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Effets de la crise bancaire - Fin d'un modèle ?

  • Session : 2008-2009
  • Année : 2008
  • N° : 17 (2008-2009) 1

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  • Question écrite du 07/10/2008
    • de STOFFELS Edmund
    • à MARCOURT Jean-Claude, Ministre de l'Economie, de l'Emploi, du Commerce extérieur et du Patrimoine

    En septembre, en à peine quelques heures, trois banques belges ont perdu jusqu'à 8 milliards d'euros de leur valeur boursière. Malgré les rebonds, le secteur demeure encore aujourd'hui dans la turbulence.

    Citons le journal Le Soir du 16 septembre: « Fortis a révélé lundi une estimation de son exposition directe à un risque de défaillance de Lehman Brothers, soit 137 millions d'euros en obligations et 270 millions d'euros en transactions « repo », ces dernières étant " assorties de garanties de qualité, iindépendantes de Lehman Brothers », selon le groupe. Le titre perdait 20,20 % à 6.66 euros à 12H40 GMT. Fortis avait déjà connu de fortes chutes de son cours en juillet après l'annonce d'un plan de solvabilité le 26 juin. Le titre avait perdu 19 % en une seule journée. ».

    Concluons qu'on ne peut plus affirmer que le secteur bancaire européen est complètement à l'abri des turbulences qui nous reviennent par dessus l'Atlantique. " En Belgique. les deux banques les plus concernées par la crise bancaire sont Dexia et Fortis qui avaient déjà dû procéder à une importante augmentation de capital fin juin. La banque britannique Barclays serait également concernée, estime Dresdner Kleinwort » (RTBF).

    La Libre Belgique (16 septembre 2008 Ariane van Caloen): « Lehman ou les dérives du système:
    contrairement à Fannie Mae et Freddie Mac, les deux géants américains de refinancement hypothécaire, les autorités américaines ne sauveront pas cette renommée institution. la banque d'q[faires Lehman Brother. Et contrairement à sa concurrente Merrill Lynch reprise par Banck of America, personne n'a voulu la racheter même à un vil prix, Rien que la dette obligataire de Lehman s'élève à 155 milliards de dollars, qui est répartie dans le monde entier. ».

    Nous vivons dans un monde globalisé. Lehman Brothers est la quatrième banque d'affaires de Wall Street. Résultat: les marchés tremblent. Il est évident que cet événement fragilise le système financier mondial frappé de plein fouet depuis plus d'un an par la crise du crédit à risque, pratiqué avec trop d'imprudence. De ce fait, les bourses réagissent et subissent une chute dépassant les 3 %. Doit-on croire Alan Greenspan, l'ancien président de la Réserve fédérale, quand il dit que " c'est un événement qui se produit tous les cinquante ans, probablement une fois par siècle " ou doit-on craindre que l'affaire Lehmann n'est pas la seule. Apparemment d'autres nom de banques et d'assurances circulent. AIG, géant de l'assurance, pourrait à son tour disparaître ! « Ce mardi, son action a plongé à la bourse de New York de 58.40 % en début d'après-midi à 1,98 dollars après que les principales agences de notations aient dégradé ses notes, ce qui l'a encore rapproché du dépôt de bilan. » (RTL-TVI du 16 septembre).

    Reprenons La Libre Belgique « Il est évident que ce désastre financier aura un impact sur l'économie réelle. Ne fût-ce que parce que, pour renflouer leurs marges, les banques devront prêter à des conditions plus restrictives. ».

    RTBF – 16 septembre 2008 « L'action Fortis plongeait de près de 20 % sur Euronext Bruxelles et entraînait dans sa chute le Bel20, en baisse de près de 4,5 %, en raison du poids du bancassureur au sein de l'indice. L'ensemble des valeurs financières étaient dans le rouge mardi, autre valeur massacrée avec 13.11 % de chute pour Dexia. Quant à ING, la chute était de 7,15 %. Quant au Bel20, il a plongé à - 4,5 %. ».

