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Maisons passives en polysstyrène.

  • Session : 2007-2008
  • Année : 2008
  • N° : 580 (2007-2008) 1

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  • Question écrite du 10/07/2008
    • de STOFFELS Edmund
    • à ANTOINE André, Ministre du Logement, des Transports et du Développement territorial

    J’ai toujours été un défenseur de réduire autant que peut la consommation d’énergie. Il s’agit là d’un objectif à la fois écologique (lutter contre le réchauffement climatique) et social (réduction du coût et des charges). Il me semblait d’ailleurs que le décret PEB visait des objectifs beaucoup trop timorés en la matière.

    En attendant, on fait la promotion de la maison passive. Je crains qu’elle ne soit pas accessible à tous les portefeuilles, et ce malgré les aides et incitants fiscaux mis en place. Tant mieux si un amateur dispose des moyens financiers ou de la capacité d’emprunt pour se lancer dans pareil projet.

    Je lis maintenant dans la presse, que des entrepreneurs se lancent à améliorer le niveau d’isolation des parois ou des chapes en proposant des matériaux à base de polystyrène. S’il est encore trop tôt pour moi de me faire une idée définitive sur ces produits, je me permets quand même de poser à Monsieur le Ministre quelques questions dans le but de connaître son avis sur ces techniques :

    - ne faut-il pas intégrer dans la réflexion la notion d’énergie grise; nous ne pouvons pas nous contenter de réduire la consommation d’énergie une fois que le bâtiment est construit. Nous devons aussi intégrer dans le calcul les quantités d’énergie consommées pour produire les matériaux qui dans la suite permettent de réduire la consommation; quel est alors le bilan énergétique et écologique d’une maison passive en polystyrène ;

    - ne faut il pas réfléchir à longue échéance; le jour, où une telle maison devra être déconstruite, comment recycler ou résorber les déchets absolument pas biodégradables; ne faut-il pas pousser la R & D dans le but de solutionner le traitement écologique ou le recyclage de tels matériaux ?

    Imaginons que des milliers de maisons passives seront construites avec du polystyrène, ce seront nos petits-enfants que nous chargeons d’un problème environnemental de taille et de complexité comparable à celui de l’amiante ou du plomb avec lesquels nous sommes si souvent confrontés chaque fois qu’un bâtiment fait l’objet de travaux d’entretien ou de réparation.
  • Réponse du 29/08/2008
    • de ANTOINE André

    Je puis certainement suivre l'honorable Membre lorsqu'il attire mon attention sur la nécessité d'intégrer dans la réflexion sur la promotion de la maison passive et d'ailleurs sur les investissements en utilisation rationnelle de l'énergie en général, la notion "d'énergie grise". Que l'honorable Membre soit d'ailleurs assuré que depuis de nombreux mois déjà ce type de réflexion est pris en compte au sein de mon département. Il faut toutefois bien s'entendre sur ce dont on parle et un rappel des définitions de l'énergie grise et de celle des maisons passives n'est sans doute pas inutile afin d'éviter toute équivoque.

    L'énergie grise est l'énergie brute (primaire) nécessaire au cycle de vie d'un produit, c'est-à-dire l'énergie nécessaire pour extraire, transformer, distribuer le produit mais également le recycler quand il arrive en fin de vie. L'énergie grise varie énormément d'un matériau à l'autre et peut passer du simple au double suivant la méthode de fabrication, la mise en œuvre et la durée de vie et les possibilités de recyclage de ce matériau.

    Cette notion d'énergie grise est importante pour tous les matériaux qui rentrent dans la construction d'une habitation et pas simplement pour les matériaux isolants.

