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Gendarme désarmé.

  • Session : 2007-2008
  • Année : 2008
  • N° : 577 (2007-2008) 1

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  • Question écrite du 10/07/2008
    • de STOFFELS Edmund
    • à ANTOINE André, Ministre du Logement, des Transports et du Développement territorial

    Ecolo critique le Gouvernement fédéral de 2003 (moment de libéralisation du marché de l’énergie) d’avoir désarmé le CREG, gendarme du secteur de l’électricité. Depuis que l’organe régulateur a perdu sa capacité d’imposer des prix raisonnables, les prix auraient explosé (Ecolo reconnaît tout de même que d’autres facteurs y contribuent également). Notons qu’en 2003-2004, alors qu’Ecolo était toujours en majorité à la Région wallonne, je n’ai pas entendu un seul cri d’alarme de la part d’Ecolo au sein du Parlement wallon allant dans ce sens. Quoi qu’il en soit, Ecolo dénonce la loi Magnette visant à rétablir le pouvoir d’investigateur du CREG comme un « coup de bluff ». Ecolo avance qu’environ 50 % des coûts de transport de l’énergie pourraient être réduits si on laissait le CREG agir dans toute indépendance.

    Là où je partage le point de vue d’Ecolo, est que la politique doit créer l’organe et que l’organe puisse agir dans l’indépendance et dans l’intérêt du consommateur final qu’il soit industriel ou privé. Je partage aussi l’idée qu’un « tigre sans dents » ne fait que sourire les responsables su secteur, qu’il faut donc donner au « gendarme » un réel pouvoir d’action et d’investigation.

    Mais je souhaite connaître les avis de Monsieur le Ministre sur les propos d’Ecolo :

    - quelle est la marge de manœuvre que les autorités belges (fédéraux et régionaux) ont pour réguler les prix; quelle est la vraie part dans l’augmentation du prix qui revient au fait d’avoir « désarmé le gendarme » en 2003;
    - quelle est la quote-part, calculée intercommunale par intercommunale, dans le prix facturé au consommateur qui revient au transport de l’énergie; qu’est-ce qui justifie les différences entre les intercommunales; quelle est la quote-part par tête de consommateur;
    - à quelles fins est-ce que les recettes des intercommunales sont-elles réservées (frais de fonctionnement, frais d’entretien, constitution de réserves à l’investissement, distribution des dividendes …); et de qu’elles marges disposent les intercommunales effectivement pour baisser le prix (pour le transport) sans remettre en danger la qualité du réseau;
    - quelle appréciation donne Monsieur le Ministre concernant la loi Magnette qui vise à rétablir le pouvoir d’investigation du CREG ? Sera-ce suffisant pour défendre l’intérêt du consommateur ou est-ce un « coup de bluff » ?
  • Réponse du 09/09/2008
    • de ANTOINE André

    Les questions de l’honorable Membre portent essentiellement sur des matières fédérales, à savoir les compétences du régulateur fédéral de l'électricité et du gaz, la CREG, ainsi que la marge de manœuvre des autorités fédérales, compétentes en matière tarifaires pour réguler le prix de l'électricité et du gaz.

    L’honorable Membre fait référence à la position assez critique d'Ecolo (au niveau fédéral) qui considère que le renforcement des pouvoirs de la CREG à l'initiative du Ministre Magnette tourne au« grand bluff ».

    Concernant la question de l’honorable Membre sur la régulation des prix de l'énergie, je tiens à rappeler à l’honorable Membre que dans le passé, les prix de l'énergie étaient régulés au sein du Comité de Contrôle de l'Electricité et du Gaz mais qu'en principe, dans un marché libéralisé, les prix de l'électricité et du gaz sont librement fixés par les fournisseurs. Les autorités fédérales, compétentes en matière tarifaire, pourraient imposer provisoirement des prix maxima. Une telle mesure serait cependant davantage contraignante pour les nouveaux entrants que l'opérateur dominant puisque ce dernier dispose d'un parc nucléaire entièrement amorti. Les tarifs d'accès au réseau d'électricité et de gaz des GRD restent soumis à l'approbation de la CREG qui a la compétence de rejeter des coûts non justifiés. Avec la nouvelle loi à laquelle l’honorable Membre fait allusion dans sa question, la CREG aura désormais un pouvoir de monitoring des prix des fournisseurs et des pouvoirs de proposition de sanctions, même s'il est vrai que la CREG sera obligée de faire un rapport au Ministre et au Conseil de la concurrence sans que le Ministre soit contraint de suivre l'avis de la CREG. L’honorable Membre notera que la Région wallonne a déjà instauré un observatoire des prix de l'électricité et du gaz au sein de la CWaPE, devançant ainsi l'initiative fédérale. Il me semble en effet utile pour les pouvoirs publics de suivre l'évolution des différentes composantes du prix de l'énergie.

