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Promouvoir un développement territorial durable et concerté

  • Session : 2009-2010
  • Année : 2009
  • N° : 120 (2009-2010) 1

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  • Question écrite du 20/11/2009
    • de EERDEKENS Claude
    • à HENRY Philippe, Ministre de l'Environnement, de l'Aménagement du Territoire et de la Mobilité

    La Déclaration de politique régionale 2009-2014 prévoit que « les procédures doivent également être simplifiées et rendues plus lisibles et praticables, notamment à l'occasion de l'évaluation du Code wallon de l'Aménagement du Territoire, de l'Urbanisme et du Patrimoine (CWATUPE) ».

    Cette intention figurant dans la déclaration de politique régionale est tout à fait justifiée.

    Au travers de ses modifications successives, le CWATUPE constitue une addition de textes adoptés au fil du temps et s'il se trouve en région wallonne, y compris dans le monde universitaire et au Barreau, dans l'administration ou dans le secteur privé plus de cinquante personnes qui le comprennent à raison de 25 % de son ensemble, il est permis de considérer que ce chiffre est réellement remarquable. En réalité, il se trouve peut-être cinq personnes en Belgique pour avoir une maîtrise relative en cette matière dont l'un ou l'autre Conseiller d'Etat.

    Quand un texte de droit au fil du temps devient soit illisible, soit susceptible d'interprétations variées survient en vertu du principe de précaution, le prétexte de reporter tout à plus tard. Il est permis d'être particulièrement inquiet dans cette hypothèse pour le développement territorial harmonieux de notre Wallonie.

    En vérité, il n'est de bons textes de droit que s'ils sont concis sans avoir le défaut du législateur belge de vouloir viser toutes les hypothèses, pour n'en oublier aucune... comme si le monde wallon n'évoluait pas.

    La Belgique et la Wallonie en particulier sont frappées par ce que d'aucuns qualifient à juste titre d'inflation législative.

    II suffit de comparer le nombre de textes publiés par le Moniteur belge par rapport à ce qui se fait par exemple en Allemagne qui compte 80 millions d'habitants.

    Nous devrions donc prendre des leçons de concision dans les pays voisins. Trop de Droit ... tue le Droit, dit-on .... à juste titre!

    Dans «Les Mémoires d'Adrien», Marguerite Yourcenar prête à Adrien des propos admirables sur la complexité des lois. Il est dès lors très louable que les procédures, comme le prévoit la déclaration de politique régionale puissent être simplifiées et rendues plus lisibles et praticables, Cependant la simplification envisagée visera-t-elle à dire non à tout car la plus grande hérésie sur le plan juridique, sur le plan économique, sur le plan du développement territorial et du développement durable serait fait de dire non à tout.

    Autrement dit, le CWATUPE va-t-il évoluer vers plus de souplesse, de compréhension ou sera-t-il organisé en Wallonie pour tendre vers « une société de l'interdit » ?
  • Réponse du 13/01/2010
    • de HENRY Philippe

    Depuis l'arrêté de l'Exécutif régional wallon du 14 mai 1984 portant codification des dispositions législatives et réglementaires relatives à l'urbanisme et à l'aménagement du territoire applicables à la Région wallonne, le Code wallon de l'aménagement du territoire, de l'urbanisme et du patrimoine a subi bien plus d'une centaine de modifications. Sur une période de 25 ans, la cadence des modifications subies par le Code ou de l'adoption de normes ayant un impact direct sur la police administrative régie par ce Code équivaut approximativement à un changement sensu lato tous les 2 mois...

    La doctrine juridique a fait la même observation. Ainsi, a-t-on pu écrire, que « l'urbanisme wallon a certes besoin d'une législation de qualité. Mais il semble qu'aujourd'hui, il a surtout besoin de calme législatif. Les modifications du CWaTUP se succèdent à un rythme de plus en plus élevé et le praticien ne suit plus. Pour favoriser les investissements et relancer l'économie, il est également important de garantir une certaine stabilité du contexte juridique et économique (4) ».

    Les origines de cette opulence décrétale et réglementaire sont multiples. Citons, pour nous limiter aux plus évidentes :
    - la multiplication des sources normatives externes qu'elles soient d'origine communautaire (telles les directives européennes relatives à l'évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l'environnement (5) ou relatives à la maîtrise des dangers liés aux accidents majeurs impliquant des substances dangereuses (6)) ou conventionnelle (telles la Convention d'Aarhus (7) ou la Convention d'Espoo (8)) ;
    - la prééminence de l'urgence dans les modes d'action des pouvoirs publics;
    - la pression liée aux revendications des groupes d'intérêts et de l'opinion publique;
    - mais aussi la mobilisation de la force symbolique de la loi tant il est vrai que notre société a tendance à vouloir voir se réitérer les manifestations du contrat social qui lie gouvernants et gouvernés.

    Le constat n'est cependant ni neuf ni propre à la matière de l'aménagement du territoire. L'honorable Membre cite Marguerite Yourcenar. Qu'il me permette de m'en référer à ces lignes de Montaigne qui, dans ses Essais, affirmait « Nous avons en France plus de lois que le reste du monde ensemble, et plus qu'il n'en faudrait à régler tous les mondes d'Épicure... Qu'ont gagné nos législateurs à choisir cent mille espèces et faits particuliers et à y attacher cent mille lois? Ce nombre n'a aucune proportion avec l'infinie diversité des actions humaines. La multiplication de nos inventions n'arrivera pas à la variation des exemples. Il y a peu de relations de nos actions, qui sont en perpétuelle mutation, avec les lois fixes et immobiles. Les plus désirables, ce sont les plus rares, simples et générales (10). ».

