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Projets d'installation de compteurs intelligents.

  • Session : 2009-2010
  • Année : 2009
  • N° : 8 (2009-2010) 1

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  • Question écrite du 09/10/2009
    • de DESGAIN Xavier
    • à NOLLET Jean-Marc, Ministre du Développement durable et de la Fonction publique

    Un article du Soir du 4 août dernier évoque le projet des intercommunales de distribution d'électricité et de gaz d'installer à partir de 2012 des compteurs dits intelligents chez tous leurs clients résidentiels de gaz et d'électricité. Le coût d'une telle opération est estimé entre 3 milliards, le tout à charge des consommateurs. Selon Sibelga, cela devrait représenter un coût annuel pour les ménages de 25 à 50 euros, ce qui est significatif.

    Cette annonce pose la question même de l'utilité réelle de ces compteurs à budget. Leur installation est-elle tellement indispensable, tant pour le distributeur que pour le consommateur ?

    Les investissements dans les réseaux intelligents ne sont-ils pas plus intéressants, notamment pour faciliter la gestion décentralisée de la production ? Quel est l'intérêt de ces compteurs intelligents dans le cadre du développement durable, vu tant sous ses aspects économiques, que sociaux et environnementaux ?

    Voyons d'abord ce qu'il en est pour les ménages. Les promoteurs affirment que les compteurs intelligents permettront aux consommateurs de mieux maîtriser leur consommation d'énergie. Or nous n'en avons aucune certitude. Celui qui ne regardera jamais son compteur ne pourra pas s'en apercevoir. Pour être très pragmatique, la meilleure façon aujourd'hui de suivre sa consommation est de faire soi-même un relevé mensuel de son compteur. Pas besoin d'investir des milliards pour cela. Un crayon, une feuille de papier fort et un peu d'attention et l'affaire est faite. Et c'est avant tout une question d'habitude, de conscientisation, pas une question de technologie ou de type de compteur.

    Sur le plan social, le compteur intelligent pourrait amener le payement mensuel de la consommation réelle, entraînant une hausse de facture en hiver et leur baisse en été. Ce n'est pas non plus socialement intéressant. Le lissage des payements que nous connaissons actuellement est socialement plus intéressant car il étale mieux l'effort financier des ménages tout au long de l'année, pour autant bien sûr que les provisions soient calculées correctement.

    Sur le plan environnemental, la facturation de la consommation réelle de chaque mois entraînera une perte financière pour les ménages disposant de panneaux photovoltaïques, car la compensation production-consommation, actuellement établie sur une année entière tient compte des différences de production entre l'été et l'hiver, alors que la facturation à la consommation mensuelle ne le permet plus. Nombre de ménages vont donc produire de l'électricité pour le réseau gratuitement en été et ne verront plus leur consommation d'hiver contrebalancée par la production excédentaire d'été. Il serait donc paradoxal de mettre en place, à charge du consommateur, des compteurs qui n'ont qu'un intérêt très relatif pour lui. Dans un tel contexte, et face à de tels coûts potentiels, ne serait-il pas intéressant de comparer l'intérêt des compteurs dit intelligents avec d'autres méthodes ou techniques plus légères permettant aux consommateurs de mieux maîtriser leur consommation, comme les actions de sensibilisation, la distribution de tableaux de relevés de consommation à compléter soi-même, etc.… ?

    Par ailleurs, nous savons que les réseaux de distribution d'électricité devront être adaptés pour gérer avec grande efficacité la production décentralisée d'électricité et assurer localement un meilleur équilibre entre production décentralisée et consommation locale. L'objectif étant que la production décentralisée soit consommée en temps réel, de préférence à proximité de chaque site de production. Ainsi, à titre d'exemple, la machine à laver pourrait se mettre en marche au moment où les panneaux photovoltaïques produisent au maximum. Le réseau intelligent permettra aussi de détecter les consommations anormales, ce qui sera intéressant pour le consommateur. Cela demandera aussi des investissements qui seront intégrés dans les charges d'exploitation, et donc aussi à charge des consommateurs. Le compteur intelligent ne permet pas d'assurer cette gestion intelligente du réseau, ce n'est pas sa fonction. Seuls les réseaux intelligents permettent cette gestion décentralisée des réseaux de distribution. J'aimerai donc savoir si la mise en place des réseaux intelligents est aussi étudiée par la région wallonne, la CWAPE ou les intercommunales de distribution.

    Je pense que les deux choix technique et technologique sont différents et que, quelque part, ils s'excluent l'un l'autre, soit pour des raisons techniques, soit parce que le financement simultané des deux ne sera pas possible. Dans tous les cas, il me paraît important que le choix de ces technologies soient précédés d'une large concertation et d'une étude comparative afin de faire les choix d'investissements les plus judicieux dans la perspective du développement durable et de la production décentralisée d'électricité.
  • Réponse du 03/11/2009
    • de NOLLET Jean-Marc

    La problématique des compteurs intelligents/réseaux intelligents fait partie des dossiers clés des prochains mois.

