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Projet de panneaux solaires dans le Sahara appelé Desertec

  • Session : se2009
  • Année : 2009
  • N° : 6 (se2009) 1

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  • Question écrite du 19/08/2009
    • de EERDEKENS Claude
    • à NOLLET Jean-Marc, Ministre du Développement durable et de la Fonction publique

    Selon des informations publiées dans la presse économique belge et étrangère, il a été prévu de réaliser un projet « pharaonique » de panneaux solaires dans le Sahara appelé Desertec, devant fournir à terme un pourcentage « incroyable » de 15 % de l’énergie consommée en Europe par un investissement au minimum de 400 milliards d’euros.

    La Région wallonne a-t-elle été avisée de ce projet ? Est-il sérieux ?

    Quelle est l’approche de la Région par rapport à cet investissement ?

    Est-il envisagé pour la Région wallonne et ses entreprises au travers de la SRIW ou d’autres structures de participer ou non à ce projet, guidé pour l’essentiel par l’Allemagne ?

    Un consortium s’est réuni pour la première fois le 13 juillet 2009 à Munich à l’initiative d’un assureur bavarois regroupant pour l’essentiel des firmes allemandes.

    Monsieur le Ministre pense-t-il que l’Allemagne soit en train de prendre une avance que les autres pays européens et la Wallonie ne pourront jamais rattraper tant ils auront été les pionniers en matière de filière verte ?

    Les opposants wallons aux éoliennes, « Vent de raison » notamment, pourront dire dans le cadre de l’application du phénomène Nimby, qu’à tout prendre, il vaut mieux des éoliennes off shore en Mer du Nord ou des panneaux solaires dans le Sahara que dans la Wallonie verte et rurale, si chère à ses habitants.
  • Réponse du 10/09/2009
    • de NOLLET Jean-Marc

    Le 13 juillet dernier, douze entreprises ont signé à Munich un protocole d'accord en vue de créer un bureau d'études Desertec Industrial Initiative (DI.I.). Cette Initiative a pour objet l'analyse et la mise en place d'un cadre technique, économique, politique, social et écologique en faveur d'une production d'énergie sans émission de CO2 dans les déserts d'Afrique du Nord.

    Le concept Desertec conçu et réalisé par l'initiative TREC du Club de Rome décrit les perspectives d'un approvisionnement électrique durable pour toutes les régions du monde avec accès au potentiel énergétique des déserts.

    Les sociétés fondatrices de DII, principalement concentrées en Europe, au Proche-Orient et en Afrique du Nord (MENA), sont les suivantes:

    - ABB ;
    - ABENGOA Solar ;
    - Cevital ;
    - Deutsche Bank ;
    - E.ON ;
    - HSH Nordbank ;
    - MAN Solar Millennium ;
    - Münchener Rück ;
    - M+Wzander ;
    - RWE ;
    - SCHOTT Solar ;
    - SIEMENS

    Les entreprises ont l'intention de créer un bureau d'études spécialisé dont fera également partie la Fondation Desertec. L'accord a été signé en présence de hauts représentants politiques allemands et étrangers.

    Parmi les principaux objectifs de DII, figure l'élaboration de plans d'exploitation concrets et des projets de financement associés, ainsi que le lancement des préparatifs industriels pour la construction d'un grand nombre de centrales solaires thermiques(1) interconnectées et réparties dans toute la région MENA. Le but fixé est de produire suffisamment d'énergie pour couvrir environ 15 % des besoins en électricité de l'Europe et une part considérable des besoins en électricité des pays producteurs. Toutes les activités de DII sont orientées vers l'élaboration de plans d'investissement réalisables dans un délai de 3 ans suivant sa création.

    Les technologies clés du concept Desertec sont : la concentration de la chaleur solaire emmagasinée dans les centrales héliothermiques pour que celles-ci fonctionnent jour et nuit et les lignes de courant continu de haute tension (HVDC) de transport d'énergie à faible perte qui amèneront l'énergie verte des déserts de la région MENA à l'Europe.

    Les centrales solaires thermiques

    L'idée de capter le rayonnement solaire et de le transformer en chaleur afin de produire de l'électricité ne date pas d'hier.

    Dans le désert de Mojave, en Californie, une centrale de ce type est raccordée au réseau électrique depuis la fin des années 1980. Au fil des années, l'installation a pu être développée et fournir ainsi 12 milliards de kilowattheure de courant. Mieux, le prix du kilowattheure produit ne cesse de diminuer: l'exploitant de la centrale l'estime aujourd'hui à 12 centimes d'euros.

