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L'affaire Sagawé.

  • Session : 2007-2008
  • Année : 2008
  • N° : 550 (2007-2008) 1

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  • Question écrite du 01/07/2008
    • de STOFFELS Edmund
    • à ANTOINE André, Ministre du Logement, des Transports et du Développement territorial

    M. Sagawé accuse Monsieur le Ministre d’avoir « menti » (cfr. presse du 17 juin 2008).

    Il dit que le logement a fait l’objet d’une demande de permis introduite en 1992. Dans la réponse, aucune allusion n’aurait été faite quant à la zone verte dans laquelle elle se trouve. Le bourgmestre de l’époque lui aurait signalé qu’il pourrait commencer les travaux.

    Puis-je demander à Monsieur le Ministre de nous décrire en détails le parcours de l’affaire Sagawé ? Nous sommes sans arrêt interpellés par des citoyens qui s’en réfèrent à titre d’exemple. Il faut donc que nous puissions donner une information correcte et complète de cette affaire hypermédiatisée.
  • Réponse du 09/09/2008
    • de ANTOINE André

    Pour donner suite à la question posée par l'honorable Membre, j'ai l'honneur de porter les éléments d'information suivants à sa connaissance.

    En ce qui concerne l'absence d'information «quant à la zone verte» dans laquelle se trouve la construction litigieuse, il me paraît, avant tout, utile de rappeler quelques faits précis.

    Dans le courant de l'année 1993, Monsieur et Madame Sagawé sont poursuivis devant le Tribunal correctionnel de Charleroi pour avoir depuis le 1er septembre 1992 - construit un immeuble et maintenu ces travaux.

    Le 22 septembre 1992, Monsieur Sagawé dépose une demande de permis laquelle sera considérée comme incomplète.

    Retenons que le jugement du 28 mars 1994 relève notamment quatre éléments:

    - le 2 octobre 1992, Monsieur Sagawé reconnaît qu'il construit, sans autorisation préalable sa maison et il prend acte de l'interdiction de poursuivre les travaux formulée ce jour-là par l'agent verbalisant; ce dernier constate que seules les fondations sont terminées ;
    - nonobstant cette interdiction, les prévenus poursuivent la construction puisque le 23 octobre 1992, la maçonnerie du gros œuvre des façades est terminée. Un ordre d'arrêter les travaux est alors notifié au premier prévenu en application de l'article 70 du C.W.A.T.U. Cette mesure fut confirmée par le Tribunal des référés ;
    - le 4 novembre 1992, le contrôleur de l'époque constate que l'ordre d'arrêter les travaux n'est pas respecté ;
    - nonobstant l'apposition des scellés, les travaux furent inlassablement poursuivis.

    Quelques jours après avoir brisé les scellés, le 7 novembre 1992, Monsieur Jean Sagawé déposera à la Commune de Lobbes une demande de permis de bâtir, laquelle sera refusée le 2 février 1993 (le refus de permis porte la référence communale 92/B.515; la référence de la Région est la suivante: 92/56044/069/B2).

    Ce refus de permis de bâtir daté du 2 février 1993 est motivé par diverses considérations, notamment:

    «Attendu qu'au plan de secteur de Thuin-Chimay approuvé par arrêté royal à la date du 10 septembre 1979, la construction se situe en zone verte d'intérêt paysager;

    Attendu que la publicité de la demande a rencontré une opposition et [des] remarques;

    Considérant qu'il s'agit de la construction d'une maison en zone non admissible suivant le plan de secteur;

    Considérant que le bien considéré est un site classé par Arrêté de l'Exécutif du 3 juillet 1987 (Les Prés du Sart, Forge de Grignard) ;

    Considérant l'avis défavorable de la Commission provinciale des Monuments, Sites et Fouilles et sa motivation, à savoir:

    "Le site des Prés du Sart, Forge de Grignard, (class. n° 3), a été classé par arrêté du 3 juillet 1987.

    La construction, réalisée sans autorisation de bâtir, a été en partie érigée avant sa mise sous scellés au n° 166 du Chemin du Halage sur un terrain cadastré section A, 2ème feuille n° 319b

    Architecturelement, elle est du style "fermette" et d'une banalité navrante.

    Son constructeur-propriétaire est entrepreneur et bien au courant des règles administratives en matière d'autorisation de bâtir. La Commission est totalement opposée à toute construction dans ce site exceptionnel. »

    ( ... ) ».