    Avant tout, je souhaite rappeler les principaux objectifs énergétiques de la Déclaration de politique régionale:

    - consommer moins;
    - développer les énergies renouvelables;
    - rendre le marché transparent et accessible à tous.

    Concernant les moyens pour atteindre ces objectifs :

    1° le point 3 du chapitre Energie de la DPR relatif au fonctionnement du marché et au droit à l'énergie pour tous prévoit d'étudier «la possibilité d'introduire des dispositifs permettant aux consommateurs de disposer de leurs données de consommation de manière régulière et appropriée, tels les compteurs «intelligents» tout en étant attentif à l'impact tarifaire, à la faisabilité technique et à la protection de la vie privée» ;

    2° par ailleurs, au point 4 relatif aux mesures de soutiens aux énergies renouvelables, i/ est notamment prévu de :

    - moderniser à meilleurs délais la gestion des réseaux électriques pour intégrer les nouvelles sources décentralisées d'électricité verte;
    - étudier l'opportunité et l'impact tarifaire d'un soutien à une gestion dynamique des réseaux via le développement des « smart grids » en concertation avec les opérateurs concernés et le régulateur.

    La DPR prévoit donc d'étudier les deux mécanismes et leur impact tarifaire respectif. Actuellement, il est encore trop tôt pour se positionner pour l'un ou l'autre système.

    Vu l'impact tarifaire des mécanismes, il est nécessaire de bien analyser les avantages et inconvénients des deux systèmes pour rencontrer le triple objectif de la politique énergétique wallonne.

    Concernant les compteurs intelligents, leur technologie permet une plus grande flexibilité et des échanges d'informations, d'instructions et de gestion de données.

    Ce type de compteur permet:

    - l'enregistrement de différentes données de comptage ainsi que la lecture à distance de celles-ci ;
    - la commande à distance de fonctions associées au compteur (ouverture, fermeture, limitation de puissance, prépaiement, ... ).

    Il est donc programmable, télé-relevable et télé-opérable.

    Divers avantages sont généralement mis en avant pour justifier l'installation de ces compteurs. II me semble toutefois nécessaire de nuancer ces avantages et de souligner les incertitudes et les risques induits par cette technologie.

    1. Meilleure prise de conscience de sa consommation par le client

    Le compteur intelligent donne au client une information précise sur sa consommation globale et sa consommation « instantanée ». Pour certains clients, sensibilisés par cette problématique, une meilleure information permettrait une meilleure maîtrise des coûts et des économies d'environ 10%.

    Toutefois, s’il est vrai que pour maîtriser sa consommation, il faut d'abord la connaître et la comprendre, le placement de compteur intelligent n'aura pas un effet automatique de diminution de la consommation de tous les ménages, mais seulement des ménages sensibilisés. Je me rallie d'ailleurs à la perception de l'honorable Membre : la maîtrise de la consommation est plus une question de conscientisation qu'une question technologique, même si la technologie peut parfois aider à se conscientiser.

    2. Incitation à la réduction de la consommation en heure de pointe

    Cette incitation est possible si le prix de l'électricité (comprenant à la fois le coût de l'énergie et le tarif d'utilisation du réseau) dissuade le consommateur de brancher des appareils énergivores en heure de pointe.

    Cependant, il semble qu'une gestion dynamique du réseau, pilotée par le GRD, améliorerait encore le lissage de la charge et éviterait un renforcement coûteux du réseau. En outre, la gestion dynamique des réseaux permet de répondre aux difficultés d'intégration des productions décentralisées.

    3. Amélioration potentielle des conditions de fonctionnement du marché

    Le compteur «intelligent» permet une facturation correspondant mieux à la consommation réelle, réduisant ainsi les montants de régularisation. En outre, en cas de changement de fournisseur ou de déménagement, les données de consommation sont immédiatement disponibles. Enfin, les fournisseurs pourraient proposer des « tarifs à la carte» en fonction de la fluctuation du prix de l'électricité en cours de journée. Cependant, une plus grande liaison entre facturation et consommation réelle entraînera une multiplicité des prix pratiqués par les fournisseurs. Cette situation risque de rendre les prix incompréhensibles et empêcher la comparaison des offres des fournisseurs.

    Concernant le problème de la période de facturation, tout comme l'honorable Membre, je souligne l’intérêt social d'un lissage des prix sur l'année, dans la mesure où le montant des provisions correspond à la consommation.

