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Le réseau électrique intelligent

  • Session : 2009-2010
  • Année : 2010
  • N° : 201 (2009-2010) 1

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  • Question écrite du 09/02/2010
    • de STOFFELS Edmund
    • à NOLLET Jean-Marc, Ministre du Développement durable et de la Fonction publique

    L'implémentation, sur le réseau de distribution d’électricité, de capteurs reliés à un réseau informatique pourrait permettre un meilleur ajustement de la production et de la consommation d'électricité, avec des avantages comme la diminution des pics de consommations ou l’évitement de pannes dues à une surcharge. L'autre aspect très intéressant est que cette implémentation permettrait de réduire les pertes en ligne et faciliterait l’intégration des sources d’énergie alternative au réseau (comme l'éolien, le photovoltaïque : sources d’énergie souvent irrégulières).

    Le terme utilisé par les techniciens est « smart grid ». Pour faire simple, il s’agit de réseaux électriques capables grâce à des dispositifs informatiques, de mieux gérer les flux consommés et produits. Ces technologies vont changer nos habitudes, tant au niveau de la gestion des réseaux de distribution, de la commercialisation que des usages. Pour la distribution, on peut évoquer la mise en place d’une infrastructure de comptage évoluée, un meilleur diagnostic des incidents, la dématérialisation des interventions ou encore l’auto-contrôle ou l’auto-réparation du réseau. Au niveau de la commercialisation, le Smart Grid permettra d’améliorer la relation clients, de proposer des offres tarifaires optimisées et la vente de services additionnels.


    Bref, la technologie modifiera le rapport entre le fournisseur et le consommateur d’électricité tout en réduisant de façon conséquente la facture environnementale. La mise en place aux Etats-Unis d’un réseau électrique intelligent pourrait ainsi permettre de réduire la consommation de 10 à 15 %, limitant les émissions de CO2 et engendrant la création de près de 280.000 emplois verts.

    La directive 2009/72/CE du Parlement européen et du Conseil du 13 juillet 2009 concernant des règles communes pour le marché intérieur de l’électricité, abrogeant la directive 2003/54/CE, est parue au Journal officiel le 14 août dernier. Afin de réduire la facture énergétique européenne, elle encourage notamment la mise en place de réseaux de distribution intelligents (smart grid) et de compteurs intelligents (smart meter). 25 à 40% des foyers européens seront équipés de compteurs intelligents d’ici 2012, contre 6% actuellement (source : Capgemini). Certains pays, comme l’Italie et la Suède ont déjà un taux de pénétration proche de 100%. L'Europe souhaite atteindre les 80% d'ici 2020.

    Si l'objectif des « Smart Grid » (d'utiliser des réseaux de capteurs pour contrôler, en temps réel, la distribution d'électricité en permettant une circulation des flux d'information et d'électricité bidirectionnelle entre les sources et les consommateurs) pourra être atteint, il ouvrira également des perspectives nouvelles utilisables à grande échelle dans des contextes nouveaux. Une réduction de la consommation de 10 à 15 % ouvrira par exemple de nouvelles perspectives pour un usage plus intensif de la voiture électrique comme alternative aux moteurs qui brûlent de l’énergie fossile. Ainsi, le salon de l’automobile de cette année a beaucoup fait parler de lui grâce aux nombreux modèles électriques qui étaient présentés par les différents constructeurs. C’est à mes yeux une opportunité à saisir dans le sens où on pourra réduire les émissions de GES du secteur du transport tout en utilisant les marges dégagées par une production d’électricité verte dont le quota doit, d'après moi, dépasser les exigences de l’UE pour éviter que ces voitures roulent avec de l'électricité produite par le nucléaire.

    Dans certains pays européens, des villes commencent à s’organiser en réseau « Smart Grid », je souhaiterais savoir si cette opportunité sera aussi développée chez nous au-delà du stade d’une expérience-pilote et dans quel délai (même si je sais que la DPR reste relativement muette à cet égard) ?

    Quelle est la situation actuelle en la matière en Région wallonne?

    Aurons-nous, d’ici 2020, en Région wallonne des réseaux intelligents ? Monsieur le Ministre a-t-il abordé la question avec les distributeurs wallons ? Qu’en pensent-ils ?
  • Réponse du 01/03/2010
    • de NOLLET Jean-Marc

    Je tiens à m'associer à la préoccupation de l'honorable Membre quant au développement des réseaux intelligents. La régulation des marchés en vue d'atteindre les objectifs tant en matière de productions renouvelables décentralisées qu'en matière d'efficacité énergétique est en effet un enjeu important.

    Au niveau européen, la directive 2009/72/CE du Parlement européen et du Conseil du 13 juillet 2009 concernant des règles communes pour le marché intérieur de l'électricité recommande l'introduction de « systèmes de mesures ou des réseaux intelligents » afin d'encourager l'efficacité énergétique et les productions décentralisées.

    Concernant les compteurs intelligents, la directive permet cependant de subordonner leur mise en place à une évaluation économique de l'ensemble des coûts et des bénéfices pour le marché et pour le consommateur. Il est également important de préciser que l'objectif d'équipement de 80% des clients est soumis à une évaluation favorable du système des compteurs intelligents.

