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Efficacité économique des marchés publics

  • Session : 2009-2010
  • Année : 2010
  • N° : 37 (2009-2010) 1

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  • Question écrite du 08/02/2010
    • de BOLLAND Marc
    • à DEMOTTE Rudy, Ministre-Président du Gouvernement wallon

    Depuis plusieurs mois, la législation en matière de marchés publics est devenue de plus en plus lourde et de plus en plus complexe. Cela s'inscrit dans un mouvement général, généré par le contexte européen mais quelquefois, nous avons voulu faire mieux que bien, même si c'est dans un souci louable de faire correctement les choses.

    Le but de ces législations et réglementations en matière de marchés publics est double :

    - d'une part, assurer la transparence de l'utilisation des deniers publics et éviter des attitudes assimilables à de la corruption Même si on peut légitimement s'interroger sur la pertinence de certains aspects de la réglementation à ce sujet (ne va-t-on pas trop loin, condamnant quelquefois les pouvoirs publics à des lourdeurs de gestion importantes, sans proportion avec l’objectif considéré et poursuivi ?), cet objectif semble pertinent ;

    - d'autre part, le but est d'assurer la concurrence libre, ou aussi libre et organisée que possible. Ce but repose sur une fiction économique: la concurrence va permettre de faire baisser les prix pour offrir un service optimal.

    Tous les jours, un simple regard attentif et critique sur l'actualité montre facilement que cette analyse économique relève de l'utopie et de la pure idéologie: les exemples sont nombreux montrant que la pseudo libre concurrence n'apporte pas un meilleur service à un meilleur prix.

    Pour les collectivités publiques, cela pose un problème majeur: les règles de marchés publics permettent-elles aux collectivités publiques d'avoir le meilleur service au meilleur prix?

    Pour ma part, en fonction des observations que je peux poser et en fonction de ma pratique de mandataire communal depuis de nombreuses années, je me permets d'en douter.

    Au contraire, j'ai le sentiment quand je compare de façon empirique les prix remis avec ceux en cours sur le marché libre, que des pratiques font que les pouvoirs publics paient trop cher.

    Compte tenu de l'enjeu pour les budgets (de la Région, de la Communauté française et au-delà de l'ensemble des collectivités publiques de la Wallonie), il est évident que nous ne pouvons pas nous contenter d'impressions subjectives: il nous faut des éléments objectifs.

    Il est de la compétence de la Région wallonne de veiller à ses intérêts et aux intérêts des entités qui lui sont subordonnées: il s'agit donc bien d'une compétence régionale.

    Monsieur le Ministre a-t-il connaissance d'une étude scientifique comparant les prix de services et biens offerts dans le cadre des marchés publics et en dehors (par comparaison entre les marchés publics et les prix dans le secteur privé, par exemple) ?

    Si cette étude n'existe pas, ne pense-t-il pas qu'il serait de bonne gestion de la commander ? Les conclusions pourraient permettre d'adapter la législation avec plus d'efficacité économique et budgétaire.
  • Réponse provisoire du 04/03/2010
    • de DEMOTTE Rudy

    Comme l'honorable Membre l'indique dans sa question, nous ne pouvons nous contenter d'impressions subjectives pour y répondre.

    J'ai donc chargé mes services de me donner dans les meilleurs délais les éléments objectifs de réponse à apporter à sa question et reviendrai rapidement vers lui.
  • Réponse du 16/04/2010
    • de DEMOTTE Rudy

    Je reviens vers l'honorable Membre en ce qui concerne sa question relative à l'efficacité économique des marchés publics.

    L'honorable Membre, après avoir fait part de son sentiment que les pouvoirs publics paient trop cher les biens et services obtenus à l'issue d'un marché public, souhaite savoir si j'ai connaissance d'une étude scientifique comparant les prix offerts dans le cadre des marchés publics et en dehors.

    Si une telle étude n'existe pas, l'honorable Membre m'interroge quant à l'opportunité d'en commander une en partant du principe que ses conclusions pourraient permettre d'adapter la législation avec plus d'efficacité économique et budgétaire.

    D'emblée, d'une brève analyse au sein du SPW, je répondrais que l'administration wallonne ne dispose pas d'études spécifiques sur la question pas plus que notre Institut Wallon de l'Évaluation, de la Prospective et de la Statistique (l'IWEPS).

    De telles études peuvent exister au niveau fédéral ou européen et j'y renvoie l'honorable Membre.