    Le refus de permis a été transmis dans les formes légales. En effet, le 8 février 1993, le refus de permis sera notifié par recommandé aux Sagawé.

    Monsieur Sagawé savait donc que sa construction était localisée dans une zone où il ne pouvait construire.

    La Députation permanente refusera également le permis en date du 1er juin 1994.

    Le bref rappel des faits qui précède gagne à être complété par l'exposé de ceux retenus par la Cour d'appel de Mons qui prononce son arrêt le 17 octobre 1994 :

    « ( ... )

    Ce même 2 octobre 1992, le garde champêtre en chef de la commune de Lobbes rapporta que les prévenus faisaient déjà construire leur logement car il avait constaté que les fondations étaient terminées, qu'une évacuation des eaux usées vers la Sambre avait été réalisée, ... et que les murs extérieurs s'élevaient à 1,5 mètres.

    Ce policier rural a entendu alors le prévenu Sagawé lequel déclara entre autres:

    '' Je reconnais les faits qui me sont reprochés à savoir de construire une habitation sans avoir obtenu, au préalable, une autorisation écrite du Collège des bourgmestre et échevins ... Je prends acte de l'interdiction qui m'est faite de continuer les travaux entrepris "

    (…)

    Le 23 octobre 1992, et après avoir vu que l'immeuble des prévenus "était en cours de construction sans aucun permis de bâtir", qu'il était "terminé en gros œuvre jusqu'au niveau des toitures", et qu'il était repris dans le périmètre d'un site classé, un agent du service contrôle et de répression des infractions en matière de bâtisse ordonna au prévu Sagawé d'arrêter les travaux, et plaça des scellés sur le bâtiment en construction.

    Par pli recommandé à la Poste du 27 octobre 1992, le Fonctionnaire délégué confirma cet ordre d'arrêter les travaux;

    (…) ».

    La Cour d'appel confirmera l'ordre de remise en état des lieux.

    Monsieur Sagawé devait s'exécuter dans un délai de huit mois à dater du prononcé de l'arrêt.

    Chronologie de l'affaire

    Le 28 mars 1994, la 11ème Chambre du Tribunal correctionnel de Charleroi condamnera les comportements délictueux et ordonnera la remise en état des lieux, notamment sur la base des faits exposés ci avant (A. 1. et 2.). Le Tribunal retiendra du comportement des prévenus que « cette attitude dénote un mépris total des règles de droit ainsi que des décisions administratives et judiciaires» et d'ajouter « que la profession d'entrepreneur du premier prévenu (ou) exclut qu'il ignorait la situation exacte de son bien et des procédures à respecter ». Monsieur Sagawé fut condamné à une peine de quinze jours d'emprisonnement ferme.

    Le 17 octobre 1994, la Cour d'appel de Mons prononce un arrêt confirmant la décision judiciaire précitée, notamment eu égard aux faits cités ci avant (A.3.). Toutefois, le délai pour la remise en état est fixé à huit mois au lieu de deux et la peine de prison ferme est supprimée. L'astreinte est également confirmée (10.000 francs belges par jour de retard).

    Les consorts Sagawé introduisent ensuite un recours auprès de la Cour de Cassation, afin d'échapper à l'application de l'astreinte. La Cour rejettera le pourvoi par ses arrêts des 29 mars 1995 et 19 juin 1996.

    Le 6 juin 1997, Monsieur et Madame Sagawé reçoivent la signification des décisions judiciaires dont question ci-dessus.

    La Région wallonne procède à une saisie immobilière conservatoire le 13 novembre 1997 ainsi qu'à des commandements de payer à toute fin et à l'effet d'interrompre la prescription des astreintes encourues, respectivement le 13 novembre 1997, le 20 avril 1998 et le 5 février 1999.

    En octobre 1997, l'administration prépare l'exécution forcée. Le 13 février 1998, le Bulletin des Adjudications publiera l'avis de marché de « démolition d'un bâtiment et remise en état du terrain ». La somme de 482.185 francs sera engagée le 13 juillet 1998.

    Le 5 mars 1999, la Région wallonne conclut un accord avec les consorts Sagawé:

    « ...
    Monsieur et Madame Jean Sagawé se chargent, par le démontage et/ou la démolition de l'habitation, de la remise en état des lieux (. .. ) sous les modalités suivantes:

    ( ... )
    - le démontage doit être entamé le 20 mars 1999 pour se terminer par la remise en état complète des lieux pour le 1er juin 1999 : la charpente doit être enlevée pour le 1er mai 1999 au plus tard ;

    (…)

    La Région wallonne suspend à dater de ce jour et jusqu'au plus tard le 1er juin 1999 toutes ces mesures d'exécution généralement quelconques visant la remise en état des lieux en leur état antérieur, le paiement des amendes et l'obligation de déguerpissement ;

    (…) ».

