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Le placement et la généralisation des compteurs dits « intelligents »

  • Session : se2009
  • Année : 2009
  • N° : 23 (se2009) 1

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  • Question écrite du 31/08/2009
    • de BORSUS Willy
    • à NOLLET Jean-Marc, Ministre du Développement durable et de la Fonction publique

    La technologie des compteurs dits « intelligents » permettrait aux consommateurs de payer leur facture d’électricité mensuellement et ainsi de payer la quantité exacte d’énergie qu’ils ont consommée. Ce dispositif révolutionnerait le système de facturation et de relevé d’index dans ce domaine.

    La DPR de juillet 2009 nous précise en page 130 qu’il sera « étudié » la possibilité d’introduire ce mécanisme.

    Monsieur le Ministre peut-il nous préciser la portée de ce passage de la DPR ? En d’autres termes, à quelle échéance les consommateurs peuvent-ils s’attendre à être équipé de ce dispositif ? La presse parle de 2012, pas avant. Qu’en est-il ?

    Par ailleurs, il semblerait que cette technologie se heurte à deux points sensibles : d’une part, son coût, inévitablement répercuté sur les consommateurs et, d’autre part, sa durée de vie limitée à dix ans.
    Qu’en est-il réellement ? Quel est le point de vue de Monsieur le Ministre sur ces deux aspects ?

    Enfin, combien coûterait globalement la généralisation de cette technologie ?
  • Réponse du 23/09/2009
    • de NOLLET Jean-Marc

    Contexte

    Les objectifs énergétiques de la Déclaration de politique régionale sont triples :

    - consommer moins;
    - développer les énergies renouvelables;
    - rendre le marché transparent et accessible à tous.

    En ce qui concerne le point 3 du chapitre Energie, la Déclaration de politique régionale entend améliorer la transparence des prix par différentes mesures, dont notamment l'étude de « la possibilité d’introduire des dispositifs permettant aux consommateurs de disposer de leurs données de consommation de manière régulière et appropriée, tels les. compteurs «intelligents» tout en étant attentif à l’impact tarifaire, à la faisabilité technique et à la protection de la vie privée ».

    Technologie des compteurs intelligents

    Les compteurs « intelligents » sont·basés sur des systèmes Informatiques et électroniques permettant un échange d’informations, d’instructions et de gestion de données.

    Ce type de compteur permet:

    1° l'enregistrement de différentes données de comptage ainsi que la lecture à distance de celles-ci;
    2° la commande à distance de fonctions associées au compteur (ouverture, fermeture,
    limitation de puissance, prépaiement, ...).

    Le compteur "intelligent" dispose donc de technologies avancées, dites AMR (Automated Meter Reading) qui identifient de manière plus détaillée et précise, et éventuellement en temps réel la consommation énergétique d'un foyer, d'un bâtiment ou d'une entreprise, et la transmettent au gestionnaire de réseaux, par téléphone ou courant porteur en ligne (CPL) ou GPRS.

    Lorsque le compteur est en plus équipé de contacts permettant une gestion de la charge à distance, il est dit AMM (Advanced Meter Management). Cette deuxième qualité est capitale car elle va bien au-delà du simple relevé et ouvre l'ensemble du réseau de distribution d'électricité à des évolutions profondes en termes de gestion dynamique des réseaux, connues sous le nom de "réseau intelligent".

    Avantages attendus

    Les avantages attendus des compteurs intelligents sont principalement les suivants.

    1° Meilleure prise de conscience de sa consommation par le client : le compteur intelligent donne au client une information précise sur sa consommation globale et sa consommation "instantanée". Pour certains clients, une meilleure information permettrait une meilleure maîtrise des coûts et des économies de l'ordre de 10%.

    2° Incitation à la réduction de là consommation en heure de pointe : cette incitation est possible si le prix de l'électricité (comprenant à la fois le coût de l'énergie et le tarif d'utilisation du réseau) dissuade le consommateur de brancher des appareils énergivores en heure de pointe. Cependant, une gestion dynamique du réseau, pilotée par le GRD, améliorerait encore le lissage de la charge et éviterait un renforcement coûteux du réseau.

