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Quels effets économiques de la régularisation des sans-papiers

  • Session : 2009-2010
  • Année : 2009
  • N° : 40 (2009-2010) 1

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  • Question écrite du 06/11/2009
    • de STOFFELS Edmund
    • à ANTOINE André, Ministre du Budget, des Finances, de l'Emploi, de la Formation et des Sports

    Je base ma question sur une étude publiée en septembre dernier par des économistes de l’UCL. Si les statistiques se confirment, on doit s’attendre à quelque 25.000 demandes de régularisations à introduire d’ici jusqu’au 15 décembre prochain. Suite à l’accord gouvernemental de juillet dernier et concernant la régularisation des sans-papiers, il faut non seulement se pencher sur les questions humanitaires les concernant mais aussi sur l’impact de cette mesure sur le marché de l’emploi en Région wallonne.

    En effet, le marché de l’emploi et le niveau tarifaire réagissent – comme d’autres marchés - à l’offre et à la demande. Se pose donc la question, en quoi et comment l’immigration va changer les paramètres du marché de travail et de quelle manière devons-nous nous préparer afin d’y réserver des réponses correctes. Selon les scientifiques, plusieurs scénarios doivent être évoqués – je résume : certains scientifiques s’accordent à pronostiquer une baisse ou une stagnation du salaire si jamais l’offre de travail croît de façon importante – créant, à court terme, un stock de « capital humain disponible ». Par contre, à long terme, la taille de la population en âge de travailler n’aurait pas d’impact sur le taux de chômage et le niveau des salaires. Les familles des travailleurs immigrés seront des consommateurs de biens et de services. Ils investissent et contribuent donc à maintenir voire augmenter par le biais d’une demande interne renforcée l’offre d’emplois en nombre au moins équivalent à ceux qu’ils occupent eux-mêmes. Certains créent même de l’activité économique (indépendants) et embaucheront du personnel.

    Le revers de la médaille consisterait à croire que les immigrés, en concurrence avec les natifs sur le marché du travail, occupent d’une part les emplois disponibles aux autochtones de façon à risquer d’augmenter le chômage ce ceux-ci. Et d’autre part, l’immigration entraînerait une pression tarifaire vers le bas augmentant les inégalités sociales. Thèse qui ne résiste pas aux études déjà existantes.

    Cependant, il s’agit ici d’un sentiment exprimé d’autant plus souvent et avec d’autant plus d'acuité que les personnes qui l’expriment – elles-mêmes plus vulnérables que d’autres - se sentent « menacées » par la crise actuelle.

    Encore doit-on faire la différence entre

    - emplois vacants depuis peu ou depuis une petite éternité. Si les personnes immigrées occupent les postes disponibles depuis longtemps, cela n’augmente pas le risque de chômage de qui que ce soit ;
    - migrants peu scolarisés et ceux qui disposent d’une formation académique voire d’une qualification professionnelle poussée – qui amènent donc un savoir-faire profitable au développement économique de nos pays (vidant leurs pays d’origine de potentiel de développement) ou qui seront les usagers de transferts sociaux ;
    - les activités créées par les personnes immigrées se substituant ou non à des activités préexistantes, créant ou non un surplus économique par rapport à l’existant et contribuant aux recettes fiscales et aux cotisations sociales.

    Le débat sur la régularisation des immigrés étant fort proche du débat sur l’immigration (ex. des familles via le regroupement familial) doit donc nous intéresser en tant que Région wallonne dans la mesure où nous devons préparer nos politiques d’emploi aux changements qu’ils entraîneront tant en ce qui concerne les différentes politiques d’emplois tels que le permis de travail, la formation professionnelle, la mise à l’emploi, les PRC etc. ou encore les différentes politiques sociales dont nous avons la charge avec une attention toute particulière envers les travailleurs les plus vulnérables parce que le moins qualifiés – qu’ils soient autochtones, immigrés de deuxième ou de troisième génération ou immigrés qui seront maintenant régularisés.

    Que Monsieur le Ministre me permette de citer une conclusion des scientifiques : « Le seul véritable groupe à risque est celui des natifs les moins qualifiés. Ce sont eux qui pourraient subir de conséquences négatives sur le marché de l’emploi, du moins dans un premier temps. Néanmoins, dans le cas où les sans-papiers ont un taux d’emploi illégal important, ces conséquences sont vraisemblablement minimes. En outre, les effets éventuellement négatifs doivent aller en s’amenuisant au fur et à mesure que le temps passe et que les nouveaux arrivés se lancent dans des activités productives. Une manière d’accélérer cette transition est de promouvoir à bon escient la flexibilité du marché du travail et la mobilité des travailleurs. ».

    Je souhaite donner à Monsieur le Ministre l’occasion de réagir par rapport aux constats et aux commentaires publiés par les scientifiques. De quelle manière le marché du travail va-t-il être concerné par la politique de régularisation ? Comment Monsieur le Ministre va-t-il intégrer dans ses différentes politiques d’emploi le fait que les sans-papiers vont maintenant être régularisés plus facilement ? Comment va-t-il rencontrer - à court terme - le groupe à risque qui est potentiellement plus concerné par cette décision que les autres catégories de travailleurs ? Comment éviter que les fausses thèses continuent à faire leur chemin ?
  • Réponse du 26/11/2009
    • de ANTOINE André

    L'étude à laquelle l’honorable Membre fait référence afin de tenter de déterminer l'impact de la campagne de régularisation des sans-papiers sur le marché de l'emploi en Région wallonne est extrêmement intéressante.

    Elle révèle cependant qu'il s'avère très hasardeux d'essayer d'évaluer le nombre de personnes qui se lanceront dans la procédure de régularisation lors de l'opération de régularisation mise en place entre le 15 septembre et le 15 décembre 2009.

    Cette étude se base d'ailleurs sur une prévision d'environ 25.000 demandes de régularisation au niveau fédéral. D'autres études avancent des chiffres fort différents.

    Ce qui est certain, c'est que, parmi toutes les personnes qui demanderont la régularisation, un certain nombre d'entre elles ne l'obtiendront pas car elles ne rencontreront pas les critères nécessaires.

    Les personnes qui rempliront ces conditions auront davantage la possibilité d'être régularisées par la voie du séjour plutôt que par le biais du permis de travail délivré par la Région compétente.

    Ceux qui n'auront pas d'autre choix que de tenter la régularisation par le travail ne constitueront finalement qu'une petite partie de ces 25.000 personnes.

    De plus, chacun sait que les ressortissants étrangers sans papiers ont un taux d'emploi réel mais qu'il est impossible d'évaluer l'importance de ce travail au noir de façon stricte.

    Parmi ces 25.000 personnes, combien vont intégrer le marché de l'emploi wallon? En d'autres termes, quel sera l'impact sur le marché de l'emploi wallon de cette campagne de régularisation fédérale limitée dans le temps? Personne à ce jour n'est capable de le préciser.

    Je me permets enfin de rappeler que cette opération de régularisation est strictement limitée dans le temps. Il n'est donc pas correct de dire que les sans-papiers seront régularisés plus facilement à l'avenir.