    Notons que la convention est signée par Monsieur Jean Sagawé, qui se porte fort en outre pour son épouse.

    Ces personnes disposaient d'un nouveau délai expirant le 1er juin 1999 pour réaliser la parfaite remise en état des lieux. Le 22 avril 1999, la Région libère le cautionnement de l'entreprise retenue pour l'exécution du marché.

    A dater du 2 juin 1999, la Région retrouvait son pouvoir d'agir d'office.

    Pour l'examen des faits de la période de juin 1999 à 2006, je renvoie aux explications que je fournissais au Parlement en date du 27 mars 2006 (cf. P.W. CRIC 92 (2005-2006) pp. 29 à 32).

    Le 17 octobre 2006, Monsieur le Fonctionnaire délégué lance citation devant le Juge de Paix de Thuin.

    Le Fonctionnaire délégué entendait obtenir l'autorisation d'expulsion des époux Sagawé - même si la Région soutient, par voie de conclusions en justice - qu'elle aurait pu se contenter de faire venir les bulldozers et grues en vue de démolir la maison.

    Par son jugement du 12 février 2007, le Juge ordonne notamment la comparution personnelle des parties, laquelle aura lieu les 23 février et 21 mars 2007.

    Le jugement du 23 avril 2007 accorde aux époux Sagawé un délai de 14 mois pour quitter et libérer la maison en cause, c'est-à-dire le 30 juin 2008.

    Il autorise le Fonctionnaire délégué « dès à présent mais pour lors, après signification du jugement ( ... ) à les en expulser ou faire expulsion, eux, les leurs ou toutes autres personnes qui s'y trouveraient ( ... ) ».

    Enfin, le Juge dit son jugement exécutoire par provision.

    Une requête d'appel a été déposée le 25 juin 2007 par les époux Sagawé, devant le Tribunal de première Instance de Charleroi.

    Le Tribunal n'aura pas l'occasion de se prononcer.

    Quant à l'exécution forcée, elle devait débuter entre le 1er et le 4 juillet 2008.

    En effet, le 18 octobre 2007, le Bulletin des Adjudications diffusait un avis de marché relatif aux travaux de remise en état. Une entreprise fut retenue et un crédit budgétaire réservé pour couvrir les dépenses, soit 30.600,90 euros.

    Cependant, le 29 février 2008, une convention sous seing privé est signée entre, d'une part, Monsieur Jean Sagawé et son épouse Augusta Francart et, d'autre part, l'Institut du Patrimoine wallon (I.P.W.).

    Cette convention a notamment pour objet la donation de la maison d'habitation des Sagawé avec terrain, ensemble cadastré à Lobbes, section C, n° 319/03c.

    Toutefois, si l'I.P.W. se trouve investi de la propriété du bien donné, il en aura la jouissance par la prise de possession :

    - soit à partir du décès du survivant des époux Sagawé ;
    - soit à compter de la renonciation de ceux-ci du droit d'habitation qui a été accordé.

    En effet, les Sagawé conserveront, leur vie durant, un droit d'habitation personnel, limité à l'usage des époux ou du survivant d'eux, ce droit ne pouvant être ni cédé ni loué.

    Quant à la remise en état des lieux, l’I.P.W. s’est engagé, dans les 3 mois de l'extinction du droit d'habitation dont question ci-avant, à procéder en lieu et place du Fonctionnaire délégué, à la remise en état des lieux afin que le site classé puisse être aménagé conformément aux objectifs visés aux articles 185 et suivants du Code.

    Les époux Sagawé-Francart s'engagent également, tant pour eux-mêmes que pour leurs ayants cause ou ayants droit, à rembourser à l'I.P.W. le montant des frais occasionnés par la remise en état des lieux et ce, dans les 2 mois de la réception de la facture qui leur sera adressée.

    Un notaire a dressé, le 26 mai 2008, l'acte authentique de la convention résumée ci-avant et ce, aux frais des époux Sagawé.

    En date du 11 juin 2008, l'administration m’informe que son dossier est archivé; la démolition et la remise en état des lieux incombant au nouveau propriétaire, l'I.P.W.