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Le secteur laitier

  • Session : 2008-2009
  • Année : 2009
  • N° : 283 (2008-2009) 1

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  • Question écrite du 14/05/2009
    • de STOFFELS Edmund
    • à LUTGEN Benoit, Ministre de l'Agriculture, de la Ruralité, de l'Environnement et du Tourisme

    Dans un communiqué de presse, Monsieur le Ministre annonce huit mesures pour soutenir les producteurs laitiers.

    Après lecture, ma réaction première est positive : je salue l'attention qu'il prête au secteur laitier.

    Ce secteur réclame - à juste titre - des mesures qui peuvent produire un effet immédiat - même si elles concernent plus la trésorerie des exploitations agricoles et moins leur rentabilité ou leur viabilité à long
    terme.

    Si l'objectif des mesures est seulement d'apporter des réponses immédiates, ponctuelles et exceptionnelles aux difficultés rencontrées par le secteur, il est rencontré.

    Cependant, il ne fait pas confondre cet unique objectif, important certes mais juste ponctuel, avec d'autres objectifs à moyen et long termes.

    Il faut en effet s'attaquer aux difficultés structurelles du secteur laitier.

    Si deux des huit mesures proposées, à savoir la promotion du lait et la diversification de la valorisation du lait, existent et ma foi, c'est très bien, force est de constater que ces deux mesures n'apportent qu'une réponse très partielle.

    J'aimerais que les mesures envisagées soient suivies d'autres mesures plus structurelles.

    Et ces mesures structurelles devraient avoir au moins quatre buts :

    - réduire les coûts de la production laitière confrontée à une augmentation des coûts liés aux défis sanitaires, environnementaux, énergétiques entre autres ;
    - diversifier davantage la valorisation du lait (ce qui permettra de dégager d'autres débouchés), les marchés pour le lait destiné à la consommation ou pour la poudre de lait et le beurre étant saturés ;
    - permettre aux agriculteurs de diversifier leur revenu en la basant sur la production du lait - évidemment - mais aussi sur d'autres formules. Autres formule telles que p.ex. l'agrotourisme ou la production d'énergie sur base de la valorisation de la biomasse comme source d'énergie ;
    - honorer correctement le travail des agriculteurs pour les services qu'ils rendent actuellement de façon gratuite à la collectivité. Ici je pense à la protection de la biodiversité et de la sauvegarde des habitats : Natura 2000.

    Ces buts que je viens d'énoncer sont importants pour le secteur laitier car nous devons constater que, d'une part, la politique de dérégulation des marchés (je parle ici de l'abolition des quotas laitiers) et, d'autre part, le «libéralisme agricole» nous ont menés dans une impasse provoquant la chute du prix du lait de 0,40 euro (2007) à 0,31 – 0,26 euro (2008-2009).

    Il s'agit d'une chute des prix qui touche le secteur partout en Europe.

    Cette chute des prix entraîne une volatilité rapide et incontrôlable des prix , frappant de plein pied la rentabilité des exploitations agricoles et ce sont les agriculteurs ici en Wallonie qui en subissent les conséquences.

    Chute des prix payés au producteur, mais qui, comme par hasard, ne se retrouve pas dans le panier de la ménagère. Pourquoi ? Où est donc resté cette marge ?

    Paradoxe du système : d'une part, l'agriculteur producteur est moins payé et, d'autre part, le consommateur paie toujours le même prix ou quasi ... A qui profite la différence ?

    Pour être complet et honnête, rappelons-nous que suite à l'initiative de Monsieur le Ministre, un groupe de travail a été mis en place.

    Ce groupe était composé :

    - des producteurs;
    - des coopératives;
    - des grandes surfaces qui commercialisent le lait.

    L'objectif était de dégager des perspectives permettant un meilleur équilibrage des intérêts des uns et des autres.

    Première conclusion : le dialogue n'a cependant pas toujours fonctionné de la meilleure façon.

    Quel bilan Monsieur le Ministre tira-t-il des travaux de ce groupe de réflexion ?

    D'où ma question concernant le résultat de cette structure ou - pour l'exprimer autrement : où est restée la marge entre le prix payé par le consommateur et le prix payé au producteur ?

    Y a-t-il une instance qui contrôle les pratiques commerciales, notamment en cas de formation de cartels dont l'objectif est de dominer le marché, de réduire la libre concurrence et d'imposer ses conditions ?

    Quelle est l' analyse de Monsieur le Ministre : la situation ne remplit-elle pas les conditions de cartel ?

    Petit retour en arrière, si Monsieur le Ministre le permet.

