ces terrains laissés en friche et situés en pleine campagne. Ces terrains doivent donc être fauchés et les taillis coupés.

    Or, la plupart du temps, les hautes herbes présentes sur ces terrains non entretenus sont le refuge de nombreuses espèces d'oiseaux et de mammifères qui seraient irrémédiablement perdues et détruites par ces fauchages. De plus, la destruction de cet habitat refuge pour les espèces animales est interdite par la réglementation wallonne applicable.

    Le propriétaire d'un tel terrain qui a été rendu à la nature est donc face à un dilemme, soit il respecte l'injonction communale et, en conséquence, détruit cette zone refuge et se met en contravention avec la réglementation sur la conservation de la nature, soit il respecte cette réglementation et se met en contravention avec le règlement communal et encoure dès lors des sanctions pénales.

    Dans ce cas d'espèce, Monsieur le Ministre peut-il me dire ce que ce propriétaire doit faire ? Est-il tenu d'appliquer le règlement communal ou, au contraire, doit-il laisser la priorité à la réglementation sur la conservation de la nature ?

    Il semblerait ainsi que les services de la Direction Nature et Forêts de la Région wallonne seraient régulièrement interrogés par des situations similaires vécues un peu partout en Région wallonne.

    Ainsi, dés lors qu'une nidification a été constatée au sol, ce terrain laissé à la nature doit-il obligatoirement être fauché sur base de la réglementation locale ?

    Le fait que certains grands mammifères, tels que des cervidés, aient pu trouver refuge dans ces sous-bois laissés à la nature oblige-t-il le propriétaire à tailler ces sous-bois car ils seraient envahis par les ronces et donc en contravention avec le règlement communal ?

    De même, le propriétaire doit-il tailler les abords de son terrain (orties et ronces) sans se mettre en contravention avec la loi sur la protection de la nature?

    Il s'agit là, Monsieur le Ministre le comprendra bien, de cas vécus par de nombreux de nos concitoyens amoureux de la nature, mais ces cas mériteraient une réponse concrète de sa part.
  • Réponse provisoire du 28/07/2008
    • de LUTGEN Benoît

    A l'heure actuelle, l'ensemble des renseignements nécessaires pour répondre de manière précise et circonstanciée à la question de l'honorable Membre ne m'ont pas encore été complètement communiqués.

    Je ne manquerai pas de les lui transmettre dès que j'en aurai pris possession.
  • Réponse du 05/09/2008
    • de LUTGEN Benoît

    Les communes sont compétentes pour exiger l'entretien des terres à des fins de police rurale, notamment sur base du Code rural et en application 43 de l'Arrêté Royal du 19 novembre 1987 relatif à la lutte contre les organismes nuisibles aux végétaux et aux produits végétaux, tandis qu'il revient au Ministre et aux Gouverneurs d'ordonner des mesures de lutte contre les organismes nuisibles.

    Toutefois, en vertu du principe de hiérarchie des normes (art. 159 de la Constitution notamment), les règlements communaux restent soumis au respect des normes légales et décrétales ainsi que des règlements généraux (arrêtés royaux et arrêtés du Gouvernement wallon). Ainsi les dispositions prises par les communes doivent notamment respecter les points suivants.

    Les règles de protection directe des espèces, qui, en vertu de la loi sur la conservation de la nature, interdisent, entre autre, à toute personne:

    - de perturber intentionnellement les espèces animales protégées, ... ;
    - de détériorer ou détruire les sites de reproduction, aires de repos ou tout habitat naturel où vivent ces espèces animales ... ;
    - de détériorer ou détruire intentionnellement les habitats naturels dans lesquels la présence (des espèces végétales de l'annexe VI, a et b, de la loi) est établie.

    Ces règles interdisent aux particuliers d'effectuer sciemment des actes et travaux, y compris l'entretien des terres, qui entraîneraient ces effets. Il serait dès lors contradictoire avec ces normes d'exiger sans exception possible et en tout temps un tel entretien de la part des propriétaires lorsque leurs terres abritent des espèces protégées, y compris des oiseaux en période de nidification (printemps et début de l'été).

    Les prescriptions du plan de secteur qui, en zone naturelle, pourraient interdire l'entretien des terres là où il est "n'est pas nécessaire à la protection active" des "espèces dont la conservation s'impose" et des "milieux de grand intérêt biologique" (art. 38 du CWATUP). En zone agricole ou même d'espaces verts, il n'y a à priori pas de contradiction avec les dispositions du CWATUP.

    Les prescriptions réglementaires des futurs arrêtés de désignation des sites Natura 2000, ainsi que les règles de protection applicables dans les aires protégées (réserves naturelles et forestières et ZHIB/CSIS; sites classés).

    Si un règlement communal viole ces dispositions, il devrait être considéré comme illégal et donc sujet à un contrôle de tutelle ou à recours au Conseil d'Etat.

    De plus, les particuliers restent tenus de solliciter un permis d'urbanisme pour le défrichement et la modification de la végétation dans certaines "zones protégées" visées à l'art. 452/27 du CWATUP, parmi lesquelles figurent les biens classés et les habitats naturels d'intérêt communautaire dans les sites Natura 2000 proposés mais non encore désignés comme tels (art. 84, § 1, 12°, du CWATUP).