    La banque de réserve fédérale de New York a mardi 50 milliards de dollars dans le circuit bancaire. Elle répètera l'opération si la situation l'exigeait. Arrivera-t-on à aplanir les vogues provoquées par cette crise ? Il semble que la crise des subprimes n'est pas encore terminée et qu'elle continue à peser sur l'économie et en particulier sur le secteur bancaire. En effet, la chute d'AIG pourrait avoir un impact sur de nombreuses entreprises.

    La Banque centrale européenne (BCE) a injecté lundi passé 30 milliards d'euros sur le marché monétaire de la zone euro, afin d'apaiser les tensions. 51 établissements ont demandé des crédits pour un montant total de 90,27 milliards d'euros lors d'une opération de refinancement rapide. Le taux moyen de l'opération s'est élevé à 4.39 %. Le taux minimum accepté était de 4,25 %.

    L'heure n'est certainement pas à la panique. Mais elle n'est pas non plus à se reposer et à se dire que tout va bien. Si j'interpelle Monsieur le Ministre c'est pour connaître son analyse de la situation et notamment des risques que courent nos entreprises. De quelle manière sont-elles touchées par la crise bancaire? Ont-elles les moyens pour y faire face ? Les conditions plus restrictives en cas de financement d'investissement par crédit vont-elles hypothéquer ou ralentir l'investissement en Wallonie? Devrons-nous dès lors réagir avec nos outils et notamment par notre politique du capital à risque?

    « On ne peut que regretter qu'in fine celui qui paiera le plus durement la note sera l'homme de la rue et pas tous ceux qui ont fait preuve, en particulier dans le milieu sans doute surfait des banques d'affaires, d'une ingéniosité sans limite » pouvait-on lire dans La Libre Belgique.

    Monsieur le Ministre comprendra que le petit homme de la rue - pour reprendre le tenue des journalistes – s'inquiète lorsqu'il lit des choses pareilles.

    Est-ce la fin de ce que certains avaient prôné avec beaucoup de convictions: le capitalisme populaire visant à ce que chacun de nous devienne un petit actionnaire ?
  • Réponse du 24/11/2008
    • de MARCOURT Jean-Claude

    La tourmente dans laquelle les bourses et les banques sont plongées montre une fois encore que l'économie libérale est incapable de se discipliner, alors que les crises financières du passé avaient déjà mis en évidence les conséquences néfastes du laisser faire et de l'autorégulation des marchés. De nouvelles bulles se forment et on accepte les corrections brutales de marché qu'elles provoquent. Il n'y a pas de mécanisme stabilisateur. C'est l'organisation même de la finance moderne qui cause les bulles successives.

    La finance mondiale se délecte de ce type particulier de solidarité qui consiste à mutualiser - étatiser - les pertes et à individualiser - privatiser - les bénéfices.

    Cette situation, qui peut paraître paradoxale, est la conséquence du « double jeu » que joue la bourse dans l'économie. Les bourses, qui devraient financer le développement économique en fournissant des capitaux aux entrepreneurs, ne jouent plus leur rôle premier car « l'investissement à long terme ne paie plus ». Que font-elles alors ? Elles se laissent emporter dans le tourbillon du casino financier : avec quelques pourcentages du capital, les « hedge funds » (fonds spéculatifs) manipulent les cours, imposent leur loi. C'est comme si, ayant entamé une partie de bridge - le financement des entreprises et des particuliers , on changeait brutalement la nature du jeu et on se mettait à jouer au poker - la spéculation -, sans prévenir la majorité des joueurs !

    Les mensonges sur la capacité des individus à s'endetter, c'est la première facture payée par le citoyen au libéralisme débridé. Avec comme conséquences directes sur le pouvoir d'achat des gens, le surendettement de milliers de ménages (qui ont cru aux mirages du marché pour se lancer inconsidérément dans l'endettement irraisonné) et la perte directe de revenus des placements de tous les « petits » épargnants.

    La crise des « subprimes », c'est exactement cela : elle part du financement de logement par des ménages qui ne peuvent pas s'endetter dans des conditions acceptables, mais à qui l'on promet le bonheur grâce aux plus-values qu'ils vont réaliser sur ce même immobilier dont la valeur, c'est ce qu'on leur promet, ne devrait pas cesser de croître.