    Voici quelques exemples de valeur d'énergie grise de matériaux issus d'une étude française (Grécau) :
    - le béton cellulaire (couramment utilisé dans la construction d'habitations depuis 15 ans) présente une énergie grise de +/- 400 kWh/m3 ce qui correspond à +/- 40 l de mazout;
    - le bois léger raboté et étuvé (sapin, épicéa utilisés dans les charpentes) présente une énergie grise de +/- 610 kWh/m3 ce qui correspond à +/- 61 l de mazout;
    - la laine de roche de 110 kg/m3 (isolation toiture, .. ) présente une énergie grise de +/- 697 kWh/m3 ce qui correspond +/- 691 de mazout;
    - la laine de roche en vrac présente une énergie grise de +/- 216 kWh/m3 ce qui correspond à +/- 21 l de mazout;
    - la laine de verre de 100 kg/m3 (isolation) présente une énergie grise de +/- 1344 kWh/m3 ce qui correspond à +/- 134 l de mazout;
    - le polystyrène expansé présente une énergie grise de +/- 500 kWh/m3 ce qui correspond à +/- 50 I de mazout;
    - le polystyrène extrudé (type isolant sous forme de panneaux) présente une énergie grise de +/- 795 kWh/m3 ce qui correspond à +/- 79 l de mazout;
    - le polyuréthane en mousse 30kg/m3 (isolant sous forme de plaques moulées) présente une énergie grise de +/- 974 kWh/m3 ce qui correspond à +/- 97 l de mazout;
    - la laine de bois (200 kg/m3) présente une énergie grise de +/- 219 kWh/m3 ce qui correspond à +/- 21 l de mazout;
    - la laine de chanvre ou lin présente une énergie grise de +/- 48 kWh/m3 ce qui correspond à +/- 4.8 l de mazout;
    - liège expansé présente une énergie grise de +/- 450 kWh/m3 ce qui correspond à +/- 45 l de mazout;
    - la paille présente une énergie grise de +/- 0 kWh/m3 ce qui correspond à +/- 0 l de mazout.

    A la lecture de ces exemples, on se rend compte que l'énergie grise des isolants varie énormément, elle peut fluctuer de 0 kWh/m3 (paille) à 1344 kWh/m3 (laine de verre) suivant le choix de l'isolant et de sa mise en œuvre, selon que l'on choisit un isolant de type "bio" ou non. L'énergie grise est d'autant plus importante que le rôle premier de l'isolant est d'économiser de l'énergie, aussi faut-il que l'énergie qu'il a permis d'économiser soit supérieure à son énergie grise. De récentes études ont permis de mettre en évidence, que le point de retour sur investissement calculé sur énergie grise varie entre 5 et 15 ans suivant le type d'isolant choisi mais surtout sur la différence de qualité (performance) avant et après.

    Il est dès lors indispensable de choisir le type d'isolant en fonction de la situation (en vrac, en rouleaux, en panneaux) et de suivre les conseils d'utilisation et de mise en œuvre afin d'éviter toute pathologie (humidité, … ), afin de garantir une durée de vie maximum et une efficacité maximale du produit. indépendamment du type de bâtiment.

    En vue de donner des valeurs objectives à cette notion d'énergie grise, une étude est réalisée par l'UCL. Cette étude comprend la quantification de valeur d'énergie grise de nombreux matériaux dont les isolants et s'efforce de comparer les valeurs d'énergie grise émis dans les études existantes (entre autre l'étude Grécau).

    Par ailleurs, la notion d'énergie grise s'intègre dans les concepts de développement durable et de préservation de notre planète, qui sont potentiellement plus larges que le concept de "maison passive" (sans pour autant minimiser l'intérêt de la promotion de ces dernières bien entendu).

    De nombreux architectes ont compris cet enjeu environnemental, et le développement de matériaux "bio" et de la "bio construction" en sont les meilleurs exemples. Certains professionnels se sont regroupés en associations (asbl La maison Ecologique, asbl Nature et Progrès .... ) , ou en clusters (le cluster Eco construction) afin de promouvoir la construction "biologique", les activités de ces différentes associations sont d'ailleurs soutenues par la Région wallonne sous forme de subventions.

    D'autres projets vont même plus loin que la construction "biologique", et visent le développement durable, le projet le plus avancé en Région wallonne est le projet "ELEA la nature, ma maison" à Mouscron. Ce projet, rentré dans le cadre du Phasing Out/ Objectif 1 a été initié par la ville de Mouscron avec la collaboration de la Région wallonne afin de créer un lotissement durable avec la construction d'habitats groupés ou semi-groupés et d'un pôle technologique suivant un cahier des charges décrivant les perfonnances basées sur les concepts du développement durable (énergie - environnement - mobilité - santé - gestion déchets - matériaux et énergie grise).

    L'application de la notion d'énergie grise au standard "Maison passive" et plus particulièrement à la définition du standard "Maison Passive" n'est en outre pas lié à un type d'isolant ou à un système constructif. C'est un standard de performance énergétique du bâtiment: la maison passive est un bâtiment qui assure un climat intérieur confortable en été comme en hiver sans avoir recours à un système conventionnel de chauffage ou de refroidissement.

    Pour que cela soit possible, il est essentiel que la demande de chauffage annuelle ne dépasse pas 15 kWh/m2 par an (= installation de chauffage d'une puissance maximale de 10 W/m2). Ce faible besoin de chaleur peut alors être comblé par le système de ventilation, qui est de toute manière indispensable (NBN 50001) pour garantir l'hygiène et de qualité de l'air.

