/

Utilisation de la bioremédiation.

  • Session : 2008-2009
  • Année : 2008
  • N° : 92 (2008-2009) 1

2 élément(s) trouvé(s).

  • Question écrite du 25/11/2008
    • de SENESAEL Daniel
    • à LUTGEN Benoit, Ministre de l'Agriculture, de la Ruralité, de l'Environnement et du Tourisme

    Lancé en août dernier sous l'impulsion de la Province de Hainaut, le chantier de traitement de 250 mètres de rivière sur le Tintia à l'aide du procédé de bioremédiation est terminé et les premiers résultats viennent de sortir.

    D'après ceux-ci, le traitement des boues de dragage par bioremédiation implique une diminution de 20% du coût comparativement aux techniques traditionnelles.

    Face au coût important de la prise en charge des boues polluées, la province de Hainaut a lancé ce chantier expérimental. Elle se félicite aujourd'hui des résultats obtenus.

    Même si le procédé de traitement par bioremédiation n'est pas nouveau en soi mais n'avait jamais été appliqué en tant que tel à une section de cours d'eau mais était surtout mis en application pour des terres polluées.

    Cette technique nécessite la stimulation des bactéries par l'apport d'azote et de phosphore.

    Cette formule présente également comme avantage de réduire l'impact sur l'environnement que représente le charroi dû au transport de boues.

    A titre d'exemple, dans le cas qui nous occupe, cela représente un total de 193 transports de camions de 15 tonnes vers le centre de traitement le moins cher, situé à Opglabbeek. Ce qui équivaut à un total aller-retour de plus de 55 000 km, soit plus d'un tour de la terre en camion.

    Quelles sont les réactions de Monsieur le Ministre face à ce chantier expérimental plutôt réussi ?

    L'utilisation de cette technique sur d'autres chantiers en Région wallonne est-elle prévue ?

    Peut-on espérer à l'avenir une généralisation de ce procédé de bioremédiation ?
  • Réponse du 06/01/2009
    • de LUTGEN Benoît

    En réponse à ses différentes interrogations, je ne peux que renvoyer l'honorable Membre aux développements et conclusions que je lui ai adressés en septembre 2007 suite à sa question écrite n° 298 relative au même sujet.

    En résumé, je disais déjà que :

    - la bioremédiation, qu’elle soit réalisée in situ ou ex situ, constitue une méthode de traitement au potentiel intéressant (d’autant que de nombreux efforts de recherche sont encore consentis pour améliorer son efficacité) dont les avantages méritent d’être mieux pris en considération;
    - mais qui a également, comme toute autre méthode, un domaine d’utilisation en dehors duquel son efficacité décroît et qui ne couvre pas l’ensemble des conditions susceptibles d’être rencontrées dans les cours d’eau wallons.

    Je rappelais en particulier qu’il s’agit d’une technique :

    - bien adaptée pour traiter des pollutions de type organique, mais moins performante pour le traitement des pollutions caractérisées par des concentrations importantes en métaux lourds ou par la présence de sels inorganiques et/ou de composés chlorés de poids moléculaire élevé ;
    - dont l’efficacité peut être affectée par certaines conditions défavorables quand elle est réalisée in situ et qui nécessite donc, à chaque fois, de procéder à des études et essais préalables avant de la mettre en œuvre ;
    - qui nécessite un monitoring en cours d’essai pour contrôler l’impact sur les écosystèmes des substances injectées et des produits intermédiaires de décomposition (production de métabolites parfois plus toxiques que les substances mères) ainsi qu’un contrôle approfondi des résultats obtenus en fin de traitement.

    Concrètement, en Région wallonne, la plupart des sédiments des cours d’eau navigables ou non navigables classés B(1) sont souvent caractérisés par une pollution complexe (présence simultanée de polluants organiques et inorganiques) que les systèmes de bioremédiation traitent moins efficacement.

    Lorsque les travaux d’entretien couvrent seulement la remédiation d’une pollution et non le rétablissement d’une section d’écoulement adéquate, les procédés de traitement in situ offrent cependant l’avantage, comme vous le signalez, de ne pas nécessiter l’enlèvement des matières, enlèvement qui constitue toujours une opération coûteuse. Ils deviennent donc particulièrement intéressants de ce point de vue.

    Je signalais également à l’époque à l'honorable Membre que la gestion des voies d’eau wallonnes dépend de différentes entités, à savoir :

    - les communes pour les cours d’eau non navigables de troisième catégorie ;
    - les provinces pour ceux de deuxième catégorie ;
    - la Région, via la DGRNE, pour ceux de première catégorie;
    - et enfin la Région, via le MET, pour les voies navigables.

    La Région wallonne a déjà testé ces techniques de bioremédiation sur ses cours d'eau non navigables de première catégorie.

    Au niveau efficacité, les résultats en termes de diminution en volume des boues n'ont pas été probants, compte tenu que le procédé n'est actif que sur la partie "organique" des sédiments. Il faut savoir qu'un sédiment de cours d'eau ne comporte généralement que 10 % de fraction organique en moyenne.