    Les institutions financières qui ont encouragé de tels crédits ont été prises dans le feu de joie des vanités du marché immobilier américain qui est aujourd'hui devenu un feu de paille ! En effet, ces crédits ont été transformés, par les maîtres de Wall Street, en divers instruments financiers : options et produits dérivés..., qui ont rendu très difficile d'évaluer les pertes potentielles pour chacun, ces produits étant ensuite cédés à des investisseurs spécialisés ; ces derniers ont émis des obligations qui ont alors été vendues à différents investisseurs pour finalement se retrouver dans une Sicav de trésorerie ; l'on est passé du bridge au poker sans s'en rendre compte. Ni analyses des risques, ni contrôles efficaces.

    Pour Paul Krugman, éditorialiste vedette du New York Tmes et Prix Nobel d'Economie 2003, c'est le « système bancaire de l'ombre » qui est à l'origine de ce cataclysme financier. Le système bancaire traditionnel, dans lequel des banques dépositaires avec pignon sur rue jouaient le rôle d'intermédiaires entre épargnants et emprunteurs, a été remplacé par un système « où des accords financiers plus complexes sont conclus par des institutions « non dépositaires », comme Bear Stearns (racheté par JP Morgan le 16 mars), ou Lehman Brothers ». Ce système, censé répartir et réduire les risques, a en réalité eu pour effet de les « cacher », poursuit Paul Krugman, les investisseurs ne connaissant pas précisément leur degré d'exposition au risque. En faisant aveuglément confiance au « marché roi », des millions de citoyens se font ruiner par les détenteurs de grands capitaux.

    Et comment faire face à la « destruction de valeur » ? En appelant, en dernier recours, l'unique bailleur de fonds disponible : l'Etat bien sûr! Dans le jargon libéral, le marché est roi, mais quand il perd, on redécouvre les vertus de l'intervention de l'Etat, qui doit mobiliser des dizaines de milliards d'euros des contribuables pour sauver le système.

    Le contribuable à la rescousse, c'est la deuxième facture payée par le citoyen au libéralisme débridé.

    L'ensemble des contribuables du monde entier doivent aujourd'hui contribuer au sauvetage du système. Les plans se multiplient dans les différents pays et leur ampleur s'accroît chaque semaine.

    Le libéralisme du « laisser faire » vient de démontrer ses limites : moins d'impôts (slogan bien connu en Belgique), une stimulation à outrance de l'offre et plus d'exposition à la libre concurrence pour être plus compétitif. Aujourd'hui, le contribuable, le citoyen doit assumer une troisième facture : la transformation de la crise financière en crise économique et le risque de récession mondiale.

    Des questions telles que : « Quel devrait être le rôle au quotidien des gouvernements nationaux et des régulateurs au sein des marchés financiers ? Quelles agences devraient superviser les établissements financiers à l'échelle mondiale ? » devront être posées.

    Après une période de libéralisme débridé, reviendra-t-on vers un système social-démocrate si longtemps brocardé, ces dernières années ? On peut l'espérer !

    Le seul mérite de cette crise, c'est qu'elle devrait permettre d'ouvrir un vrai débat sur le monde financier.

    Les solutions proposées, aujourd'hui, s'inscrivent dans un plan de sauvetage du système. Pour l'avenir, il est impératif de passer du libéralisme sauvage à une sociale démocratie, où les Sages gagnent sur les prédateurs, où la démocratie économique retrouve tous ses fondements.

    Ce qui est en jeu ici, c'est le bien-être le plus élémentaire des concitoyens, leur pouvoir d'achat. La non régulation financière provoque la ruine des petits épargnants, et on sait ô combien ils sont nombreux en Belgique. Elle appauvrit les citoyens indirectement via des impôts correcteurs opaques qui ne profitent qu'aux riches et aux institutions financières. Elle provoque une crise économique profonde qui touche directement l'emploi de milliers de personnes, à l'échelle de la Belgique, des dizaines et des centaines de milliers à l’échelle de l'Europe et du monde.