/

Position du Gouvernement wallon relative à la réception tenue par l'Office du tourisme Flanders Belgium à New York

  • Session : 2009-2010
  • Année : 2010
  • N° : 21 (2009-2010) 1

2 élément(s) trouvé(s).

  • Question écrite du 06/01/2010
    • de JEHOLET Pierre-Yves
    • à DEMOTTE Rudy, Ministre-Président du Gouvernement wallon

    Le 7 décembre dernier, la Flanders House de New York, onéreuse représentation de la Région flamande aux Etats-Unis, organisait une réception « flamando-batave » dont le thème était « Holland and Flanders, so close, so different », dans un grand restaurant de Long Island City.

    Le carnet d’invitation représentait une carte de la partie Nord de l’Europe dont la Belgique avait disparu. On y retrouvait les Pays-Bas, l’Allemagne, la France (en ce compris la Wallonie) et, bien sûr, la Flandre. La ville de Bruxelles figurait aussi sur cette carte et était renseignée bien plus au Nord, quasiment à la hauteur d’Anvers.

    Je pense, même si la compétence du tourisme a été régionalisée, qu’un tel message véhiculé à l’étranger par une entité fédérée constitutive de la Belgique est néfaste et non désirable. A l’aube d’une réforme de l’Etat qui s’annonce difficile, ce genre de document officiel est du plus mauvais effet tandis que l’image de la Belgique à l’étranger s’en trouve altérée.

    A la lumière de l’article 31 bis de la loi de réformes institutionnelles du 9 août 1980 qui stipule, dans son second paragraphe, que Le Comité de concertation constitue une Conférence interministérielle de la politique étrangère. Au sein de cette Conférence interministérielle, le Gouvernement informe régulièrement les Exécutifs de la politique étrangère, soit de sa propre initiative, soit à la demande d’un Exécutif.

    Je souhaiterais poser les questions suivantes à Monsieur le Ministre.

    Le Gouvernement wallon a-t-il eu vent de cette réception et surtout de la teneur de l’invitation à cet événement au cours d’une Conférence interministérielle de la politique étrangère ? Si oui, quelle a été sa réaction ?

    Sinon, Monsieur le Ministre compte-t-il mettre ce sujet à l’ordre du jour d’une prochaine Conférence interministérielle ? Quels arguments souhaiterait-il y invoquer ?



  • Réponse du 26/01/2010
    • de DEMOTTE Rudy

    En réponse à la question écrite de l'honorable Membre, il est porté à sa connaissance les éléments suivants développés dans le cadre de la réponse aux questions orales de Messieurs les députés Jean-Claude Maene et Jean-Luc Crucke à laquelle sa question était initialement associée.

    II est très emblématique de notre pays que d'ouvrir cette année parlementaire sur l'évocation d'une quasi-polémique communautaire qui a conclu l'année précédente. Comme chacun, le Gouvernement a été interpellé par cette représentation géographique imaginative - et même imaginaire - inscrivant un ensemble néerlando-flamand à l'articulation immédiate de l'Allemagne et de la France; une France qui aurait, au passage, intégré la Wallonie tandis que Bruxelles s'enfonçait profondément en terre flamande.

    II importe avant tout de lever toute ambiguïté. Nous ne devons pas être heurtés par le fait que la Flandre choisisse de représenter son territoire - et son seul territoire - sur la carte d'Europe. Nous vivons dans un Etat fédéral au sein duquel les Régions disposent de larges compétences, notamment en matière de tourisme, de relations internationales ou de commerce extérieur. Qu'une Région choisisse de se donner à voir en tant que telle, sans recourir au cadre belge, relève de son appréciation. On peut juger plus ou moins judicieux de ne pas exploiter le label que représente encore la Belgique, mais c'est une faculté qu'il faut reconnaître à chaque Région.

    Le problème survient au moment où l'on s'arroge le droit de disposer d'autres entités. Lorsqu'on s'arroge le droit de décréter le rattachement de la Wallonie à la France ou lorsqu'on s'arroge le droit d'instrumentaliser Bruxelles.

    Là aussi, il convient d'être plus nuancé. II n'est pas scandaleux que la Flandre fasse allusion à Bruxelles dans ses images promotionnelles. Bruxelles est un trait d'union et un label exceptionnel qui fait naturellement partie des atouts tant de la Belgique que de la Wallonie ou de la Flandre. Nous utilisons un label Wallonie/Bruxelles, rien ne pourrait justifier que la Flandre ne puisse faire de même.