    Cela signifie qu'une maison passive nécessite 80% d'énergie de chauffage en moins qu'un bâtiment construit avec un système classique de chauffage respectant les normes en vigueur. Le standard de la maison passive réduit au minimum la demande énergétique des nouveaux bâtiments, répondant ainsi à l'objectif de durabilité tout en améliorant le confort des occupants. Sur cette base, il est possible de satisfaire la demande énergétique restante uniquement à partir de sources d'énergie renouvelables. Les deux grands principes d'une maison passive sont l'optimisation des conditions de base (on rend plus performants les composants indispensables : renveloppe du bâtiment les fenêtres et la ventilation) et la diminution des pertes (la chaleur disponible dans un bâtiment est gardée à l'intérieur aussi efficacement que possible, ce qui implique une très bonne étanchéité).

    La construction de telles maisons passives peut avoir lieu suivant différents procédés, de la méthode traditionnelle en blocs de béton aux structures préfabriquées en bois ou en acier. Suivant les systèmes constructifs, l'architecte choisit le type d'isolant le plus approprié afin d'arriver à la performance énergétique désirée.
    Il serait donc inexact d'affirmer que le polystyrène devient le standard pour la construction d'une maison passive.

    Le panel actuel des isolants est très diversifié, allant des isolants traditionnels aux isolants "bio". Et il serait dès lors difficile de déterminer la part des Maisons passives qui sont construites avec du polystyrène expansé (PSE) et de déterminer dans quelle proportion il est utilisé pour ces bâtiments (car même si il est plus économe d'utiliser le même isolant partout dans le bâtiment certains concepteurs utilisent plusieurs types d'isolants dans un même bâtiment suivant le type de paroi à isoler, suivant les performances à atteindre et suivant des contraintes techniques).

    Le PSE "standard" présente des performances énergétiques relativement bonnes (coefficient conductibilité thermique variant de 0.038 à 0.033 W/mK), qui varient suivant la densité et l'épaisseur du matériau. Depuis quelques mois, certaines firmes ont amélioré la performance énergétique de ce matériau en ajoutant de la poudre de graphite qui piège le rayonnement thermique, ce qui améliore les performances de l'isolant de 15% à 20% (coefficient conductibilité thermique variant de 0.032 à 0.031 W/mK). C'est une des raisons pour laquelle le PSE très performant est utilisé non seulement dans les maisons passives mais également lors de l'amélioration de l'isolation de bâtiments existants (injection de la coulisse des murs creux) ou lors de la construction de bâtiments neufs basse énergie (isolation de toiture et murs extérieurs).

    Les autres avantages de ce matériau sont qu'il n'est pas hygroscopique (plongé en immersion, pas d'absorption d'eau), qu'il est très rigide (résistance à la compression élevée), qu'il n'est pas nocif (produit sans fréon) et qu'il est inoffensif et stable en contact avec différents types d'acide (ce qui n'est pas le cas face aux solvants). Il convient d'ajouter à ces éléments qu'il a également une bonne résistance au feu (classe A1, M1).

    Mais même avec ce type d'isolant qui a une énergie grise supérieure aux matériaux écologiques, le point de retour sur investissement calculé sur énergie grise est compris entre 5 et 15 ans.

    Si on parle de l'énergie grise du polystyrène, il faut parler de son recyclage, il est apparemment valorisable à 100 % même s'il n'est pas biodégradable. En France, le recyclage du PSE (valorisation de la matière première) s'effectue soit en conservant ou non à la matière son caractère expansé. Il en résulte différentes applications: sous forme expansée ou sous formule extrudée.

    Sous forme expansée, il est réintroduit en production après broyage (séparation mécanique des billes pour obtenir soit des emballages PSE (alimentaire et autres) soit des blocs et plaques pour le bâtiment. Il peut également servir à la production de bétons allégés destinés aux marchés de la construction et de génie civil.

    Sous forme extrudée (non expansé), il se présente sous forme de granulés de polystyrène réutilisés comme matière première dans des produits manufacturés en matière plastique boîtiers d'appareils photos jetables, mobilier urbain, .... )

    Il est à noter également que le PSE utilise peu de matières premières, d'eau et d'énergie pour sa fabrication. Comme l'indique sa formule chimique, il n'est constitué que de carbone et d'hydrogène.
    Son procédé de fabrication ne met en œuvre aucun métal lourd, aussi nous ne serons jamais confrontés à un recyclage complexe et dangereux des bâtiments construits avec ce type d'isolant comme dans le cas de l'amiante ou du plomb.