    Par ailleurs, le traitement in situ a une faisabilité réduite car le rendement des bactéries dépend des conditions intrinsèques du milieu aqueux, dont entre autre la température (ainsi que des difficultés d'ensemencement). La rivière étant un milieu ouvert et éminemment variable (température, débit, …), les conditions propices au développement des bactéries ne sont souvent pas réunies pour mener à bien une bioremédiation. Une expérience a été menée sur le décanteur de la Haine à Obourg et les résultats ont été négatifs, à l’inverse de l’expérience que l'honorable Membre cite. Une autre expérience a été également menée sur le Piéton, voisin du Tintia, et les résultats n’ont pas été probants.

    Des essais ont également été menés en eaux closes et en étangs naturels (craies coccholitiques sur lesquelles sont injectées des bactéries), sans succès.

    D’un point de vue qualité des sédiments restant après bioremédiation, il y a également lieu de s’interroger sur les éléments qui ne sont pas dégradables, comme les métaux lourds.

    Il faut en effet être conscient que les métaux lourds et les micropolluants s'accumulent dans les micro-organismes et il y a lieu de s'interroger sur le devenir de ces derniers après décomposition.

    La conclusion de tout cela est donc très claire, et je vous la répète une fois encore : comme les autres procédés de traitement, les procédés de bioremédiation connaissent des limites et ne permettront donc certainement pas de résoudre l’ensemble des problèmes susceptibles d’être rencontrés dans les cours d’eau wallons.

    En ce qui me concerne, et dans le cadre de votre question écrite, j’avais également demandé à la DGRNE, en l’occurrence via les services de la DPE et avec l’appui de l’ISSeP, de suivre spécifiquement les travaux réalisés sur le Tintia et de me faire rapport à ce sujet.

    Pour des raisons de partage des compétences et d’organisation au sein de l’administration, c’est finalement l’ancienne Division de l’Eau qui a été chargée de cette démarche.

    Cette Division a donc adressé un courrier au service technique provincial de la Province du Hainaut en novembre 2007, pour demander de pouvoir faire partie d’un groupe de travail chargé du suivi du chantier pilote de bioremédiation mis en œuvre sur le Tintia et le Saubin.

    Les objectifs de ce suivi étaient entre autre de s’assurer qu’il n’y a pas de transfert de pollution de la matrice sédiment à la matrice eau et de vérifier l’efficacité globale du traitement appliqué.

    Ce courrier n’a malheureusement jamais reçu de réponse de la Province.

    En janvier 2008, le Département ruralité et cours d'eau du service public de Wallonie (qui a succédé à l’ancienne Division de l’Eau) a pris l’initiative d’un nouveau contact avec le service voyer du Hainaut afin de pouvoir disposer des résultats, principalement au niveau de la diminution naturelle des volumes, ainsi que du protocole scientifique relatif à de l'identification des boues, le suivi du traitement et de l'analyse des résultats.

    Jusqu’à présent, aucun document n’a été transmis à ce sujet par la Province à l’Administration régionale. Aujourd’hui, ni l’administration ni l’ISSeP ne sont donc en mesure de formuler un avis complémentaire sur l’efficacité de la technique et sur l’existence ou non de transferts de pollutions lors de la mise en œuvre de ce chantier expérimental.

    Il convient de noter par ailleurs que l’administration wallonne s'est toujours intéressée aux essais réalisés sur de plus petits cours d'eau. Outre la Province du Hainaut, elle est également en contact avec la Province de Liège, qui mène aussi des expériences du même type sur le Geer, dans sa partie classée en deuxième catégorie.

    Enfin, au niveau européen, de nombreux efforts de recherche sont entrepris pour développer des outils d’aide à l’identification des solutions les plus durables de gestion des sédiments. Je vous signale à cet égard que le Gouvernement wallon, par l’intermédiaire des compétences dont j’ai la charge, finance la participation d’instituts wallons à ces actions de recherche(2).

    Sur base des financements qui lui ont été accordés dans ce cadre, l’ISSeP s’est ainsi engagé dans un projet européen intitulé GedSet(3) , dont un des objectifs est d’étudier le devenir des polluants dans la matrice eau, notamment lors de la réalisation d’opérations d’entretien.

    Pour le reste, j'invite l'honorable Membre à questionner également le Conseil provincial, d’une part, et mon Collègue le Ministre Daerden, d’autre part, pour connaître leurs opinions et leurs intentions quant à l’utilisation de ce procédé pour la gestion des cours d’eaux qui relèvent directement de leurs compétences.


    ______________________________
    (1) C'est-à-dire qui contiennent au moins un polluant inorganique et/ou organique dans des teneurs dépassant les teneurs maximales admissibles (TMA) définies par l'arrêté du Gouvernement wallon du 30 novembre 1995 et qui ne peuvent donc être valorisés sans subir un traitement.
    (2) Projet Interreg GedSet (Gestion durable des sédiments transfrontaliers). Programme transfrontalier Interreg IV "Coopération territoriale européenne" France – Wallonie – Vlaanderen.
    (3) Gestion durable des sédiments transfrontaliers. Programme transfrontalier Interreg IV "Coopération territoriale européenne" France – Wallonie – Vlaanderen.