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Le miscanthus

  • Session : 2009-2010
  • Année : 2009
  • N° : 9 (2009-2010) 1

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  • Question écrite du 09/10/2009
    • de SENESAEL Daniel
    • à NOLLET Jean-Marc, Ministre du Développement durable et de la Fonction publique

    Tous ceux qui s'intéressent de près ou de loin aux énergies alternatives, connaissent le miscanthus.

    Au-delà des questions environnementales qu'elle sous-tend, la culture des biocarburants pose, à tout le moins, un problème éthique majeur : peut-on se permettre d'utiliser des denrées alimentaires à des fins énergétiques quand une partie de l'humanité n'a pas de quoi se nourrir ?

    Pourtant, le potentiel énergétique de la biomasse ne doit pas être sous-estimé. On peut même aller plus loin, l'utilisation de la biomasse doit nous permettre de réduire notre dépendance énergétique.

    Voici un moment que je suis sensibilisé à la problématique du miscanthus par un concitoyen. Selon lui, cette plante dispose d'un potentiel très intéressant tant pour l'agriculture que pour l'environnement.

    L'agriculture évolue et les missions des agriculteurs également. La production d'énergie, tant par la biométhanisation que par la production d'agrocarburant, à l'instar de la production de nourriture, deviendra, elle aussi, une mission de l'agriculteur.

    Comme je l'ai déjà souligné, l'utilisation d'une partie de la biomasse pose question. Néanmoins, outre la biomasse oléagineuse, il existe aussi la biomasse lignocellulosique comme le bois, la paille ou le fameux miscanthus.

    Cette plante asiatique, appelée aussi « l'herbe à éléphant », ressemble un peu au bambou. Peu connue chez nous, elle est, peut-être, une alternative qui ne demande guère de travail d'entretien ni d'investissement démesuré. Elle peut se cultiver facilement sous nos latitudes et dispose d'un haut potentiel énergétique à l'hectare.

    Ce végétal pourrait répondre aux nouveaux besoins de diversification de l'agriculture, aux préoccupations environnementales en matière d'énergie renouvelable et de rejet de CO2.

    Le miscanthus présente de nombreux avantages pour l'agriculture européenne : les conditions climatiques et l'environnement nécessaires à sa croissance sont similaires à ceux du maïs, donc facilement transposables chez nous. Par ailleurs, alors que le maïs demande un apport important d'azote, l'herbe à éléphant n'en a besoin qu'en quantité minime, de même, le désherbage est exclusivement effectué la première année d'installation.

    Un hectare de miscanthus équivaut à environ 7.000 à 10.000 litres de mazout soit l'équivalent de 20.000 à 28.600 kilogrammes de CO2 économisés.

    Une culture pérenne que l'on devrait pouvoir récolter dès la première année. Celle-ci est assez tolérante et s'adapte à différents types de sols.

    Mais, très clairement, le principal frein à la culture du miscanthus reste, pour le moment, le prix de l'implantation (4000 - 5000 euros/hectares dont plus de 80 % pour l'achat des rhizomes).

    Au-delà de ces qualités énergétiques évidentes, il semble que cette plante ait un effet positif sur les sols.

    N'est-il pas envisageable d'utiliser ces plantes pour « filtrer » les boues de dragage, par exemple ? On pourrait ainsi planter « l'herbe à éléphant » dans un champ de boues de dragage, ce qui aurait pour effet de dépolluer le site. Qu'en pense Monsieur le Ministre ?

    Y a-t-il une possibilité d'aides au travers du Plan Marshall 2.Vert sur les énergies vertes ?

    Les agrocarburants de deuxième génération vont également pouvoir développer un secteur trop méconnu. Ce secteur intégrera-t-il l'alliance emploi-environnement ?
  • Réponse du 04/11/2009
    • de NOLLET Jean-Marc

    Le miscanthus constitue en effet une plantation énergétique prometteuse pour nos contrées. Cette graminée pérenne originaire d'Afrique et d'Asie, appelée aussi « herbe à éléphant », comporte une variété hybride Miscanthus Giganteus spécifiquement dédiée à la production de biomasse ligno-cellulosique. Cette plante stérile se propage par division des rhizomes et n'exige que très peu d'intrants (principalement lors de la plantation initiale). Elle est adaptée à nos latitudes et tolère un grand nombre de types de sol. À maturité (après 4-5 ans), la récolte annuelle permet d'engranger 12 à 16 tonnes de matières sèches à l'hectare pendant environ 15 ans. Avec un pouvoir calorifique de 4,8 Mega Watt heure (MWh) par tonne de matière sèche (tMS), la production annuelle par hectare pourrait donc s'élever à l'équivalent de 5.000 à 7.500 litres de mazout, soit un peu moins que les chiffres que l’honorable Membre a cités.