    Lors d'une question d'actualité posée récemment, je l’interrogeais quant à l'opportunité d'introduire la notion de délai de rigueur dans le cadre du traitement des aides AIDA devenus ISA.

    Il me répondait que l'Union européenne serait réticente par rapport au risque que la Région wallonne marque son accord (tacite) sur des dossiers alors qu'elle aurait du les refuser.

    D'un autre côté, il me semble qu'au vu des difficultés rencontrées par les agriculteurs qui ne peuvent démarrer l'investissement qu'après autorisation l'introduction du délai de rigueur est et reste la meilleure des réponses concrètes à donner.

    Par ailleurs, le délai de rigueur existe dans d'autres domaines politiques eux aussi contrôlés par l'Union Européenne et donne des résultats qui évitent les pires difficultés.

    Je suggère donc qu'une nouvelle tentative soit entreprise afin d'introduire cette notion fixant des délais dont le dépassement équivaut à un accord.

    Pour ce qui concerne le crédit de soudure accompagné d'une garantie publique certains agriculteurs concernés m'informent que les organismes bancaires en profitent pour relever le taux d'intérêt.

    Si cela s'avère exact - et je demande que ses services approfondissent le sujet - il me semble que nous devons réagir comme l'a fait le Collègue de Monsieur le Ministre lorsqu'il a mis sur pied le prêt jeune devenu prêt tremplin : ils ne peuvent être accordés que lorsque l'emprunt est contracté avec une banque ayant marqué son accord de pratiquer le même taux pour les bénéficiaires que pour tous les autre emprunteurs.

    Si l'information doit être confirmée. il s'impose que nous prévoyons des verrous parce que je trouverais anormal que l'agriculteur, couvert par une garantie publique, remplisse les poches des banquiers qui ont déjà eu leur lot d' argent public ces derniers mois.

    Il en est de même pour ce gui concerne l'aide à l'investissement agricole.

    Lors du débat budgétaire, Monsieur le Ministre m'avait promis de faire glisser le système d'une subvention-intérêt vers une aide en capital : le première version profitant plus aux banques, la deuxième plus à l'agriculteur lui-même.

    Où en sommes-nous ?

    Dans le même état d'esprit de soutient au secteur agricole, je l’interpellerai aussi concernant les primes agricoles.

    Son collègue de l'économie est parvenu à négocier avec l'autorité fédérale pour que l'aide à l'investissement soit exonéré d'impôt.

    D'après les échos qui me reviennent, les primes agricoles continuent à être soumis à l'imposition par l'autorité fédérale.

    En bref, d'une main, le fédéral reprend ce que de l'autre main, la Région wallonne donne.
    Si je peux encore l'admettre pour les aides qui remplacent ou complètent un revenu, je ne peux plus l'admettre pour les aides qui encouragent l’investissement.

    En a-il parlé avec le Ministre fédéral des Finances ?

    Peut-on espérer qu'au-delà des beaux discours, celui-ci montre une ouverture dans le sens indiqué ?

    Dernier volet de mon intervention

    Les agriculteurs paniquent lorsqu'ils entendent que l'agriculture de demain va être l'agriculture conventionnée.

    Par convention entre l'agriculteur et l'acheteur de lait, on fixe le nombre de litres qu'il doit produire par année, mais aussi les amendes lorsqu'il n'atteint pas le quota négocié ou lorsqu'il le dépasse.

    Et ils se posent la question ce qui leur arrivera le jour, où l'acheteur de lait leur dit qu'il a trop de lait et qu'il n'en veut plus. Ils craignent que l'avenir soit exclusivement réservé aux grands producteurs qui peuvent produire le lait à des conditions avec lesquels ils ne sauront jamais concurrencer.

    Bref, ils craignent que ce soit le début d'un processus de concentration qui aboutira vers une agriculture de type industriel.

    Déjà actuellement, le nombre d'agriculteurs âgés de 50 ans ou plus qui déclarent qu'ils n'ont pas de successeur pour leur ferme est impressionnant.

    Que va dire un agriculteur demain à son fils lorsque celui-ci s'intéresse à reprendre la ferme de son père ?

    Autant que je suis d'accord avec les mesures à très court terme (si elles soulagent l'agriculteur), autant je suis demandeur qu'elles ne servent pas à faire perdurer la lutte pour la survie si, au bout de la peine, l'agriculteur doit quand même disparaître mais qu'elles soient accompagnées de mesures structurelles ouvrant de réelles perspectives d'avenir pour un secteur qui, à l'heure actuelle, traverse une des crises les plus profondes.