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Manque de cohérence en matière d'octroi des primes énergies et notamment en faveur du photovoltaïques

  • Session : 2008-2009
  • Année : 2008
  • N° : 160 (2008-2009) 1

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  • Question écrite du 04/12/2008
    • de JAMAR Hervé
    • à ANTOINE André, Ministre du Logement, des Transports et du Développement territorial

    Depuis plusieurs semaines, la promotion du photovoltaïque fait débat. En effet, le jugement sans appel d'un ancien directeur de la CWAPE mais également les déclarations de certains ingénieurs experts en la matière remettent en cause la pertinence de la politique actuelle de promotion de cette filière par rapport à d'autres sources d'énergies renouvelables mais aussi et surtout par rapport aux sources d'économies d'énergies via l'isolation des logements.

    Jeudi dernier, la presse audiovisuel révélait une étude comparative interpellante sur le sujet: un ingénieur bruxellois s'est penché sur la comparaison du rendement énergétique de deux techniques: isoler un mur et placer un panneau photovoltaïque. Les résultats de son étude sont édifiants. L'isolation thermique est 6 fois plus efficace pour économiser du C02, mais, paradoxe, le panneau photovoltaïque est 66 fois mieux subsidié par les pouvoirs publics. Pire, les certificats verts, les primes et la déduction fiscale en feraient un placement financier idéal, un «super compte épargne» disait la presse, avec un taux d'intérêt de 20 % en Région wallonne.

    Monsieur le Ministre peut-il confirmer cette analyse?

    Par ailleurs, la Wallonie compte actuellement plus de 850.000 logements extrêmement mal isolés. Au vu de l'ampleur des travaux d'isolation et du potentiel d'économies d'énergies qui en découle, quelle est la politique de Monsieur le Ministre en vue de rectifier l'impulsion actuelle vers cette filière prometteuse ?

    Nous sommes auteurs d'une proposition de décret qui vise justement à mettre en place des priorités claires et structurantes dans cette politique d'utilisation rationnelle de l'énergie. Malheureusement, cette proposition n'a pas recueilli l'attention de la majorité. Pourtant, n'est-il pas temps de mettre en place des objectifs chiffrés en la matière?

    Par ailleurs, Monsieur le Ministre avait promis la réalisation préalable d'un audit avant tout octroi de primes. Cette promesse datant du début 2008 est restée sans lendemain. Qu'en est-il réellement?

    Enfin, les experts de la matière demandent une certaine stabilité du cadre juridique afin de ne pas perturber les investissements projetés. Les différents projets et annonces de Monsieur le Ministre ne sont pas rassurants sur ce point.
  • Réponse du 14/01/2009
    • de ANTOINE André

    Il est clair que mettre en place une politique URE est moins cher qu'implémenter une politique de production d'électricité renouvelable en considérant le critère des tonnes de CO2 économisés/euros d'argent public investi, et ce, qu'il s'agisse du photovoltaïque ou des autres filières.

    J'ai toujours prôné et agi de manière à ce que le premier réflexe soit de mener une vigoureuse politique d'amélioration de l'efficience énergétique dans tous les secteurs de la consommation. Par delà les paroles et les plans, il y a les moyens et les résultats, plusieurs centaines de millions d'euros tant pour les pouvoirs publics et les écoles via le programme UREBA classique renforcé par un appel d'offre exceptionnel de 125 millions d'euros, que pour le financement d'investissements chez le simple citoyen via le Fonds énergie (+ 45 millions d'euros) ou encore pour les entreprises avec notamment les accords de branche et le programme AMURE.

    Avec de tels moyens les résultats ont été au rendez-vous comme le démontre le tout récent bilan énergétique de l'ICEDD(1) pour l'année 2007, dernière année connue. Ce rapport confirme que la consommation finale d'énergie (toutes énergies confondues) diminue: depuis 2004, c'est près de 10 % de réduction qui a été enregistrée, dont - 3.4 % de 2006 à 2007. Cette baisse significative et récurrente est d'autant plus remarquable quand on sait qu'entre 1999 et 2003, l'augmentation de cette même consommation avait été majeure sauf en 2002.

