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L'échec de la libéralisation des marchés du gaz et de l'électricité

  • Session : 2009-2010
  • Année : 2010
  • N° : 200 (2009-2010) 1

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  • Question écrite du 09/02/2010
    • de STOFFELS Edmund
    • à NOLLET Jean-Marc, Ministre du Développement durable et de la Fonction publique
    C’est avec beaucoup d’intérêt que j’ai lu dans Le Soir du 22 janvier l’interview du Collègue fédéral de Monsieur le Ministre chargé de la politique énergétique dans laquelle il affirme sans équivoque que la libéralisation du secteur de l’énergie, tellement prônée comme une avancée en faveur du consommateur résidentiel et professionnel, est en réalité un échec retentissant – tant pour l’électricité que pour le gaz.

    A ce sujet, je souhaiterais savoir si Monsieur le Ministre partage l'analyse de son Collègue du Fédéral. Dans l’affirmative, il devinera la question qui s’ensuit (toute analyse non suivie d’action n’étant qu’un exercice intellectuel sans impact pratique) : que compte-t-il faire en la matière? Envisage-t-il une coopération avec ses collègues fédéraux et régionaux afin de corriger cette tendance qui pèse lourdement sur le portefeuille de nos citoyens ?

    Pour en revenir à l'article susmentionné, le Ministre Magnette relève notamment :

    - que la libéralisation a surtout bénéficié aux producteurs et pas aux consommateurs;
    - et que les investissements dans la production d’électricité sont insuffisants.

    En effet, même si Electrabel a dû céder des parts du marché et n’occupe donc plus une position aussi monopolistique qu’auparavant – comme le dit le Ministre – il n’empêche que ce producteur continue toujours à user et abuser d’une position dominante qui génère un bénéfice net de 3,9 millions d’Euros par jour, samedi et dimanche inclus (publication de Trends Top 30.000) !

    Je suis convaincu qu’il faut – façon de parler – rappeler à l’entreprise « sa » responsabilité sociale tant à l’égard de ses travailleurs qu’à l’égard du consommateur en général et du consommateur protégé en particulier.

    Parmi les remèdes à la situation actuelle, le Collègue du Fédéral de Monsieur le Ministre propose de reprendre la Charte du droit des consommateurs (proposée par la parlementaire européenne Spa Mia De Vits) et la création d'un réseau des médiateurs européens afin de favoriser l’échange de bonnes pratiques. Il plaide en outre pour un pouvoir de régulation européen plus fort – européen parce que les fournisseurs opèrent eux aussi sur le marché européen voire mondial – le marché s’organise en effet sur une « plaque électrique » (pour reprendre les termes du Ministre Magnette) qui comprend l’Allemagne, la France, les Pays Bas et le Grand Duché.

    Je pense qu’au vu des difficultés et du non respect dont les consommateurs sont victimes dans ce débat, il faudrait d’urgence fédérer les efforts régionaux et fédéraux en faveur d’une meilleure protection du consommateur tant à l’égard du fournisseur qu’à l’égard du distributeur. Il serait plus avantageux pour tout le monde de « coordonner » tous les efforts et d'adopter une position commune !

    Je demande à Monsieur le Ministre s'il partage les priorités de son Collègue du Fédéral en termes d’action pour une meilleure protection du consommateur et s'il compte unir les efforts de la Région wallonne aux siens pour être plus efficace en la matière.

    Le Ministre Magnette souligne également qu'en matière d’efficacité énergétique nous pourrions faire nettement mieux. Un plan d'action en collaboration avec les entités fédérées devrait voir le jour fin 2010, début 2011. Monsieur le Ministre pourrait-il nous expliquer la position qu'il compte adopter et nous donner un état des lieux des discussions en cours?

    Le Ministre fédéral compte également lancer une réflexion sur la voiture électrique (on parle d'une part de 5 à 10% du parc automobile d'ici à 10 ans). A se sujet, lors d'une de mes précédentes interpellations concernant ce type de véhicule, Monsieur le Ministre me répondait d'une manière assez « succincte » : « Mon cabinet mène une réflexion commune avec le cabinet de mon collègue M. le Ministre Henry, en vue d'aboutir à une note d'orientation sur le sujet (...) » .

    Or, lors du salon de l'Auto de Bruxelles, la voiture électrique a été la vedette et la plupart des marques ont présenté des modèles existants ou des prototypes. Pour ce qui concerne la Flandre, elle a pris les devants en menant une politique pro-active et a l'ambition de devenir une région de référence dans le secteur de la voiture électrique. C'est ainsi que la Ministre flamande de l'innovation, Ingrid Lieten, a libéré un budget de 400.000 euros pour la phase de lancement de tests grandeur nature dans treize villes flamandes avec des bornes de chargement et peut-être des emplacements de parking réservé. Le gestionnaire de réseau électrique Eandis travaille également à un réseau intelligent qui doit garantir l'acheminement et le stockage de l'électricité.

