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Convention de certaines communes avec des entreprises implantant des éoliennes sur leur territoire

  • Session : 2009-2010
  • Année : 2010
  • N° : 147 (2009-2010) 1

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  • Question écrite du 02/02/2010
    • de EERDEKENS Claude
    • à FURLAN Paul, Ministre des Pouvoirs locaux et de la Ville

    De façon à inciter les communes wallonnes à accepter des éoliennes sur leur territoire, certaines sociétés souscrivent préalablement une convention avec la commune wallonne concernée aux fins d'obtenir son accord préalablement sur l'implantation d'éoliennes.

    La presse a fait écho de cette situation vis-à-vis d'un certain nombre de communes wallonnes.

    Dans un cas précis, la société qui se propose d'exploiter dix éoliennes sur le territoire d'une commune bien déterminée s'engage à indemniser ladite commune à raison d'un montant de 256.000 euros par éoliennes sur le site projeté.

    Dans ce cas d'espèce, il est exprimé que l'indemnisation dont question ne vise pas l'indemnisation de la commune en qualité de propriétaire des terrains, mais bien l'indemnisation des contraintes environnementales liées à la présence des éoliennes.

    La Région wallonne peut-elle ou non agréer ce type de conventions ?

    Est-il admissible pour la Région wallonne qu'il soit exprimé dans une convention que l'indemnisation prévue n'a pas lieu d'être dans l'hypothèse où une commune bien précise devrait instaurer à l'avenir un règlement taxe sur les mats éoliens ou toutes autres taxes destinées à imposer l'activité d'une société déterminée sur un territoire communal déterminé du fait d'un parc éolien en exploitation?

    En clair, est-il permis à une commune de contractualiser son pouvoir fiscal?

    Ce type de conventions doit-il ou non être approuvé par l'autorité régionale?

    D'autre part, ne se pose-t-il pas un second problème juridique relatif à la procédure de délivrance d'un permis unique en l'espèce, car chaque commune wallonne confrontée à ce type de demande doit traiter les demandes de permis ou à tout le moins émettre un avis à leur égard ?

    La signature d'une convention visant à rémunérer ou à indemniser une commune wallonne préalablement à la mise en exploitation des éoliennes ne pourrait-elle être considérée comme mettant en cause l'impartialité de l'organe consultatif qu'est le Collège communal dans le cadre d'une procédure administrative?

    A l'effet de mettre fin à l'insécurité juridique à l'égard des communes certaines entreprises désireuses d'implanter des éoliennes souhaitent soudoyer les pouvoirs locaux.

    Est-ce légal?

    Certains opposants n’hésitent pas à assimiler ces pratiques à de la corruption.

    Quelle est la position de Monsieur le Ministre à ce propos en sa qualité de Ministre de tutelle des communes wallonnes?
  • Réponse du 07/04/2010
    • de FURLAN Paul

    La question de l'honorable Membre touche différents domaines, la réponse que je lui transmets a donc dû faire l'objet d'une consultation élargie de 3 différents départements de mon administration.

    Il appert de ces trois avis qu'aujourd'hui, il n'existe aucune réglementation particulière pour les conventions en matière d'énergie éolienne. Il semble donc que rien n'interdise à une commune de conclure une convention avec l'exploitant d'un parc éolien.

    Il faut cependant rappeler que toute commune qui souhaite s'engager dans un projet éolien doit préalablement se poser la question de savoir si l'opération est soumise à la réglementation sur les marchés publics.

    Si une commune se voit proposer une collaboration avec une société de promotion de l'énergie éolienne, elle doit avant tout, se demander si le but de la relation consiste en la conclusion d'un contrat à titre onéreux c'est-à-dire d'un contrat dans lequel chacune des parties se voit octroyer des droits mais également imposer des obligations.

    Dans l'affirmative, la réglementation sur les marchés publics s'applique et le choix du partenaire éolien doit faire l'objet d'une mise en concurrence.

    II en va de même si la commune décide de constituer une société en vue d'implanter une éolienne et si la mission qui est confiée à la société répond à la définition d'un marché public de travaux, de fournitures ou de services. Cela a pour conséquence qu'avant d'autoriser l'implantation de tel ou tel projet sur son territoire, elle doit organiser une mise en concurrence préalable des sociétés d'éoliennes.

    Si par contre, la relation consiste, pour la commune, à percevoir une somme d'argent à titre d'indemnité sans se voir imposer d'obligation, la question de la conclusion des marchés publics ne se pose pas.

