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Les marchés publics "homogènes"

  • Session : 2009-2010
  • Année : 2009
  • N° : 6 (2009-2010) 1

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  • Question écrite du 01/10/2009
    • de de LAMOTTE Michel
    • à FURLAN Paul, Ministre des Pouvoirs locaux et de la Ville

    La tutelle sur les villes et communes le rappelle à bon escient : aucun marché public ne peut être scindé en vue d’éluder l’application de la réglementation en matière de marchés publics à savoir la loi du 24 décembre 1993.

    Il est recommandé de procéder à des marchés publics dits « à lots » pour l’acquisition de fournitures homogènes. Ainsi, les produits et le matériel d’entretien doivent logiquement faire l’objet d’un seul et même marché.

    Toutefois, en l’absence de définition légale de la notion de « lot », il conviendrait de considérer le concept de « fourniture homogène » dans un sens commun. Il pourrait donc s’agir de produits de structure uniforme et de même nature.

    Cependant cette définition est floue et incertaine. Que doit-on considérer comme étant de « structure uniforme et de même nature » ? Les viandes et les produits laitiers ont-ils une structure uniforme? Quelle interprétation faut-il donner au principe d’homogénéité ?

    Les crèches, par exemple, doivent-elles procéder à un marché public « à lots » pour l’acquisition de viandes, de produits laitiers, d’alimentation générale, de produits surgelés et de fruits et légumes ?

    Les fruits et légumes doivent-ils être considérés comme étant des fournitures de même structure et de même nature que les autres aliments précités ? La variabilité des prix des fruits et légumes entraîne des marchés d’une durée de trois mois environs alors que les quatre autres lots peuvent faire l’objet d’un marché public d’un an. Cela doit-il être pris en compte ?
  • Réponse du 30/10/2009
    • de FURLAN Paul

    La question de l'honorable Membre a retenu ma meilleure attention.

    1. L'article 1 de la loi du 24 décembre 1993 relative aux marchés publics et à certains marchés de travaux, de fournitures et de services prévoit notamment que les marchés des pouvoirs adjudicateurs doivent être passés avec concurrence et à forfait.

    Corollairement à ce principe, le législateur a imposé des règles de publicité plus ou moins contraignantes en fonction des montants des marchés à passer ce qui se traduit par l'imposition de seuils pour la mise en place d'une publicité européenne ou pour la justification du recours à la procédure négociée sans publicité qui doit rester exceptionnel puisque, par définition, ce mode de passation n'envisage aucune publicité et donc qu'une mise en concurrence réduite.

    Une des manières de ne pas atteindre les seuils imposés auxquels sont attachées des obligations en termes de publicité, serait de diviser artificiellement l'objet des marchés.

    A cet égard, puisque la question vise plus particulièrement les marchés de fournitures, tant l'article 28 que l'article 120 de l'arrêté royal du 8 janvier 1996 relatif aux marchés publics de travaux, de fournitures et de services et aux concessions de travaux publics précise qu'il est interdit de scinder les marchés si cette scission a pour conséquence d'éviter l'application de certaines règles contenues dans la réglementation sur les marchés publics.

    Il incombe donc au pouvoir adjudicateur d'estimer au mieux le montant de son marché sous peine de se voir reprocher que la procédure initiée est illégale.

    2. La question de la scission et de l'estimation se pose encore avec d'autant plus d'acuité que le marché comporte ou non des lots.

    La problématique des lots, dans le cadre des marchés de fournitures, est réglé par l'article 28, alinéa 3 de l'arrêté royal du 8 janvier 1996 qui précise que: « Lorsque des lots sont prévus pour l'acquisition de fournitures homogènes, le montant estimé total des lots doit être pris en compte. ».

    Comme l’honorable Membre l'a mentionné à juste titre dans sa question, la notion de fournitures homogènes n'est pas définie dans la réglementation ce qui peut donc susciter des divergences d'interprétation.

    Si l'absence de définition n'est pas rassurant en soi et peut être source d'insécurité juridique, elle permet, toutefois, aux pouvoirs adjudicateurs de déterminer raisonnablement l'objet de leur marché et de le moduler en fonction de la nature des fournitures à acquérir.

    A cet égard, la Commission fédérale a rendu, en date du 7 novembre 2008, un avis sur ce thème, dans lequel elle adopte la position suivante:

    « La Commission des marchés publics est d'avis qu'il y a lieu d'entendre par fournitures homogènes, des fournitures de même nature ayant une finalité identique ou similaire : par exemple du papier pour photocopieuse quel que soit le format requis, des meubles de bureau formant un ensemble harmonisé ou des denrées alimentaires d'un assortiment déterminé.

    Dans ces cas, les montants de tous les lots de fournitures homogènes doivent être pris en considération. Ne constitue donc pas une scission artificielle le fait de prévoir des commandes distinctes par groupes de produits alimentaires homogènes en fonction de ce que peut livrer le marché commercial : par exemple, d'une part, la fourniture de viande et de charcuterie et, d'autre part, de l'épicerie.

    En outre, l'article 28 apporte des précisions complémentaires en cas de marchés présentant un caractère de régularité ou destinés à être renouvelés au cours d'une période donnée. On vise par là des fournitures de même nature par le biais de marchés distincts passés dans une période de référence, normalement un exercice budgétaire.

    Ainsi, par exemple, la fourniture de viande et de charcuterie pourrait elle-même être répartie en marchés distincts mais, dans la mesure où les besoins annuels atteindraient, en dépense réelle, 67.000 euros HTVA, le recours à une procédure négociée sans publicité fondé sur base de l'article 17, § 2, 1°, a) de la loi du 24 décembre 1993 ne peut être justifié, et ce dès le premier marché passé. » .

    L'avis de la Commission porte donc sur deux aspects.

    Tout d'abord, elle envisage la notion de fournitures homogènes quant à leur nature et donne un critère permettant au pouvoir adjudicateur d'apprécier au mieux si l'objet du marché est ou non scindé artificiellement. Il importe, avant tout, dans son chef, de rester cohérent et raisonnable lorsqu'il fixe l'objet de son marché.

    Elle donne également quelques exemples à titre d'illustration. Toutefois, la multiplicité des cas d'espèce pouvant se présenter est telle qu'elle rend impossible l'établissement d'une liste exhaustive avec l'indication du régime juridique applicable (scission artificielle ou non) ; c'est avant tout une question de bon sens.

    Ensuite, elle envisage la notion de fournitures homogènes quant à leur régularité. En effet, une autre manière de scinder artificiellement le marché est de conclure par exemple sur une même année plusieurs marchés de montants plus ou moins importants portant sur les mêmes prestations.

    Dans cette hypothèse, la commission rappelle aux pouvoirs adjudicateurs l'obligation de gérer leur besoins en bon père de famille ce qui implique d'avoir une vue d'ensemble et une vue à moyenne voire plus longue échéance et non à court terme, de leur besoins.

    En conclusion, lorsque le pouvoir adjudicateur estime le montant de son marché, il doit, d'une part, apprécier si, raisonnablement, l'objet de son marché contient ou non des lots homogènes et, d'autre part, si la période couverte par le marché est également raisonnable.

    En effet, il n'est pas admissible qu'une commune, par exemple, conclue tous les trimestres un marché de fournitures de bureau afin de ne pas dépasser le seuil de 67.000 euros HTVA ou encore qu'elle passe des marchés de fournitures au gré des besoins de chacun de ses services en particulier sans avoir une vision globale de ses besoins.

    Il incombe donc au pouvoir adjudicateur, pour des marchés réguliers, de faire une analyse de ses besoins à plus long terme afin de regrouper des commandes de même nature.