    Au niveau de la Wallonie, je ne peux que constater qu'actuellement aucune stratégie concrète n'est implémentée. Le temps est donc venu d'agir et de mettre en place une réelle politique avec une vision sinon à long, du moins à moyen terme. Monsieur le Ministre en conviendra, notre Région ne peut être à la traîne dans un domaine aussi stratégique en matière de mobilité et d'énergie! Quelles sont les initiatives qu'il compte prendre en la matière et dans quel délai?

    Le corollaire de l'efficacité énergétique, à savoir l'Utilisation rationnelle de l'énergie (URE), est de notre ressort. N'avons-nous pas intérêt à unir nos efforts également dans ce domaine et à élaborer un plan commun en matière d'efficacité énergétique?

    Monsieur le Ministre a-t-il été contacté par ses Collègues pour ce faire ou va-t-il le faire de sa propre initiative ?

  • Réponse du 01/03/2010
    • de NOLLET Jean-Marc

    Je tiens à souligner qu'il ne m'est jamais apparu que la libéralisation serait d'emblée une réussite. En effet, je ne crois pas à la main invisible d'Adam Smith. Suite à l'ouverture des marchés du gaz et de l'électricité préconisée par l'Union européenne, nous sommes passés d'une situation de monopole à une situation d'oligopole. En Région wallonne, l'ouverture des marchés a été considérée comme une opportunité de réguler ce marché qui, précédemment, était largement, dominé par l'opérateur historique et contrôlé par un Comité de contrôle de l'électricité et du gaz où les pouvoirs publics étaient peu présents. Il est évident que la régulation des marchés doit être poursuivie et améliorée tant au niveau régional que fédéral.


    Problématique des prix

    En Région wallonne, depuis l'ouverture totale des marchés au 1er janvier 2007, le prix de l'électricité pour les clients résidentiels est plus élevé pour un client alimenté par un fournisseur désigné (généralement l'opérateur historique) que pour un client actif qui a choisi le produit le moins cher du marché. La différence est d'environ 75 euros par an. Il est donc important pour les clients de bien comparer les offres en fonction de leur situation. A cette fin, le simulateur tarifaire mis en place par la CWaPE est un outil très intéressant permettant aux ménages de comparer les offres des fournisseurs.

    De manière générale, les prix ont augmenté en 2008, suite à l'augmentation du baril du pétrole. Au premier semestre 2009, on constate une diminution parallèle à celle des produits pétroliers. Au 3ème trimestre 2009, la facture annuelle du client-type le plus représenté en Région wallonne (client-type·Dc1 consommant en 3.500 kWh/an, soit 40% des ménages) a augmenté de 6% par rapport à décembre 2006.

    Il faut cependant souligner que la question du prix de l'électricité dépend surtout des prix mondiaux de l'énergie et du manque de concurrence au niveau de la production.



    Concernant la production

    En matière d'énergie, la production ressort des compétences de l'État, cependant l'utilisation rationnelle de l'énergie, les énergies renouvelables et les installations de cogénérations sont de compétences régionales.

    J'ai déjà eu l'occasion de souligner que, même si de nouveaux fournisseurs sont entrés sur le marché wallon, le manque de concurrence joue au niveau de la production et des capacités d'importation. Par ailleurs, les fournisseurs n'ont souvent pas d'autre choix que de s'approvisionner auprès de l'opérateur historique.

    A ce propos la prolongation des centrales nucléaires détenues par l'acteur dominant freine encore la concurrence au niveau de la production.

    Concernant l'échange de capacités de production d'environ 1.700 MW entre Electrabel/GDF Suez et E.ON, celui-ci vise à répondre aux craintes de la Commission quant au manque de concurrence sur le marché de l'énergie.

    Au niveau wallon, les décrets gaz et électricité ont instauré des mécanismes de promotions des énergies renouvelables et de la cogénération. Le mécanisme des certificats verts a permis un réel essor de ce type de production depuis son entrée en vigueur en 2002. En effet, la part de la production d'électricité produite à partir de sources d'énergie renouvelables dans la consommation finale d'électricité en Région wallonne est passée de moins de 3% en 2001 à plus de 8% en 2008. Ainsi, la production totale d'électricité verte a plus que doublé entre 2003 et 2008. Le développement de cette filière a d'ailleurs dépassé les espérances puisque l'objectif de 8% avait été envisagé pour 2010.

    En 2008, 28 nouveaux sites de production d'électricité verte d'une puissance supérieure à 10 kW ont été certifiés par un organisme agréé et mis en service pour une puissance totale de 67 MW.

    En ce qui concerne les sites d'une puissance inférieure ou égale à 10 kW, la CWaPE a traité 2.649 demandes de certificats de garantie d'origine selon une procédure simplifiée pour un total de quelques 9 MW.

    La récente augmentation des quotas de certificats verts pour 2010-2012 permettra de poursuivre le développement de ces filières. Pour la fixation des quotas 2013-2020 et la répartition des objectifs européens en matière de renouvelables, une étude dont les résultats sont attendus pour le premier semestre permettra d'orienter les décisions en vue de rencontrer nos objectifs.