    Afin de prendre position sur l'introduction des compteurs intelligents en Région wallonne, fin 2008, la CWaPE a proposé un plan d'action en plusieurs étapes :
    - définition des fonctionnalités du compteur intelligent;
    - préparation et réalisation du projet pilote;
    - évaluation du projet pilote;
    - décision.

    Suite à cet avis, la CWaPE et les GRD ont évoqué les fonctions minimales à assurer et les caractéristiques techniques générales des compteurs intelligents. Les gestionnaires de réseaux de distribution vont prochainement lancer une opération pilote portant sur 1.500 compteurs pour tester les fonctionnalités. Cette opération se réalisera en zone urbaine et en zone rurale. La position quant aux compteurs intelligents se prendra donc sur la base des projets pilotes et de leur évaluation.

    Au niveau de la Déclaration de politique régionale (DPR), la question des réseaux intelligents est abordée au sein du chapitre relatif aux énergies renouvelables. La DPR prévoit en effet « d'étudier l'opportunité et l'impact tarifaire d'un soutien à une gestion dynamique des réseaux via le développement des « smart grids » en concertation avec les opérateurs concernés et le régulateur».

    Les « smart grids » sont des réseaux qui intègrent intelligemment le comportement et les actions des utilisateurs qu'ils soient producteurs ou consommateurs. Ils permettent d'assurer un meilleur équilibre entre production décentralisée et consommation locale. On parle également de « gestion dynamique des réseaux ».

    Elia, le gestionnaire de réseau de transport, dispose déjà d'un réseau dit intelligent. En effet, le réseau d'Elia est un réseau maillé supervisé et « commandable » à distance (ce qui permet des délestages en cas de congestions). Il permet notamment une gestion des flux bidirectionnels et dispose de systèmes de comptages quart horaire. Le développement des réseaux intelligents est donc un enjeu important pour les gestionnaires de réseaux de distribution en vue d'assurer une gestion dynamique de l'équilibre entre production décentralisée et consommation locale.

    Dans le cadre du développement d'un réseau intelligent, le gestionnaire de réseau de distribution élargit l'éventail de ses dispositifs de mesure et de contrôle pour son propre usage et peut ainsi connaître à tout moment la charge réelle, le niveau de tension et l'équilibre entre phases dans une zone et prendre des actions d'optimisation. Si nécessaire, il peut effectuer à distance des diminutions de puissance, voire des délestages sélectifs. En cas de panne, il peut identifier avec précision les abonnés concernés par celle-ci et prendre les mesures adéquates. Il dispose donc d'informations qui lui permettent d'effectuer une meilleure gestion de l'ensemble de son réseau et une réelle planification. Ces informations s'avèrent nécessaires au développement à grande échelle de la production décentralisée.

    Une gestion intelligente du réseau électrique alimentée par les données de consommation et production en temps réel devrait donc permettre un meilleur ajustement de la production et de la consommation d'électricité, ce qui présente les avantages suivants :
    - diminution des pics de tension aux points clefs du réseau;
    - diminution des pics de consommation;
    - évitement des pannes dues à une surcharge;
    - intégration des productions décentralisées variables.

    En ce qui concerne le développement des voitures électriques, la DPR est explicite sur deux points : tout d'abord, le Gouvernement visera à « soutenir des opérations-pilotes pour les véhicules électriques dans les zones urbaines ( ... )»; ensuite, le Gouvernement s'engage à « appliquer une fiscalité environnementale favorable aux véhicules électriques ( ... ) ».
    Toutefois, le meilleur moyen d'augmenter significativement la part de l'électricité dans le secteur des transports de passagers reste l'utilisation accrue des transports collectifs tels que le train et le tram. La DPR est d'ailleurs ambitieuse à cet égard.
    L'apport de voitures électriques peut éventuellement être une alternative intéressante dans les villes. A ce sujet, des rencontres sont en cours, aussi bien avec certaines grandes marques automobiles désirant commercialiser d'ici peu des voitures électriques en Belgique, qu'avec des entreprises développant différents systèmes de bornes de recharge.
    Le chargement des voitures électriques est lié au développement des réseaux intelligents. Cependant, ces développements doivent faire l'objet d'une étude approfondie et il faut rester circonspect afin que l'usage des voitures électriques n'entraîne pas une pression trop importante sur les besoins en électricité. Il faut veiller à ce que le bilan sociétal global du développement d'un parc de véhicules électriques en Région wallonne soit évalué et démontre une valeur ajoutée réelle au niveau économique, social et environnemental.

    Une concertation sur le thème des réseaux intelligents est en place avec les gestionnaires de réseaux, les fournisseurs et la CWaPE. Lors d'un colloque organisé par la CWaPE sur la gestion intelligente des réseaux, producteurs, fournisseurs, gestionnaires de réseaux, consultants et pouvoirs publics ont pu échanger leurs points de vue sur la nécessaire évolution des réseaux de distribution en vue d'intégrer les productions décentralisées pour atteindre les objectifs ambitieux de développement des énergies renouvelables.

    Par ailleurs, l'axe 5 du Plan Marschall 2.Vert prévoit d'adopter un programme de recherche en matière de technologies intelligentes pour la gestion du réseau électrique et développer la maîtrise de ces technologies par les gestionnaires de réseaux. Un budget de 6,8 millions d'euros est réservé pour cette action.

    La Région emboîte donc le pas de la gestion intelligente des réseaux avec comme double objectif premier, l'amélioration de l'efficacité énergétique et le développement des productions décentralisées.