    La différence fondamentale - et le problème de cette carte - tient au fait que, si la Wallonie s'associe visuellement à Bruxelles sur base d'un partenariat clairement bi-régional reconnaissant, avant tout, l'existence d'une Région centrale à part entière, ce n'est pas toujours le cas de la Flandre qui veut encore souvent raisonner en termes de deux Communautés, choisissant d'ignorer l'affirmation de trois Régions sur pied d'égalité. Voilà pourquoi cette représentation pose question.

    Si nous avons pris cette représentation approximative « au sérieux », c'est parce qu'elle arrive après des années, des décennies de déclarations flamandes convergentes: sur la possible indépendance de la Flandre, sur la volonté flamande de phagocyter Bruxelles et sur la prétendue incapacité de la Wallonie à prendre son destin en main, donc, forcément, à assumer un statut d'Etat indépendant si la Belgique disparaissait. C'est cela qui, dans l'imaginaire collectif, se trouve derrière cette carte : la possibilité d'une indépendance flamande mais, surtout, une volonté impérialiste face à Bruxelles et un profond mépris pour la Wallonie.

    Le Gouvernement a entendu les déclarations flamandes, apaisantes, même dans le chef du Ministre Geert Bourgeois dont on connaît les positions souvent tranchées. Il s'agit, selon lui, d'une « erreur matérielle ».

    C'est parfaitement possible et personne ne pourra d'ailleurs jamais démontrer l'inverse ou extraire les mobiles profonds de l'esprit du concepteur. C'est cela qui est, peut-être, très révélateur puisque cela montre qu'aujourd'hui, dans ce pays, devant une telle situation, une communauté ne peut plus croire dans la sincérité possible de l'autre communauté. Dire cela n'est pas être cynique ni même simplement désillusionné, c'est faire preuve de pragmatisme et tirer un constat.

    Voilà pourquoi, j'ai écrit en ces termes au Ministre-Président flamand Kris Peeters. Sans polémique, sans chercher l'incident diplomatique pour le principe, en accueillant les explications données mais en soulignant le scepticisme régnant en Wallonie et à Bruxelles, afin, justement, de mettre en exergue ce climat de défiance réciproque qui pollue les relations entre Flamands, Wallons et Bruxellois et pour insister sur le fait que, dès lors, les responsables politiques ont le devoir de veiller à prévenir au maximum les attitudes qui ne peuvent qu'attiser 'les tensions et les crispations.

    Devant les défis qui nous font face, c'est un luxe qu'aucune de nos Régions ne peut vraiment se permettre. De même, particulièrement pour la Flandre qui est demanderesse à cet égard, ce ne sont pas de telles attitudes qui favoriseront un accord sur une nouvelle étape de la réforme de l'Etat.

    Au-delà, il existe, certes, une conférence interministérielle de politique étrangère - la CIPE -, présidée par le Ministre fédéral responsable de cette matière, dont le rôle est surtout d'informer les entités fédérées de la politique étrangère du Gouvernement fédéral.

    On peut regretter la relative rareté de ses réunions dont l'initiative revient au fédéral. II est certes possible de susciter une réunion extraordinaire mais il faut rester réaliste. Jamais des actes de gestion quotidienne comme l'organisation d'une soirée promotionnelle ou la réalisation d'un carton d'invitation ne figureront à l'ordre du jour d'une instance de coopération pour obtenir le visa de toutes les entités.

    C'est justement pour cela, parce que tout ne peut être concerté, qu'une fédération doit fonctionner en référence à un principe de base: la loyauté fédérale. Ce principe est soutenu par des voies formelles de recours dans certains cas. Le Gouvernement wallon n'hésite pas à lever ainsi des conflits de compétences ou d'intérêts. Mais, plus largement, ce principe doit soutenir une pratique basée sur le respect, la correction et la collaboration.

    Cette collaboration fonctionne dans le domaine des relations internationales,avec la collaboration existant entre nos représentants officiels en France, en Allemagne, en Pologne ou auprès de l'Union européenne, avec celle instituée au niveau du commerce extérieur entre les réseaux d'attachés économiques de l'AWEX, de Flanders Investment and Trade et de Bruxelles Exports qui mettent ensemble 100 agents économiques à la disposition des entreprises des trois Régions.

    C'est cet esprit que le Gouvernement entend continuer à promouvoir car c'est le seul qui puisse apporter une réponse durable et globale à ce type de problème.