    L'Espagne est le leader mondial dans le développement de la technologie CSP (Concentrating Solar Power). Elle s'est fixé un objectif de 500 MW de CSP installés à l'horizon 2010. De plus, l'électricité produite dans ces centrales CSP d'une puissance inférieure ou égale à 50 MW bénéficie d'un feed-in tariff à 0,269 euros/kWh. A la fin du mois d'avril 2009, on pouvait dénombrer en Espagne 6 installations totalisant une puissance de 81 MW ainsi que 12 unités supplémentaires en construction pour un total de 839 MW.

    Les centrales installées en Espagne semblent même plus performantes que celles installées dans le désert car elles pâtissent moins de l'accumulation de sable sur les miroirs.

    Bien sûr, le climat d'Europe centrale ne se prête guère à la production d'électricité à partir de la chaleur solaire, les centrales doivent donc être implantées dans le sud de l'Europe ou au Maghreb,

    C'est pourquoi plusieurs organismes et projets Internationaux portent sur l'étude de CSP pour l'exportation.

    1. La Région wallonne a-t-elle été avisée de ce projet ? Est-il sérieux?

    A notre connaissance, la Région wallonne n'a pas été informée officiellement de cette Initiative qui semble sérieuse.

    A l'origine du projet Desertec on trouve la Trans-Mediterranean Renewable Energy cooperation (TREC) qui est une initiative du Club de Rome, de la Fondation Hambourgeoise de la Protection du Climat et du National Energy Research Center of Jordan (NERC). Depuis sa fondation, en septembre 2003, elle a travaillé sur le concept « Desertec » pour évaluer une sécurité de l'énergie, de l'eau et du climat en Europe, au Moyen-Orient (the Middle East), en Afrique du Nord (North Africa) (EU-MENA) en promouvant une coopération entre les pays de la « ceinture solaire» et de la « ceinture technologique ». Aujourd'hui la TREC est en train de réaliser ce concept en coopération avec des représentants du monde politique, industriel et financier.

    Le noyau dur de la TREC est un réseau international de scientifiques, de politiciens et d'autres experts dans le domaine des énergies renouvelables et de leurs développements. Les membres de la TREC (environ 50 y compris Son Altesse Royale la Prince Hassan bin Talai de Jordanie) sont en contact régulier avec des gouvernements et des investisseurs privés, cherchant à mettre en valeur les bénéfices qui pourront être tirés de cette coopération sur l'énergie solaire et éolienne, sur le développement des concepts et sur les projets.

    2. Quelle est l'approche de la Région par rapport à cet investissement? Est-il envisagé pour la Région wallonne et ses entreprises au travers de la SRIW ou d'autres structures de participer ou non à ce projet, guidé pour l'essentiel par l'Allemagne?

    La Région wallonne, n'a, à notre connaissance, pas encore analysé ce projet d'investissement.

    Ce type de projet pourrait être envisagé dans le cadre des « projets conjoints dans des pays tiers » prévus par la Directive 2009/281CE du 23 avril 2009 relative à la promotion de l'utilisation de l'énergie produite à partir de sources renouvelables (article 9). En effet, celle disposition prévoit qu'un État membre peut coopérer avec un pays tiers sur un projet commun concernant la production d'électricité à partir de sources d'énergie renouvelable. Cette électricité pourrait être prise en compte pour le calcul de l'objectif national, si l'électricité est consommée dans la Communauté(2).

    On peut encore noter que selon le même article de l'Echo, Siemens Belux possède des compétences pertinentes par rapport au projet de centrale solaire thermique et est déjà très présent en Afrique du Nord depuis une trentaine d'années. La filiale Belux de Siemens est active notamment en Algérie dans la transmission et la distribution d'énergie.

    3. Un consortium s'est réuni pour la première fois le 13 juillet 2009 à Munich à l'initiative d'un assureur bavarois regroupant pour l'essentiel des firmes allemandes. Monsieur le Ministre pense-t-il que l'Allemagne soit en train de prendre une avance que les autres pays européens et la Wallonie ne pourront jamais rattraper tant ils auront été les pionniers en matière de filière verte?