    L'enjeu en la matière, tient dans la sécurité juridique, érigée en principe fondamental à valeur constitutionnelle par la Cour constitutionnelle en tant qu'elle « exige que le contenu du droit soit prévisible et accessible, de sorte que chacun puisse prévoir, à un degré raisonnable, les conséquences d'un acte déterminé au moment où cet acte se réalise (12) ».

    C'est pénétré de cette préoccupation inhérente au concept d'État de droit que les rédacteurs de la déclaration de politique régionale ont estimé devoir simplifier les procédures tout en les rendant plus lisibles et praticables.

    Que l'on ne s'y trompe pas: un haut degré de complexité caractérisera toujours le droit de l'aménagement du territoire et de l'urbanisme. Le pari pris par la déclaration de politique régionale est donc de rendre cette complexité accessible aux destinataires et usagers de la norme.

    Le pari évoqué ne peut se concrétiser que si l'on procède, au préalable, à une évaluation rétrospective (13) des effets des lois de l'aménagement du territoire et des politiques qu'elles induisent. C'est pourquoi, la déclaration de politique régionale établit un lien consubstantiel entre d'éventuelles réformes du CWaTUP et l'aboutissement d'un processus d'évaluation. La pierre d'angle de ce processus itératif (14) est évidemment la légistique matérielle - dont mon administration est la garante. Mais mon ambition est aussi d'associer à la démarche l'ensemble des acteurs concernés : citoyens, partenaires sociaux, pouvoirs locaux, administrations, organes consultatifs régionaux, professionnels de l'immobilier, de l'urbanisme et de l'architecture pour accéder, selon les termes de la déclaration de politique régionale, au développement d'une culture de l'urbanisme qui intègre tout à la fois les préoccupations de qualité environnementale et architecturale mais aussi l'intérêt général quelle que soit la forme qu'il revête.

    À la crainte formulée par l'honorable Membre de voir la Wallonie s'abîmer dans une « société de l'interdit », je réponds que l'aménagement du territoire dont l'article 1er du Code wallon de l'aménagement du territoire, de l'urbanisme et du patrimoine nous rend gestionnaire et garant est par définition le lieu des arbitrages. Aux termes de cet article, il appartient en effet à la Région et aux autres autorités publiques, chacune dans sa sphère de compétence et en coordination avec la Région, de rencontrer de manière durable les besoins sociaux, économiques, de mobilité, patrimoniaux et environnementaux de la collectivité par la gestion qualitative du cadre de vie, par l'utilisation parcimonieuse du sol et de ses ressources, par la performance énergétique de l'urbanisation et des bâtiments et par la conservation et le développement du patrimoine culturel,naturel et paysager. Assumer ses responsabilités, en la matière, ne peut donc se concevoir en sacrifiant tout ou partie de ces valeurs au bénéfice exclusif de l'une ou l'autre d'entre elles.

    Sur le point précis de la sécurité juridique et du renforcement de l'efficacité des lois, j'ose même établir une filiation de la déclaration de politique régionale wallonne avec la recommandation qu'a émise l'O.C.D.E., le 9 mars 1995. Cet organisme, peu suspect de promouvoir l'immobilisme dans le domaine économique, recommande en effet aux Etats « d'améliorer l'efficacité et l'efficience de la réglementation officielle en basant celle-ci sur de meilleurs fondements juridiques et factuels, en précisant les options envisageables, en aidant les responsables à prendre de meilleures décisions, en mettant en place des processus de décision clairs et prévisibles en précisant les réglementations existantes qui sont périmées ou superflues, et en rendant les interventions gouvernementales plus transparentes (15).

    L'empereur Hadrien dépeint par Marguerite Yourcenar concède le peu de foi qu'il voue aux lois. Ce sur quoi la déclaration de politique régionale mise, c'est au contraire l'intensification des efforts visant à réconcilier le citoyen avec la règle en matière d'urbanisme. Car, j'en suis intimement convaincu, ce n'est qu'au départ d'une pensée normative judicieusement traduite en texte légal que l'on pourra véritablement passer d'un urbanisme de règles à un urbanisme de projets.




    (4) B. PAQUES, « La zone d'aménagement communal concerté », Cahiers de l'Urbanisme, mars 2007, n°63, p. 48.
    (5) Directive 2001/42/C.E. du Parlement européen et du Conseil, du 27 juin 2001.
    (6) Directive 96/82/C.E. du Conseil, du 9 décembre 1996.
    (7) Convention sur l'accès à l'information, la participation, du public au processus décisionnel et l'accès à Ia justice en matière d'environnement, faite à Aarhus le 25 juin 1998.
    (8) Convention sur l'évaluation d'impact sur l'environnement dans un contexte transfrontière, faite à·Espoo, le 25 février 1991.
    (10) Montalgne, Essais, Livre lI, chapitre 13.
    (12) M. DELNOY, « Les obligations juridiques de cohérence du droit ou comment le droit se protège contre lui-même », Liber Amicorum Paul Delnoy, Bruxelles, Larcier, 2005, pp. 928 et 929 et les références citées en notes 37, 38 et 39.
    (13) Ch.-A. MORAND, « Formes et fonctions de l'évaluation législative », Élaborer la loi aujourd'hui, mission impossible ? - Actes du colloque organisé par le CEDRE à la maison des parlementaires, le 22 octobre 1998, Bruxelles, Publication des Facultés universitaires Saint-Louis, 1999, pp. 207 et suiv.
    (14) ibid., p. 208.
    (15) Appendice à la recommandation C(95)21/Final du Conseil de l'O.C.D.E. Du 9 mars 1995 concernant l'amélioration de la qualité de la réglementation officielle.