    Si l’honorable Membre consulte la dernière étude de l'ICEDD pour le compte de la CWaPE sur l'analyse des prix de l'électricité et du gaz en Région wallonne, il observera que pour un client-type électricité DC1 (3.500 kWh), les différentes composantes du prix se présentent comme suit: Energie (52 % ou 402.14 euros) - Distribution (35 % ou 272.04 euros) - Transport (6 % ou 45.7 euros) - Energie verte (4% ou 27.7 euros) - Surcharges (3 % ou 21.19 euros). En gaz, la part du « commodity» atteint presque les 80 %. Si l'on examine l'évolution des différentes composantes entre 2007 et 2008 pour l'électricité, l'étude montre que la partie « commodity » (+ 13.6 %) augmente davantage que les tarifs des GRD (+8.4 %). La part Distribution varie bien entendu en fonction du GRD et s'explique notamment par la densité du réseau. S'il est vrai que les tarifs des GRD ont fortement augmenté en 2008, il y a lieu de se rappeler qu'ils ont diminué globalement depuis la mise en place de la CREG.

    Concernant la composition des tarifs des GRD, il y a lieu de distinguer les éléments suivants: les coûts maîtrisables (ex. : frais de personnel, etc), les coûts non maîtrisables (ex. : achat perte de réseau), les coûts des OSP, les amortissements ou CAPEX et la rémunération équitable. Les nouveaux arrêtés royaux en matière de tarification pluri-annuelle des GRD ont prévu une diminution de 2 % des OPEX maîtrisables sur la période 2009-2012 (4 ans). L’honorable Membre l'aura compris, il y a une limite à diminuer les OPEX maîtrisables. Si les GRD investissent moins, les CAPEX vont diminuer entraînant ainsi les tarifs à la baisse mais cette option n'est pas viable.

    Concernant mon appréciation par rapport à la loi qui vise à rétablir le pouvoir d'investigation de la CREG, je constate qu'il s'agit d'une évolution positive même si elle intervient tardivement au niveau fédéral. L’honorable Membre aura remarqué que les nouveaux décrets électricité et gaz, votés ce 16 juillet au Parlement wallon renforcent considérablement la mission de contrôle de la CWaPE - c'est-à-dire la mission en vertu de laquelle elle possède un véritable pouvoir de décision et de coercition - car elle est désormais étendue à l'organisation et au fonctionnement du marché de l'électricité, alors qu'auparavant elle était cantonnée au seul respect des dispositions du décret du 12 avril 2001. De la sorte, le Gouvernement veut conforter la CWaPE dans son rôle moteur en matière d'ouverture du marché de l'énergie.

    En conclusion, je voudrais attirer l’attention de l’honorable Membre sur les éléments suivants. Avec la libéralisation du marché de l'énergie, les citoyens ont pensé que les prix de l'énergie allaient automatiquement diminuer. Ce n'est pas le cas car le prix des matières premières (pétrole/gaz, charbon) ont fortement augmenté au même moment de la libéralisation. Par ailleurs, il n'y a toujours pas de véritable concurrence au niveau de la production d'électricité.

    Attention à ne pas penser que demain, suite à l'augmentation des pouvoirs de la CREG, les tarifs des GRD diminueront automatiquement, car il y a en effet les coûts non maîtrisables qui augmentent avec la hausse des prix du commodity (achat perte de réseau). Par ailleurs, si les GRD doivent demain investir massivement dans les réseaux suite au développement des énergies renouvelables ou suite à l'installation des compteurs intelligents par exemple, les tarifs des GRD s'orienteront à la hausse. L’honorable Membre l'aura compris, la prudence en la matière s'impose pour ne pas créer de faux espoirs auprès de nos citoyens.