    3° Amélioration potentielle des conditions de fonctionnement du marché : le compteur «intelligent» permet une facturation correspondant mieux à la consommation réelle, réduisant ainsi les montants de régularisation. En outre, en cas de changement de fournisseur ou de déménagement, les données de consommation sont immédiatement disponibles. Enfin, les fournisseurs pourraient proposer des «tarifs à la carte» en fonction de la fluctuation du prix de l'électricité en cours de journée.

    Incertitudes et risques induis

    1° Relatifs à la possibilité pour les fournisseurs de diversifier les offres : une grande multiplicité de tarifs risque d'empêcher la comparaison des prix entre fournisseurs et de rendre les prix de l'électricité incompréhensibles pour les clients.

    2° Relatifs à l’impact budgétaire et à la qualité des services rendus : une réduction des coûts des GRD avec une augmentation de la qualité des services rendus peut être attendue du fait que les GRD ne devraient plus envoyer de personnel chez les clients pour les relevés d’index, la fermeture/ouverture des compteurs, le placement et activation/désactivation de la fonction de compteur à budget. Néanmoins, le risque existe d'être contraint de renforcer les équipes chargées de la réparation et de l'entretien des machines au sein du personnel des GRD. Relevant de technologies avancées, les compteurs intelligents augmentent en effet la part de risque technique liée aux défauts et pannes inévitables que connaissent tous (es systèmes matériels et logiciels. Le coût d'achat et de placement des compteurs «intelligents» en remplacement aux compteurs actuellement utilisé doit également être analysé avec circonspection. Selon une étude réalisée par Capgemini en 2007, les coûts sont variables en fonctions des pays :

    _________________________________________________________________________
    pays coût global du projet nombre de compteurs coût par compteur
    (euros) (euros) installé (euros)
    _________________________________________________________________________

    Italie (Enel) 2,1 milliards 30 millions 70
    Grande-Bretagne 5,2 milliards 27 millions 193
    (Ofgem)
    Californie (SCE) 1 milliard 4,7 millions 213
    Suède (E.ON) 0,2 milliard 1 million 220
    Californie (PG&E) 1,3 milliards 5,1 millions 262
    Californie (SDGE) 0,5 milliard 1,4 million 357 euros
    Canada/Ontario 2 milliards 4,3 millions 453 euros
    (opérateurs)
    _________________________________________________________________________

    En Belgique, le système de comptage est à charge des gestionnaires de réseau. Les coûts des compteurs «intelligents» seraient donc à charge des GRD et répercutés dans le tarif lié au réseau.

    Options technologiques

    En Italie, ENEL a été précurseur dans te placement des compteurs «intelligents» qu’il a démarré en 1999. Depuis, la technique a évolué et de nombreux constructeurs proposent ce type de compteur.

    Cependant, le réseau en Belgique est spécifique, il s'agit d'un réseau triphasé sans neutre. Cette configuration restreint fortement le choix des fournisseurs.

    En outre, il est nécessaire de se positionner sur différents points :

    1° les fonctions devant être assurées par le compteur «intelligent», notamment la fonction de compteur à budget, celle de relais pour le gaz et éventuellement d'autres vecteurs;
    2° les caractéristiques techniques (capacité de stockage local de l'information, périodicité des lectures, interchangeabilité du matériel);
    3° les modes de transmission au départ du compteur ou vers celui-ci : par ligne électrique ou par GSM/GPRS...

    Etat de la question en Région wallonne

    En Région wallonne, le marché compte 1,5 million de compteurs (5 millions en Belgique). La taille du marché, en tout cas au niveau belge, devrait permettre de demander aux fabricants des adaptations de modèles existants de compteurs intelligents, mais il est nécessaire de garantir l'interchangeabilité et la concurrence entre fournisseurs.

    Le coût du placement des compteurs «intelligents» en Région wallonne est estimé à environ 50 euros par ménage et par an pendant la durée de vie du compteur «intelligents». Celle-ci est estimée à 15 ans, mais la fiabilité des systèmes électroniques pose question. Pour information, la durée de vie d'un compteur électromécanique type «Ferraris» est de plus de 40 ans.