    Comme on peut le constater plus haut, la plupart des sociétés impliquées dans le projet à ce jour sont effectivement allemandes. Selon le communiqué de presse de Desertec, « le bureau d'études spécialisé DII sera fondé au plus tard le 31 octobre 2009 sous forme de GmbH (Serl) régie par le droit allemand. Une fois créé, il pourra être rejoint par d'autres entreprises. DII souhaite internationaliser le cercle de ses associés ».

    D'autre part, il est évident que l'Allemagne a déjà pris une avance considérable dans les filières industrielles liées aux énergies renouvelables et que dans certaines filières cette avance ne pourra sans plus être rattrapée.

    Rappelons toutefois que dans certaines filières comme l'éolien, plusieurs entreprises belges et/ou wallonnes sont spécialisées dans la fourniture de composants éoliens, certaines sont même leader du marché mondial dans leur niche.

    Mentionnons également l'existence d'un fabricant de solaire thermique en Région wallonne : il s'agit de la société ESE basée à Rochefort qui depuis sa création exporte des absorbeurs notamment vers l'Allemagne ainsi que le projet de tour à concentration de la société CEMI.

    4. Les opposants wallons aux éoliennes, « Vent de raison» notamment, pourront dire, dans le cadre de l'application du phénomène Nimby, qu'à tout prendre il vaut mieux des éoliennes off shore en Mer du Nord ou des panneaux solaires dans le Sahara que dans la Wallonie verte et rurale, si chère à ses habitants

    De la même manière que les investissements en éolien off-shore, un investissement dans une centrale CSP dans le Sahara (ou en Espagne) ne nous dispenserait pas de mettre en œuvre des unités de production d'électricité renouvelable locales.

    En effet, ce type de production nécessite des investissements considérables tant dans la construction des unités elle-même que dans l'adaptation ou la création d'un réseau de transport de courant continu à haute tension.

    De plus, l'utilisation de ressources locales est à privilégier tant du point de vue social car elle permet de créer des emplois que du point de vue énergétique car elle permet d'éviter les pertes en lignes.
    Par ailleurs, l'un des objectifs de la politique énergétique est l'augmentation de l'indépendance énergétique et cet objectif ne peut être rencontré par ce type de projets.

    Enfin, une information et une conscientisation accrues de la population devraient progressivement réduire le phénomène Nimby, non seulement sur l'éolien, mais aussi sur les SER en général, sur les objectifs qui nous sont attribués par la Commission européenne dans le cadre de la Directive 2009128/EC, sur la réalisation de ceux-ci et sur tous les impacts positifs notamment sociaux qui en résulteront.


    _______________________________
    (1) Les centrales thermiques solaires utilisent des miroirs qui emmagasinent la lumière du soleil et créent de la chaleur qui est ensuite utilisée pour produire des vapeurs afin de faire fonctionner les turbines â vapeur et les générateurs d'énergie électrique à plein régime, Le surplus de chaleur emmagasiné par les capteurs supplémentaires peut être stocké dans des réservoirs de sels fondus et utilisé pour alimenter les turbines à vapeur pendant la nuit ou lorsque la demande atteint son maximum.
    (2) « 2. L'électricité produite à partir de sources d'énergie renouvelables dans un pays tiers n'est prise en compte que pour évaluer la conformité aux exigences de la présente directive concernant les objectifs nationaux globaux, si les conditions suivantes sont remplies:
    a) L' électricité est consommée dans la Communauté, cette exigence étant supposée remplie dès lors que:
    - une quantité d'électricité équivalente à l'électricité considérée a été définitivement affectée à la capacité d’interconnexion allouée par tous les gestionnaires de réseau de transport responsables dans le pays d'origine, le pays de destination et, le cas échéant, chaque pays tiers de transit;
    - une quantité d'électricité équivalente à l’électricité considérée a été définitivement enregistrée dans le tableau d'équilibre par le gestionnaire de réseau de transport du côté communautaire d'une interconnexion; et la capacité affectée et la production d’électricité à partir de sources d'énergie renouvelables par l'installation visé au § 2, point b), se rapportent à la même période;
    b) l'électricité est produite par une installation récemment construite dont l'exploitation a débuté après le 25 juin 2009 ou par la capacité accrue d'une installation qui a été rénovée après cette date dans le cadre d'un projet commun visé au § 1;
    c) la quantité d'électricité produite et exportée n'a bénéficié d'aucun soutien au titre d'un régime d'aide d'un pays tiers autre que l’aide à l'investissement accordée à l'installation. ».