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Décret flamand réservant l'acquisition de terrains à bâtir à des personnes qui ont un lien avec la commune.

  • Session : 2008-2009
  • Année : 2009
  • N° : 49 (2008-2009) 1

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  • Question écrite du 27/04/2009
    • de FOURNY Dimitri
    • à DEMOTTE Rudy, Ministre-Président du Gouvernement wallon

    Le Parlement flamand vient d'approuver un nouveau décret dont l'objectif est de réserver les zones d'extension d'habitat encore disponibles à des acheteurs qui ont un lien avec la commune.

    Cela vise 67 communes flamandes les plus touchées par la spéculation foncière, dont les communes de la périphérie bruxelloise et la majorité des communes de la côte.

    Les motifs invoqués par le Gouvernement flamand ont trait à la lutte contre la spéculation immobilière.

    Pour bénéficier de cette mesure, le futur acheteur devra disposer d'un lien avec la commune. Il devra y avoir résidé pendant six ans au moins de manière ininterrompue ou avoir vécu dans une commune voisine, à condition qu'elle fasse partie des entités concernées par le décret. Sa candidature sera aussi acceptée s'il a travaillé, au moins à mi-temps, sur le territoire de la commune. Il pourra aussi se prévaloir, à défaut de remplir les deux premières conditions, d'un lien étroit, social, familial ou économique avec ladite commune.

    D'emblée, cette mesure a donné lieu à de nombreuses réactions et a fait penser aux dispositions tant critiquées du Wooncode.

    Pour rappel, les experts des Nations Unies estimaient le « Wooncode » potentiellement discriminatoire. Ils ont invité la Belgique à veiller à ce que les exigences linguistiques « ne conduisent pas à une discrimination exercée en raison de l'origine nationale ou ethnique ».

    Contrairement au « Wooncode » s'appliquant aux locataires d'un logement social, il n'y a ici, en apparence, aucun critère lié à la langue dans ce décret.

    Les politiques flamands invoquent une disposition wallonne qui permettrait d'octroyer un logement social sur base notamment d'un critère de rattachement avec la commune. Mais il faut bien rappeler qu'en Wallonie, il s'agit d'un critère parmi d'autres qui n'est pas décisif. En outre, et surtout, la disposition ne s'applique qu'aux logements publics.

    Or, ici, on va créer une forme de « préférence nationale » dans tout le secteur du logement public comme privé. Et c'est là que l'on va sérieusement attenter à la liberté de chacun de s'établir là où il le souhaite, y compris dans une commune où il n'a aucun lien précis.

    Cette mesure pose de façon évidente toute une série de questions en référence à l'Europe qui pourrait s'opposer à ce décret.

    En effet, le droit européen assure à tous les ressortissants de l'Union le droit de libre circulation et de libre installation. Personne ne peut interdire à un ressortissant européen de s'installer en Belgique.

    Même si la Flandre invoque des meures sociales, il y a lieu de s'assurer que le dispositif est bien conforme aux principes européens, ce qui, de prime abord, ne semble pas être le cas. Les autres Régions seront-elles associées ou consultées par le Fédéral qui est l'interlocuteur de la Commission ? N'y a-t-il pas là matière à réclamer un Comité de concertation sur le sujet?
  • Réponse du 15/05/2009
    • de DEMOTTE Rudy

    L’honorable Membre attire mon attention sur le fait qu'avec cette réglementation relative à l'acquisition de terrains à bâtir, la Flandre se place, une nouvelle fois, sur la corde raide ou sur la ligne de démarcation qui sépare le social de l'ethnique.

    Potentiellement, cette attitude est doublement problématique...

    Dans un Etat comme le nôtre qui est basé sur un équilibre entre autonomie régionale et courtoisie fédérale.

    Et dans une Union européenne où de tels agissements s'inscrivent clairement à rebours de cette citoyenneté commune que nous construisons...

    Une citoyenneté qui se fonde justement sur cette liberté de circulation et d'établissement dans l'Union.

    Le parallèle que l’honorable Membre établi avec le Wooncode est en cela intéressant.