    Je voudrais cependant attirer l'attention de l'honorable Membre sur le fait que, qu'elles que soient nos économies d'énergie, l'Europe s'assigne à atteindre 20 % d'énergie renouvelable en 2020. En Wallonie, participer à cet objectif ne pourra se faire que si nous utilisons tout notre potentiel renouvelable, y compris le potentiel solaire photovoltaïque. Encore faut-il rendre sa mise en œuvre économiquement possible et, pour cela, comme l'écrivait elle-même la CWaPE dans un de ses avis en novembre 2007 : « On constate qu'un soutien sous forme de certificats verts avec coefficients multiplicateurs (k1 = 7 et k2 = 5) et de réduction d'impôt fédérale (40 % de l'investissement avec un plafond de 3.380 euros) est insuffisant pour compenser les surcoûts de production. Un soutien renforcé semble par conséquent nécessaire et justifie la mise en place d'une prime régionale. ».

    Donc, ceux qui opposent l'utilisation rationnelle de l'énergie et les énergies renouvelables ou encore les différentes sources d'énergies renouvelables entre elles se trompent lourdement. Le défi énergétique et climatique qui est aujourd'hui le nôtre, nous impose de continuer à la fois une vigoureuse politique d'amélioration de r efficience énergétique dans tous les secteurs de la consommation ainsi qu'un développement de toutes nos filières renouvelables sans exception.

    Le mécanisme des certificats verts n'a pas pour but ultime et unique les économies de CO2, sinon, il faudrait abandonner les aides à la production que perçoivent ceux qui en bénéficient. Cela concerne même les filières les plus rentables puisque la tonne de CO2 se négocie entre 20 et 30 euros la tonne alors que les filières les moins soutenues de production d'électricité verte en reçoivent 197 euros en considérant un CV à 90 euros. En conséquence, la campagne politicienne que certains ont lancée risque à terme de nuire fortement au développement de la production d'électricité à partir des énergies renouvelables. Essayer de convaincre le citoyen et le chef d'entreprise aujourd'hui qu'il paie des certificats verts uniquement pour faire des économies de CO2, c'est le convaincre à coup sûr demain qu'il paie beaucoup trop pour les certificats verts. Il est regrettable de créer des mythes à des fins politiques, surtout lorsque ces mythes in fine nuiront à une filière économique dont notre Région ne peut se passer à terme.

    Le mécanisme des certificats verts en Wallonie, contrairement à ce qui se fait dans d'autres Régions. veille à ce que des certificats verts ne soient attribués que si une économie de CO2 suffisante est réalisée. Je trouve déplorable et dangereuse la simplification que certains font aujourd'hui transformant la condition nécessaire que la Wallonie a mise à juste titre pour en faire le but ultime d'un mécanisme.

    Il m'apparaît indispensable de rétablir la vérité même si les messages complexes sont souvent plus difficiles à faire passer que des messages simplistes et réducteurs.

    Le mécanisme de soutien à la production d'électricité verte mis en place en Région wallonne s'inscrit dans le cadre des deux directives européennes suivantes:

    - la directive 200l/77/CE du 27 septembre 2001 relative à la promotion de l'électricité produite à partir de sources d'énergie renouvelables sur le marché intérieur de l'électricité;
    - la directive 2004/8/CE du II février 2004 relative à la promotion de la cogénération sur la base de la demande de chaleur utile dans le marché intérieur de l'énergie.

    Ces directives visent certes à promouvoir l'électricité verte dans un but environnemental mais aussi dans un but d'indépendance, de diversification et de sécurité de l'approvisionnement en énergie et surtout d'émancipation par rapport à notre forte dépendance aux énergies fossiles. D'autres objectifs sont également poursuivis tels que la cohésion économique et sociale puisque le développement de l'électricité verte est une opportunité de création d'activité économique et d'emplois au niveau local (cfr les 550 emplois créés dans la filière photovoltaïque en moins d'un an).

    Les soutiens de différentes formes que la Wallonie apporte à la production d'électricité renouvelable en ce compris ceux accordés à la filière photovoltaïque, s'intègrent parfaitement dans cette philosophie et sont indispensables pour atteindre l'objectif que nous assigne l'Europe en 2020.

    Enfin, je terminerai en maintenant qu'en matière de photovoltaïque, comme en appelait de ses voeux M. Reynders sur RTL-TVi à la veille des élections fédérales de juin 2007, il était indispensable de ne pas laisser la Wallonie regarder le train partir; il fallait positionner la Région dans ce domaine. Ce sont parfois les mêmes qui reprochent à la Wallonie de ne pas avoir investi dans l'éolien dans les années 1990 – comme l'ont fait l'Espagne et l'Allemagne, pays qui bénéficient aujourd'hui de la filière créée il y a 15-20 ans – qui reprochent aujourd'hui aux politiques wallons d'investir dans le photovoltaïque comme le font massivement l'Allemagne et l'Espagne.


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    (1) Institut de conseil et d'études en développement durable