    4. Diminution des coûts et amélioration de la Qualité des services rendus

    Une réduction des coûts des GRD avec une augmentation de la qualité des services rendus pourrait être attendue du fait que les GRD ne devraient plus envoyer de personnel chez les clients pour les relevés d1ndex, la fermeture/ouverture des compteurs, le placement et activation/désactivation de la fonction de compteur à budget.

    Toutefois, il faudra probablement renforcer les équipes chargées de la réparation et de l'entretien des machines au sein du personnel des GRD. Les compteurs intelligents augmentent en effet la part de risque technique liée aux défauts et pannes inévitables que connaissent tous les systèmes électroniques.

    Le coût d'installation des compteurs intelligents doit également être souligné : environ 3 milliards d'euros en Belgique. Ces coûts seraient imputés aux GRD et répercutés dans le tarif « réseau » payés par les consommateurs, ce qui représente effectivement un coût annuel d'environ 50 euros par ménage pendant la durée de vie du compteur « intelligents ». Celle-ci est estimée à 15 ans, mais la fiabilité des systèmes électroniques pose question. Par comparaison, la durée de vie d'un compteur électromécanique type « Ferraris » est de plus de 40 ans.

    Afin de prendre position sur l’introduction des compteurs intelligents en Région wallonne, la CWaPE a proposé, fin 2008, un plan d'action en plusieurs étapes:

    - définition des fonctionnalités du compteur intelligent ;
    - préparation et réalisation du projet pilote;
    - évaluation du projet pilote;
    - décision.

    Suite à cet avis, la CWaPE et les GRD ont évoqué les fonctions minimales à assurer et les caractéristiques techniques générales des compteurs intelligents.

    Les gestionnaires de réseaux de distribution vont prochainement lancer une opération pilote portant sur 500 compteurs pour tester les fonctionnalités. Cette opération se réalisera en zone urbaine et en zone rurale.

    La position quant aux compteurs intelligents se prendra donc sur base des projets pilotes et de leur évaluation. Mais la problématique des compteurs intelligents ne doit pas occulter une autre question, celle de l'évolution des réseaux vers des réseaux intelligents.

    Concernant les «réseaux intelligents», il s'agit des réseaux qui intègrent intelligemment le comportement et les actions de ces utilisateurs (producteurs et consommateurs).

    L'objectif est donc d'assurer, au niveau de la distribution, un meilleur équilibre entre production décentralisée et consommation locale. Bien que certaines technologies soient estampillées «réseau intelligent », le terme se réfère plus à un ensemble de technologies qu'à un type de matériel précis, dès lors on parle également de « gestion dynamique des réseaux ».

    Le développement de la production d'électricité verte répond aux objectifs de Kyoto toutefois, les réseaux sont insuffisamment dimensionnés pour le raccordement intensif de la production décentralisée. En outre, celle-ci est, dans certains cas, intermittente, ce qui rend son intégration au réseau plus difficile. le réseau doit donc évoluer pour rencontrer les objectifs de productions d'énergie à partir de renouvelables. Cependant, le renforcement du réseau est une solution coûteuse pour le gestionnaire de réseau et ses clients.

    Dans le cadre du développement d'un réseau intelligent, le GRD élargit l'éventail de ses dispositifs de mesure et de contrôle pour son propre usage. Il dispose alors d'une quantité d’informations qui lui permettent d'effectuer une meilleure gestion de l'ensemble de son réseau et une réelle planification. Ces informations semblent indispensables dans le cadre du développement de la production décentralisée.

    Par le biais d'une gestion dynamique de son réseau, le GRD peut connaître à tout moment la charge réelle, le niveau de tension et l'équilibre entre phases dans une zone et prendre des actions d'optimisation. Si nécessaire, il peut effectuer à distance des diminutions de puissance, voire des délestages sélectifs. En cas de panne, il peut identifier avec précision les abonnés concernés par celle-ci et prendre les mesures adéquates.

    Une gestion intelligente du réseau électrique alimentée par les données de consommation et production en temps réel devrait permettre un meilleur ajustement de la production et de la consommation d'électricité et aurait les avantages suivants :

    - diminution des pics de tension aux points clefs du réseau ;
    - diminution des pics de consommations;
    - évitement des pannes dues à une surcharge ;
    - intégration des productions décentralisées intermittentes.

    Une étude relative à la gestion dynamique des réseaux sera prochainement lancée. Cette étude quantifiera les coûts d'adaptation du réseau de distribution pour rencontrer les objectifs de production décentralisée et comparera le cas du renforcement du réseau et le cas de la gestion dynamique des réseaux. l'étude portera également sur les expériences de gestion dynamique des réseaux dans d'autres pays européens.

    Conclusion

    A ce stade, il est encore trop tôt pour prendre position sur la question du placement des compteurs intelligents, mais la réflexion se poursuit et des projets pilotes sont en cours.