    Concertation

    Dans le cadre de la régulation des marchés, une concertation entre les entités fédérées et l'Etat fédéral se tient tant au niveau administratif, au sein du Groupe CONCERE, que dans le cadre du Comité de concertation et lors de rencontre entre Ministres chargés de l'Énergie. Cependant, la concertation n'aboutit pas nécessairement à une position commune, bien que des rapprochements aient lieu.

    En vue d'améliorer la situation des clients, les propositions relatives à la Charte du droit des consommateurs, à la création d'un réseau des médiateurs et au renforcement du pouvoir de régulation européen sont intéressantes. Par ailleurs, la récente activation du service fédéral de médiation devrait également aider les consommateurs en litiges avec leurs fournisseurs. Cependant, je souligne à nouveau que la décision unilatérale de l'Etat fédéral de prolonger les centrales nucléaires est de nature à prolonger le monopole de fait de l'opérateur dominant. Cette décision constitue également une entrave aux investissements dans d'autres types de production, y compris la production d'électricité verte.

    De même, vu la crise socio-économique, une concertation sur l'extension de la notion de clients protégés au sens fédéral me paraît également primordiale. Cette extension permettrait l'application du tarif social par tout fournisseur pour des ménages à faible revenu qui doivent faire face à des problèmes de paiement croissant ...



    Plan d'action en matière d'efficacité énergétique

    La directive 2006/32/CE relative à l'efficacité énergétique dans les utilisations finales et aux services énergétiques, a pour objet d'assurer une utilisation finale plus efficace de l'énergie.
    Les États membres doivent adopter et s'efforcer de réaliser un objectif indicatif en matière d'économies d'énergie de minimum 9% (1) d'ici 2016, à dater du 1er janvier 2008.
    Dans ce cadre, le premier plan national d'action en matière d'efficacité énergétique (PAEE) a été remis à la Commission européenne fin juin 2007.
    Le 2éme Plan d'action en matière d'efficacité énergétique devra être présenté à la Commission pour le 30 juin 2011. Ce plan aura une durée de 3 ans. Ce 2ème plan devra réaliser une évaluation ex-post du plan précédent, il décrira les mesures projetées en vue d'améliorer l'efficacité énergétique et réalisera une évaluation ex-ante de ces mesures. A cette fin, une harmonisation des mesures et indicateurs est en cours. Les indicateurs et valeurs de références serviront tant pour l'évaluation des mesures antérieures que pour l'estimation des effets des mesures prévues.

    Au niveau belge, une concertation permanente est en cours au sein d'un groupe de travail CONCERE piloté par la Région wallonne en vue d'harmoniser les mesures au niveau des Régions, notamment la méthode de calcul des indicateurs.



    Voiture électrique

    En ce qui concerne le développement des voitures électriques, la Déclaration de politique régionale est explicite sur deux points: tout d'abord, le Gouvernement visera à «soutenir des opérations-pilotes pour les véhicules électriques dans les zones urbaines ( ... )>>; ensuite, le Gouvernement s'engage à « appliquer une fiscalité environnementale favorable aux véhicules électriques ( ... ) ».
    Toutefois, le meilleur moyen d'augmenter significativement la part de l'électricité dans le secteur des transports de passagers reste l'utilisation accrue des transports collectifs tels que le train et le tram. La Déclaration de politique régionale est d'ailleurs ambitieuse à cet égard.
    L'apport de voitures électriques peut éventuellement être une alternative intéressante dans les villes. A ce sujet, des rencontres sont en cours, aussi bien avec certaines grandes marques automobiles désirant commercialiser d'ici peu des voitures électriques en Belgique, qu'avec des entreprises développant différents systèmes de bornes de recharge.
    Le chargement des voitures électriques est également lié à la mise en œuvre des réseaux intelligents. Cependant, le développement de la voiture électrique doit faire l'objet d'une étude approfondie et il faut rester circonspect afin que l'usage des voitures électriques n'entraîne pas une pression trop importante sur les besoins en électricité. Il faut veiller à ce que le bilan sociétal global du développement d'un parc de véhicules électriques en Région wallonne soit évalué et démontre une valeur ajoutée réelle au niveau économique, social et environnemental.



    Conclusion

    En matière d'efficacité énergétique, il faut effectivement œuvrer à tous les niveaux et dans tous les secteurs. A ce titre, le Plan pour la maîtrise durable de l'énergie est un bon outil.

    En 2003, le Gouvernement wallon a pris acte d'un Plan pour la maîtrise durable de l'énergie (PMDE) à l'horizon 2010. Il était présenté comme un plan indicatif, sans force réglementaire, basé sur les meilleures données disponibles, susceptible d'être adapté en fonction de l'évolution de ces données. Il indiquait un ensemble de lignes directrices et fixait un certain nombre d'objectifs chiffrés en matière de politique énergétique et de lutte contre le réchauffement climatique en Wallonie à l'horizon 2010.
    Ce plan fait actuellement l'objet d'une évaluation et d'une adaptation. Il donnera donc une vision et des objectifs à moyen et long termes et servira pour la réalisation du Plan d'action en matière d'efficacité énergétique.



    (1) 9% de la consommation finale annuelle