    La densité de l'habitat influence le coût du système de transmission des signaux, il faut donc également en tenir compte dans le cadre d'une mise en œuvre des compteurs «intelligents».
    Actuellement le relevé des compteurs gaz se fait en même temps que celui des compteurs électricité.

    Dans la mesure où le relevé des compteurs électriques serait supprimé par les compteurs "intelligents", il faudrait donc que les compteurs «intelligents» puissent relayer les signaux «gaz» sous peine d'augmenter le coût des relevés gaz.

    Dans son avis du 3 décembre 2008 relatif à l’introduction du comptage intelligent en Région wallonne, la CWaPE a proposé un plan d'action en plusieurs étapes afin de prendre position sur le placement des compteurs intelligents en Région wallonne :

    - définition des fonctionnalités du compteur "intelligent";
    - préparation et réalisation du projet pilote;
    - évaluation du projet pilote;
    - décision.

    Suite à cet avis, la CWaPE et les GRD ont évoqué les fonctions minimales à assurer et les caractéristiques techniques générales des compteurs «intelligents».

    Les GRD vont prochainement lancer une opération pilote portant sur 500 compteurs pour tester les fonctionnalités. Cette opération se réalisera en zone urbaine et en zone rurale.

    La position quant aux compteurs «intelligents» se prendra donc sur base des projets pilotes et de leur évaluation. Mais la problématique des compteurs «intelligents» ne doit pas occulter une autre question, celle de l'évolution des réseaux vers des réseaux intelligents.

    Réseaux intelligents

    La notion de «réseau intelligent» fait appel à une gestion dynamique des réseaux. Bien que certaines technologies soient estampillées "réseau intelligent", le terme se réfère plus à un ensemble de technologies qu'à un type de matériel précis.

    Dans te cadre du développement d'un réseau intelligent, le GRD élargit l'éventail de ses dispositifs de mesure et de contrôle pour son propre usage. Il dispose alors d'une quantité d’informations qui lui permettent d'effectuer une meilleure gestion de l'ensemble de son réseau. La gestion dynamique du réseau permet une réelle planification. Le GRD peut connaître à tout moment la charge réelle, le niveau de tension et l'équilibre entre phases dans une zone et prendre des actions d'optimisation. Si nécessaire, il peut effectuer à distance des diminutions de puissance, voire des délestages sélectifs.

    En cas de panne, il peut identifier avec précision les abonnés concernés par celle-ci et prendre les mesures adéquates. Particulièrement dans le contexte de la production décentralisée en plein développement, le système informe le GRD sur les niveaux de tension et les excursions éventuelles hors de la zone réglementaire. Il peut permettre égarement de détecter les fraudes.

    Une gestion intelligente du réseau électrique alimentée par les données de consommation et production en temps réel de tous les consommateurs et producteurs, ayant la capacité de gérer en partie les productions et consommations devrait permettre un meilleur ajustement de la production et de la consommation d'électricité et aurait les avantages suivants :

    - diminution des pics de tension aux points clefs du réseau;
    - diminution des pics de consommations;
    - évitement des pannes dues à une surcharge;
    - moindres pertes en ligne;
    - intégration au réseau facilitée pour un bouquet de sources d'énergie propre; sûres et complémentaires, mais souvent irrégulières et diffuses telles que les éoliennes domestiques, hydroliennes, fermes éoliennes, panneaux solaires domestiques, centrales solaires, petite hydraulique, les sources marémotrices, etc.

    La gestion dynamique des réseaux pourrait encourager les GRD à proposer un tarif différencié (en fonction de I’importance de l'offre et de la demande) pour réduire les coûts de développement des réseaux. la gestion dynamique des réseaux de distribution nécessite d'avoir des profils différenciés par type de comptage (et non plus un profil unique pour tous les clients résidentiels).

    Conclusion

    A ce stade, il est encore trop tôt pour prendre position sur la question du placement des compteurs intelligents, mais la réflexion se poursuit et des projets pilotes sont en cours.

    Par ailleurs, un colloque ayant pour sujet« Des réseaux d'électricité intelligents pour répondre aux défis actuels: enjeux et conséquences» se tiendra le 22 octobre au palais des Congrès de Namur. Ce colloque donnera l'occasion d'approfondir les problématiques susmentionnées.