    Quant à l'opportunité de lancer une telle étude et de le faire au niveau régional en vue d'influer sur le contenu actuel de la législation, j'émettrais les considérations suivantes.

    De manière préalable, il est rappelé que la réglementation belge sur les marchés publics est fédérale.

    Ceci étant, cette législation, en effet devenue de plus en plus complexe, est en outre le reflet de directives européennes. Ces directives imposent que soient traduits dans le droit interne belge les principes fondamentaux de transparence, d'égalité et de concurrence.

    Cette réglementation impose aux pouvoirs adjudicateurs des obligations notamment en matière de publicité et d'information qui permettent d'assurer le respect des principes précités.

    Bien avant l'intervention européenne, l'objectif premier de toutes les législations relatives aux marchés publics qui se sont succédé depuis le 19ème siècle dans notre pays a toujours été d'assurer l'égalité bien avant celui de disposer de prix les plus bas pour un bien ou un service donné.

    Et si la question des prix est certes essentielle, l'aspect qualitatif, via la phase de sélection qualitative a également toute son importance dans l'appréciation du caractère « intéressant » pour la Région.

    La législation impose les règles qui précisent la manière dont s'opère le choix d'un adjudicataire (le lauréat d'un marché public) et cela de façon différenciée selon le type de passation (adjudication, appel d'offres ou procédure négociée). Le prix est soit l'élément unique ou un critère parmi d'autres. S'arrêter au seul critère du prix est réducteur.

    Il convient en effet de vérifier le respect des exigences postulées par le pouvoir adjudicateur public en termes de qualité, garantie et autre exigence environnementale, sociale, voire éthique.

    En effet, les législations relatives aux marchés publics sont aussi de fantastiques outils de politiques actives.

    Ainsi, pour exemple, la communication de la commission « Europe 2020 Une stratégie pour une croissance intelligente, durable et inclusive » fait-elle référence aux marchés publics pour développer l'innovation au sein des entreprises.

    Ceci étant, cette même commission relève aussi que l'assainissement budgétaire devra aller de pair avec d'importantes réformes structurelles (retraites, soins de santé, éducation .. ). Les administrations publiques devraient y voir une occasion d'améliorer l'efficacité et la qualité des services. Les politiques de passation des marchés publics devront garantir l'utilisation optimale des fonds publics et les marchés publics doivent rester ouverts à l'ensemble de l'Union.

    L'honorable Membre pourra donc constater que cette question de l'efficacité économique de la législation « marchés publics » est, dés à présent, prise en compte par les instances européennes.

    Dans cette optique et sans nier qu'il puisse exister des situations dans lesquelles, un prix obtenu sans passer par la voie des marchés publics pourrait être plus intéressant, je souhaite revenir, plus particulièrement, pour terminer la présente réponse à la question des prix sur quatre considérations.

    Tout d'abord, il est fondamental, avant de comparer des prix, de vérifier si l'on est bien en présence d'un travail, d'une fourniture ou d'un service identique en tout point à celui éventuellement proposé par la voie strictement privée. Il n'est pas rare que les spécificités publiques de l'acquéreur d'un bien ou d'un service aient des conséquences sur le contenu du service ou du bien.

    De plus, il semble logique que les prix déposés soient parfois plus élevés étant donné que les entreprises ou commerçants qui veulent participer à un marché ont, peut être, plus de frais administratifs que pour des marchés privés et cela sera le cas quelle que soit la législation applicable. La Région, comme les autres pouvoirs publics, fait de sérieux efforts pour garantir une simplification administrative et une dématérialisation des processus pour répondre à cette difficulté.

    Ensuite, il nous semble que la bonne compréhension et une parfaite application des principes qui régissent la matière notamment au niveau de l'estimation financière et des possibilités de négociation en cas de recours à la procédure négociée (lorsque le cas est admis) devraient permettre aux pouvoirs publics de limiter au maximum les cas évoqués par l'honorable Membre. Ici aussi, le SPW développe une politique de formation et d'encadrement des fonctionnaires responsables de marchés publics pour attendre cet objectif.

    Et, enfin, le principe de concurrence repose avant tout sur le libre choix d'un opérateur de participer ou non à un marché public. Par essence, il ne signifie pas que les « meilleurs offrants » déposeront systématiquement une offre pour toute procédure de passation de marché !

    Outre la question de la lourdeur des normes à respecter, il faut peut-être s'interroger sur l'attractivité intrinsèque des marchés publics pour les entrepreneurs, fournisseurs ou prestataires de services.