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Droits des colocataires.

  • Session : 2008-2009
  • Année : 2008
  • N° : 190 (2008-2009) 1

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  • Question écrite du 10/12/2008
    • de STOFFELS Edmund
    • à ANTOINE André, Ministre du Logement, des Transports et du Développement territorial

    Dans le cas d’une location de l’habitat principal, si les cohabitants sont cotitulaires d’un même bail, ils possèdent les mêmes droits. Certaines des personnes qui vivent dans cet habitat, mais qui n’ont pas participé à la signature du bail, sont aussi impliquées par la relation contractuelle du bail.

    Il s’agit, notamment : des époux, même avant le mariage ; des cohabitants légaux (personnes ayant fait une déclaration auprès de l’administration communale) ; des concubins (jurisprudence).

    Dans le cas des autres personnes non impliquées dans le bail, qu’on peut définir comme cohabitants, et, qui dans certains cas ne sont pas autorisées à y vivre (clause dans le bail qui détermine le nombre ou interdit la cohabitation, la sous-location), on pourrait se baser sur une certaine jurisprudence.

    Le Code wallon du logement qui « vise à assurer la mise à disposition de logements et notamment des logements destinés prioritairement aux ménages à revenus modestes et en état de précarité » (logement décent pour tous), a instauré un permis de location pour les logements collectifs (logement dont au moins une pièce d’habitation ou un local sanitaire est utilisé par plusieurs ménages).

    Dans l’attente que la compétence en matière de bail à loyer nous soit transférée, ne devons nous pas préparer le terrain dans le but de répondre à ces soucis réels de locataires qui se posent la question ce qui arrivera, par exemple, à leurs parents ou enfants adultes (colocataires) au cas où eux (locataire principal) seraient victimes d’un accident ou d’une maladie ? Qu’en pense Monsieur le Ministre ?
  • Réponse du 15/01/2009
    • de ANTOINE André

    1. L'article 215, § 2, du Code civil énonce :

    « Le droit au bail de l'immeuble loué par l'un ou l'autre époux, même avant le mariage et affecté en tout ou en partie au logement principal de la famille, appartient conjointement aux époux, nonobstant toute convention contraire.

    Les congés, notifications et exploits relatifs à ce bail doivent être adressés ou signifiés séparément à chacun des époux ou émaner de tous deux.

    Toutefois, chacun des époux ne pourra se prévaloir de la nullité de ces actes adressés à son conjoint ou émanant de celui-ci qu'à la condition que le bailleur ait connaissance de leur mariage ».

    Cet article a été inséré dans le Code civil par la loi du 14 juillet 1976. Il est entré en vigueur le 28 septembre 1976. L'article 3 de la loi du 20 février 1991 a inséré le troisième alinéa du § 2. Il subordonne la nullité à la connaissance effective du mariage par le bailleur.

    Cette disposition protège les époux. La loi du 23 novembre 1998 qui a instauré la cohabitation légale, y fait expressément référence via l'article 1477, § 2, du Code civil.

    Il convient de noter qu'aucune disposition semblable n'existe pour les couples de fait, alors que le mariage est de plus en plus « concurrencé » par le concubinage et par la cohabitation légale.

    De plus, la sécurité d'occupation, qui est le socle de la loi sur le bail de résidence principale, est fragilisée par le nombre croissant de séparations et de divorces. Le sort du logement qui abritait les locataires doit parfois être réglé dans l'urgence.

    2. Au terme d'une excellente approche de cette problématique, Monsieur de Frésart, Juge de paix du second canton de Wavre, conclut: « Qu'il s'agisse de la forme juridique retenue ou écartée par le ménage ou des pouvoirs que chacun au sein de celui-ci détient à propos du bail, force est de constater qu'il est non seulement nécessaire de faire appel aux normes qui régissent les contrats mais aussi à celles qui forment les régimes matrimoniaux ou qui en tiennent lieu pour les cohabitants légaux. Il ne faut pas oublier ni les règles de l'indivision ni celles du Code judiciaire avant d'aborder les difficultés de l'article 215, § 2 du Code civil. » (C.-E. de Frésart, « Bail et couple font-ils toujours bon ménage ? Propos sur le bail du logement principal de la famille et l'article 215, § 2 du Code civil », in Le bail de résidence principale, La Charte, 2006, 265-339).

    Il s'avère que cette matière est complexe, mais qu'elle affiche aussi des controverses doctrinales et jurisprudences à ce point aiguës qu'il est difficile d'apporter des certitudes aux justiciables qui veulent régler des questions pratiques engendrées par certaines situations.

    3. Par ailleurs, l'article 1742 du Code civil stipule que le décès du locataire ne met pas fin de plein droit au contrat de bail.

    A l'inverse de ce droit commun, le contrat de bail d'un logement social ne se transmet pas aux héritiers. La mort du preneur entraîne automatiquement la dissolution du rapport locatif.

    La jurisprudence a toutefois tendance à protéger, au décès du locataire, les personnes occupant le logement, pourvu qu'elles y soient bien domiciliées, que le bailleur ait été tenu au courant de l'occupation avant le décès et qu'elles aient manifesté leur intérêt à la perpétuation de la mise à disposition du logement social. En effet, à travers le décès du signataire, subsistent l'intérêt légitime du ménage au logement et son droit au logement social de service public (J.P. Grâce-Hollogne, 19 août 2005, Echos du logement, 2005/5, p.16).

    Le cas échéant, la société de logement de service public doit, conformément à sa finalité sociale, privilégier la mise à disposition d'un autre logement mieux proportionné à la composition du ménage subsistant.

    4. La loi française n° 89-464 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs pourrait servir de point de départ pour asseoir une plus grande sécurité juridique, eu égard aux évolutions sociologiques de la famille et à des évènements, qui viendraient à bouleverser l'économie du contrat de bail pendant son exécution.

    En effet, l'article 14, qui traite de l'abandon du logement et du décès du locataire, stipule:

    « En cas d'abandon du domicile par le locataire, le contrat de location continue:

    - au profit du conjoint;
    - au profit des descendants qui vivent avec lui depuis au moins un an à la date de l'abandon du domicile;
    - au profit du partenaire lié au locataire par un pacte civil de solidarité;
    - au profit des ascendants, du concubin notoire ou des personnes à charge, qui vivaient avec lui depuis au moins un an à la date de l'abandon du domicile.

    Lors du décès du locataire, le contrat de location est transféré:

    - au conjoint survivant;
    - aux descendants qui vivaient avec lui depuis au moins un an à la date du décès;
    - au partenaire lié au locataire par un pacte civil de solidarité;
    - aux ascendants, au concubin notoire ou aux personnes à charge qui vivaient avec lui depuis au moins un an à la date du décès.

    En cas de demandes multiples, le juge se prononce en fonction des intérêts en présence.

    A défaut de personnes remplissant les conditions prévues au présent article, le contrat de location est résilié de plein droit par le décès du locataire ou par l'abandon du domicile par ce dernier. ».

    Cette disposition pourrait être une source d'inspiration. Elle permettrait, avec un peu d'humanité, de lever bon nombre d'hypothèques relatives au sort du bail en cas de séparations, de divorces ou de décès, contribuant ainsi à consolider le droit à un logement décent.