    Quant à la question relative à l'exercice de la tutelle sur de telles conventions, la réponse diffère selon les cas de figure visés ci-dessus. Si c'est un marché public, il y a lieu de se référer aux règles de tutelle afférentes à cette matière. S'il s'agit d'une « convention indemnitaire », ce type d'acte ne relevant pas de la tutelle générale d'annulation à transmission obligatoire, un contrôle de tutelle ne pourra s'exercer qu'en cas de recours ou de réclamation contre cet acte.

    Sur le plan de la fiscalité locale, la taxe sur les mâts éoliens ou toute autre taxe destinée à imposer un parc éolien en exploitation n'existe pas. La nomenclature des taxes autorisées annexée à la circulaire budgétaire ne prévoyant pas de taxe sur un tel objet, l'établissement d'une telle taxe contreviendrait à la politique régionale de la Paix fiscale.

    La seule taxe qui actuellement pourrait toucher indirectement les éoliennes serait la taxe sur la force motrice. Cependant, deux obstacles se lèvent à l'application de cette taxe.

    Selon le Plan Marshall, la taxe sur la force motrice est supprimée quand elle s'applique à de nouveaux investissements créés ou acquis depuis le 1er janvier 2006. Ce qui est le cas en l'occurrence.

    Par ailleurs, l'application de cette taxe serait en contradiction avec la politique régionale qui essaie de promouvoir la production d'électricité verte (quota minimal via les certificats verts et primes aux particuliers).

    Rappelons également qu'en ce qui concerne l'assujettissement au précompte immobilier sur le matériel et l'outillage, le Plan Marshall exonère les investissements nouveaux.

    Sur le plan de la contractualisation du pouvoir fiscal, il faut rappeler que l'impôt communal est un prélèvement pratiqué par voie d'autorité par la commune sur les ressources des personnes (de droit public ou de droit privé), des sociétés sans personnification civile et des associations de fait ou communautés existant sur leur territoire ou possédant des intérêts, pour être affecté aux services d'utilité générale.

    Selon les principes, la fiscalité communale est une matière d'ordre public et l'assujettissement à l'impôt ne nécessite pas l'accord du redevable et ne peut faire l'objet de modulation par convention. Ainsi, si une taxe existait - quod non - elle devrait être appliquée selon les conditions et modalités prévues dans le règlement-taxe. II ne serait pas légal de modifier, par convention, des conditions ou modalités de cette imposition. Cette position se justifie par le principe constitutionnel de l'égalité des citoyens devant l'impôt, selon lequel il ne peut y avoir de privilège en matière d'impôt (art. 10, 11 et 172 de la Constitution).

    Au vu de ce qui précède, il apparaît qu'actuellement, l'établissement d'une telle taxe contreviendrait à la politique de la paix fiscale et que, si elle existait - quod non - il ne serait pas possible de taxer cette matière par une autre voie qu'un règlement-taxe.

    Quant à la question de l'impartialité de l'organe consultatif, elle n'est pas abordée dans le Code de la Démocratie Locale et de la Décentralisation. En effet, lorsqu'iI traite du conflit d'intérêts, le Code de la Démocratie Locale et de la Décentralisation envisage des incompatibilités ponctuelles. Les conflits d'intérêts concernent des mandataires qui ont été élus, installés parce qu'ils ne se trouvaient pas dans une situation légale d'incompatibilité ni d'empêchement et qui risquent d'être pris « en tenaille» entre leur intérêt personnel et l'intérêt général que les communes, comme les autres autorités publiques, sont censées incarner.

    C'est donc pour ne pas tenter le diable et éviter des situations cornéliennes, potentiellement dangereuses que le Code prévoit des interdictions de siéger, d'une part, et des interdictions de prendre part à certaines opérations pour le compte de la commune, d'autre part.

    Outre ce qui est dit ci-dessus, l'administration ne voit pas en quoi l'impartialité serait davantage mise en cause dans ce domaine plutôt que dans d'autres (installation d'une grosse entreprise industrielle, création de zonings, ... ). Il est certain que la commune est consciente qu'en autorisant une entreprise à s'installer sur son territoire, elle va en profiter d'une manière ou d'une autre (PI, IPP pour les travailleurs domiciliés dans la commune, ... ). Est-ce pour cela une raison suffisante pour critiquer le fait que la commune agirait uniquement sur base de son intérêt financier? L'art des choix, n'est-ce pas justement cela la politique?