    Car nous nous trouvons dans le cadre d'une compétence clairement et strictement régionale.

    C'est-à-dire dans une situation qui ne peut pas être confondue avec celle de l'assurance autonomie flamande qui posait clairement la question du respect du partage des compétences.

    Je lui dirais donc que le nœud du problème se trouve dans la difficulté qu'il y a à prouver l'intention délictueuse ou inadéquate dans le chef du pouvoir flamand.

    Car ce n'est pas nécessairement le cas.

    Comme le mentionne l’honorable Membre, notre législation wallonne intègre, elle aussi, le concept de rattachement à la commune.

    Il s’agit d’une disposition reprise dans l’arrêté du Gouvernement wallon du 19 décembre 2008 modifiant celui du 6 septembre 2007 organisant la location des logements gérés par la Société wallonne du logement (SWL) ou par les Sociétés de Service Public (SLSP).

    Pour être parfaitement précis, il s’agit de l’article 6, 2° qui ajoute un critère de priorité, effectivement parmi d’autres et libellé comme suit :

    « Cinq points sont accordés au ménage dont un membre est domicilié depuis au moins trois ans, sans interruption, dans la commune où se situe le logement à attribuer »

    Il s’agit clairement d’une démarche positive dans notre chef.

    C'est donc bien l'Intention qui importe, derrière la mesure.

    Et, dans le cadre du marché immobilier flamand - qui subit une pression plus importante encore que le nôtre - nous pouvons comprendre qu'une action à vocation sociale se justifie.

    Je pense donc que, si elle ne doit pas être naïve, notre attitude ne doit pas être manichéenne.

    A ce stade, nous devons peut-être nous garder de faire à la Flandre un procès d'intention en concluant a priori à son souhait de détourner cette réglementation de sa finalité affichée.

    Une analyse approfondie de la question est donc indiquée avant d'agir.

    Parce que la courtoisie fédérale implique qu'on n'intervienne dans le champ de compétence d'un partenaire que de manière exceptionnelle, sur des bases solides.

    Et parce que la force de nos interventions dépend aussi, justement, de leur ciblage, jusqu'à présent toujours opportun.

    L'objectif ne doit pas être de nous livrer une guérilla procédurière sur tout ce qui nous semble suspect.

    Car, hélas, dans un pays où la confiance ne caractérise plus les relations entre les composantes, ces éléments ne manquent pas.

    Notre ligne de conduite doit être de faire preuve de fermeté, lorsqu'il s'avère qu'elle est nécessaire.

    L’honorable Membre le sait, la Région wallonne a toujours tenu sa place dans le combat pour la défense des droits des Wallons mais aussi des francophones, en activant les procédures de concertation ou d'arbitrage, quand il y avait lieu de le faire.

    De même, un travail de sensibilisation des instances internationales a été opéré avec pour conséquence de braquer un projecteur sur le risque de dérive flamande.

    L’honorable Membre évoque les Nations Unies.

    C'est vrai également au Conseil de l'Europe. Et il a, comme moi, pris note de l'Initiative de certains parlementaires autour de la candidature de Monsieur Van den Brande à sa présidence.

    Nous devons donc continuer à nous montrer à la fois loyaux et vigilants.

    Pas de procès d'intention systématique au premier stade.

    Mais une attention réelle portée à la définition des modalités pratiques et à l'application de cette réglementation.

    S'il devait apparaître, demain, que nos appréhensions étaient fondées, les voies de recours devraient être saisies.

    D'abord, bien sûr, par les parties lésées qui bénéficient de mécanismes juridiques de protections.

    Mais, dès ce moment, la Région wallonne, comme d'autres instances - et je pense notamment à la Communauté française ou à la Région bruxelloise plus directement concernée encore - ne manqueront pas d'envisager les actions utiles qu'elles pourraient entreprendre.

    Etant entendu que celles-ci devraient être le fruit d'une double concertation...

    A la fois entre institutions francophones ou majoritairement francophones...

    Et entre les quatre partis démocratiques réunis autour d'une position commune qui la meilleure ligne de défense que nous puissions maintenir.