    La faible teneur en eau des tiges lors de la récolte à la fin de l'hiver permet d'obtenir des ballots d'une densité de ISO kg/ml. Au niveau environnemental, et sous réserve de confirmations, le bilan semble intéressant: séquestration de carbone dans le rhizome et les racines, culture pérenne pouvant constituer un élément du maillage pour la biodiversité, risques érosifs des parcelles diminués et enfin bilan énergétique largement positif: 14 unités d'énergie produites pour une unité d'énergie nécessaire à la culture. Cette culture présente cependant quelques inconvénients: investissement initial élevé (plants et main d'œuvre), mécanisation spécialement adaptée et volumes importants à stocker et à transporter.

    Actuellement, les ASBL VaIBiom et CIPF (Centre indépendant de promotion fourragère) travaillent sur un projet qui a pour but de développer la culture du miscanthus et ses applications énergétiques. Des progrès importants ont été accomplis pour éliminer la concurrence des adventices, pour obtenir un stade de récolte optimum garantissant une parfaite conservation de la matière. Ces expérimentations devront toutefois être poursuivies pour optimaliser la reprise des rhizomes et la densité finale de la plantation. Les rendements des parcelles implantées ont été déterminés dans différentes régions de Wallonie et montrent qu'il est nécessaire d'attendre la deuxième année pour une récolte significative et rentable. Ces récoltes s'effectuent avec des ensileuses à maïs conventionnelles entre la mi-mars et la mi-avril.

    La question relative aux boues de dragage relève de la compétence de mon Collègue Philippe Henry, Ministre de l'Environnement. Il ressort néanmoins des informations en ma possession que d'autres essais menés conjointement par VaIBiom et le CIPF ont démarré cette année. Ils visent à tester la capacité du miscanthus à croître sur d'anciennes friches industrielles et à évaluer son comportement par rapport à divers polluants (fixation, stabilisation, ... ). Ces premiers essais, implantés au printemps de cette année devraient livrer leurs premières informations au cours des deux prochaines années.

    Le soutien aux énergies vertes fera partie intégrante du Plan Marshall 2.Vert. Nous sommes en train d'élaborer différentes pistes à ce sujet.

    En ce qui concerne le miscanthus, nous attendons les résultats des essais menés par Valbiom et le CIPF avant d'envisager un éventuel mécanisme de soutien à ce type de culture énergétique sur les sols pollués. Si les tests s'avèrent positifs, et en concertation avec mon collègue Philippe Henry, il serait envisageable de proposer d'intégrer la culture du miscanthus dans l'axe 3 du Plan Marshall 2.Vert.

    Enfin, et sous réserve de résultats positifs des tests de culture actuellement menés, la question d'un éventuel développement de cultures de miscanthus sur les sols agricoles en Wallonie pourrait être soumise à mon collègue Benoît Lutgen. Il s'agirait d'une mesure potentielle de soutien alternatif au secteur agricole wallon, tout en augmentant notre capacité de production endogène d'énergie. Le cas échéant, il faudrait toutefois veiller à ce que le bilan environnemental global de cet éventuel développement soit positif.

    Quant à la question sur l'intégration des agro-carburant de deuxième génération dans l'alliance emploi-environnement, je peux dire à l’honorable Membre que les biocarburants de deuxième génération tout comme la bio raffinerie végétale, sont toujours à l'état de recherche et développement. Il est donc préférable pour le moment de favoriser la production de chaleur et la cogénération (chaleur et électricité) à partir de la biomasse sèche. Les technologies actuelles permettent des rendements de conversion très élevés, ainsi qu'une diminution des émissions de C02 par rapport à la combustion de matières fossiles.

    Dans la DPR, le gouvernement prévoit la mise en œuvre éventuelle de plusieurs alliances emploi-environnement. Ces alliances auraient pour objectif de transformer la crise économique et environnementale en opportunité d'insuffler un nouveau modèle de développement économique notamment en matière d'emploi. La première alliance consistera en un Plan pluriannuel d'économies d'énergie et de construction durable. Ensuite, le cas échéant et selon les résultats de l'évaluation de cette première alliance, le Gouvernement pourra envisager de lancer d'autres alliances par exemple dans les secteurs des énergies renouvelables ou encore l'assainissement de friches et de sols pollués.