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Avenir du nucléaire en Wallonie

  • Session : 2009-2010
  • Année : 2010
  • N° : 166 (2009-2010) 1

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  • Question écrite du 25/01/2010
    • de EERDEKENS Claude
    • à NOLLET Jean-Marc, Ministre du Développement durable et de la Fonction publique

    Les trois réacteurs de Tihange et le quatre de Doel en Flandre, sont inéluctablement condamnés à la fermeture.

    Le seul point d'interrogation concerne la date de la fin des activités de ces trois réacteurs.

    L'actuel Gouvernement fédéral a, à mon point de vue, opportunément décidé de reporter la fermeture de certains réacteurs belges qui avait été programmée dans un horizon assez proche lors de la législature fédérale 1999-2003.

    Il faut dire qu'après Tchernobyl, mais aussi en fonction de la pression des lobbies écologistes, le nucléaire avait mauvaise presse.

    S'il est certes opportun de multiplier les productions alternatives d'énergie électrique, il est constaté que contrairement à la Belgique et à la Wallonie, en raison des prix élevés du pétrole, d'une part, et, d'autre part, en fonction de l'imputation du réchauffement climatique au CO2 et aux gaz à effet de serre, il est constaté une relance incontestable du nucléaire sur le plan mondial contrairement à la Belgique.

    D'autre part, les réacteurs nucléaires de la nouvelle génération n'ont aucun rapport avec la technologie complètement dépassée de la filière graphite-charbon comme celle du réacteur de Tchernobyl qui a été à la base de la catastrophe environnementale que l'on sait ...

    D'autre part, l'EPR français étant le nucléaire de la troisième génération assure une protection nouvelle incomparablement supérieure à celle des réacteurs installés en Belgique, qui n'ont aucun rapport avec celui de Tchernobyl.

    A l'heure de la présente question écrite, il y a dans le monde 437 réacteurs en activité et 56 sont en construction dont 20 en Chine, 6 en Corée du Sud, 2 à Taïwan, et 5 en Inde. L'Inde, où les besoins énergétiques ne vont faire que croître avec une population supérieure à un milliard d'habitants, veut porter à 25 % la part de l'atome dans sa production électrique en 2050. La semaine dernière, la Maison Blanche et le Président Obama ont accepté la relance du nucléaire aux USA.

    La santé retrouvée du nucléaire semble être pour beaucoup de grandes puissances un moyen adéquat de lutter contre le réchauffement climatique … tout en assurant une énergie en quantité suffisante à un prix raisonnablement modéré.

    En clair, cela signifie que la Wallonie pourrait à l'horizon 2050 se trouver dans une situation extrêmement difficile.

    A ce moment, les trois réacteurs de Tihange seront bien entendu définitivement fermés.

    Alors que la Belgique dépend du nucléaire pour plus de 50 % de sa production électrique, elle devra pour compenser ses besoins énergétiques soit importer, probablement fort cher de l'énergie produite ailleurs, soit multiplier les énergies alternatives, mais en sachant que le prix du kilowatt éolien est en moyenne trois fois plus cher en prix de revient que le kilowatt nucléaire.

    La frilosité actuelle affichée par la Wallonie à l'égard du nucléaire ne risque-t-elle pas à l'horizon 2040 à 2050 de placer la Wallonie dans une situation inextricable tant sur le plan de son approvisionnement et du coût pour les entreprises et les ménages par rapport aux pays voisins et d'ailleurs?

    D'autre part et si les entreprises n'ont pas en Wallonie de l'énergie à un prix compétitif, les risques de délocalisation compétitive s'en trouveront multipliés.

    A-t-on mené des études pour savoir quel sera approximativement le prix de l'énergie en Wallonie par décade jusqu'en 2050, et ce, par comparaison aux pays voisins, amis et concurrents, européens ou non?
  • Réponse du 16/02/2010
    • de NOLLET Jean-Marc

    Il est utile de préalablement rappeler qu'en vertu de la loi spéciale de réformes institutionnelles du 8 août 1980, l'Etat fédéral est compétent pour les matières dont l'indivisibilité technique et économique requiert une mise en œuvre homogène sur le plan national, dont le plan national d'équipement du secteur de l'électricité et le cycle du combustible nucléaire.

    Il faut également souligner qu'en matière d'électricité, la notion d'équilibre entre la demande (de base et de pointe) et les moyens de production doit être envisagée à l'échelle nationale, en s'intégrant dans le réseau électrique européen. La question de l'avenir du nucléaire en Wallonie a peu de sens dans une analyse strictement régionale, toutefois les politiques régionales peuvent concourir à sortir de la dépendance actuelle de la Belgique au combustible nucléaire. Inversement, toute décision politique concernant la durée de vie des centrales nucléaires a également un impact sur les politiques régionales.

    Actuellement, la production électrique belge dépend principalement du nucléaire. Il importe cependant de s'orienter vers un meilleur équilibre du mix énergétique afin d'assurer la sécurité d'approvisionnement.

    Au niveau européen, en comptant les pays du dernier élargissement en date de l'Union, 15 pays sur 27 possèdent des réacteurs nucléaires en activité. L'expérience EPR français n'est, à ce stade, pas probante. Le planning n'est pas respecté et les coûts sont plus importants que prévus. Par ailleurs, les centrales nucléaires nécessitent d'importants investissements qui renforcent les oligopoles et réduisent la concurrence entre producteurs.

    L'étude du Bureau fédéral du plan consacrée à la sécurité d'approvisionnement (WP 16-09) explique que la mise en œuvre du volet renouvelable du paquet énergie va augmenter les importations de biomasse, en amenant une incertitude sur les prix en vigueur. Mais globalement, les importations nettes d'énergie devraient diminuer de près d'un milliard d'euros à l'horizon 2020, par rapport à un scénario de référence sans mise en œuvre du paquet énergie.

    L'analyse de l'évolution de la demande d'énergie s'inscrit dans un contexte mondial de renchérissement progressif des prix des énergies d'origine fossile, dû à l'augmentation de la demande des pays émergents et à la difficulté grandissante qu'aura l'offre, surtout en matière d'hydrocarbures, à suivre cet accroissement. La réduction importante des émissions de GES pose un deuxième défi pour l'évolution de notre système énergétique.

    Une maîtrise accrue de la demande d'énergie est indispensable. Les projections du Bureau Fédéral du Plan indiquent une augmentation modérée de la demande finale en énergie à l'horizon 2050.

    On constate également, dans les études de références (CE 2030, Tobback, CREG, EPE, ... ) qu'au plus les conditions imposées sont contraignantes, au plus la demande évolue à la baisse, notamment par un effet mécanique sur les prix. En effet, la réduction des émissions de GES, le recours aux énergies renouvelables, l'absence de captage et séquestration du CO2 (CCS), l'abandon d'une production électrique d'origine nucléaire, la recherche d'autarcie sont autant de contraintes qui induisent un renchérissement de l'électricité. Cet effet amènera un ajustement à la baisse de la demande, particulièrement à l'horizon 2050.

    Au niveau belge, la demande finale énergétique, tous vecteurs confondus, était de 422 TWh en 2005. Sur base des études mentionnées et sans mesures complémentaires, cette demande finale serait de 481 TWh en 2020 et de 476 TWh en 2030. Les scénarios intégrant les mesures additionnelles (paquet énergie/climat, contrainte ferme pour l'augmentation de l'efficacité énergétique) devraient permettre de réduire cette demande en deçà de 400 TWh.

    Il faut également souligner que la consommation d'électricité représente environ 20 % de la consommation finale d'énergie. C'est-à-dire que la part de l'électricité en tant que vecteur de la consommation finale d'énergie (ou d'émission de GES) reste limitée. Les enjeux relatifs à notre approvisionnement énergétique et à l'empreinte écologique de notre consommation ne peuvent donc être rencontrés par des solutions exclusives sur le seul secteur de l'électricité. La croissance des autres secteurs tels que le transport, qui représente 25 % de la consommation finale, dont plus de 90 % repose sur l'approvisionnement en produits pétroliers, doit également être maîtrisée.

    A l'horizon 2050, il est périlleux d'annoncer avec certitude, quelle sera la consommation finale d'énergie, le mix énergétique de production électrique, l'offre d'énergie mondiale ou le prix de l'énergie. Une certitude cependant: il faut consommer moins et mieux.

    Le Gouvernement wallon s'est engagé, au travers de la Déclaration de politique régionale, à « poursuivre ( ... ) une stratégie qui permette de réduire nos émissions de gaz à effet de serre de 30% d'ici 2020 et de 80 à 95% d'ici 2050. Cela doit s'inscrire, de façon concertée, dans une approche belge et européenne ». Une telle ambition ne peut être atteinte sans des efforts sans précédents en matière de maîtrise de la demande d'énergie. Pour y parvenir, deux actions-phares seront mise en œuvre: la première alliance emploi-environnement dans la rénovation énergétique des bâtiments et la mise en place d'accords de branche de seconde génération pour le secteur industriel. A cet égard, les potentiels estimés dans le récent plan de maîtrise durable de l’énergie à l'horizon 2020 montrent qu'une amélioration de l'efficacité énergétique de l'ordre de 20% est possible en Région wallonne, dont plus des 3/4 à l'aide de mesures rentables, c'est-à-dire dont le coût net est négatif (coût d'investissement moins la baisse de la facture énergétique).