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Un développement coordonné de l'éolien en Wallonie qui puisse bénéficier à la collectivité

  • Session : 2009-2010
  • Année : 2010
  • N° : 203 (2009-2010) 1

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  • Question écrite du 09/02/2010
    • de STOFFELS Edmund
    • à NOLLET Jean-Marc, Ministre du Développement durable et de la Fonction publique
    L’éolien onshore s’est fortement développé en Région wallonne ces dernières années. Nous sommes en effet passés d’une éolienne installée en 1998 à 148 turbines en fonction au 31 décembre 2009.

    Je considère que nous devons soutenir cet essor important à la fois en termes énergétiques et environnementaux. Pour rappel, la Belgique doit produire 13% de sa consommation finale d’énergie à partir de sources d’énergies renouvelables à l’horizon 2020. Cela nous permettrait de renforcer l’indépendance énergétique belge et wallonne et diminuer la part des énergies fossiles dans notre consommation, qui contribuent au réchauffement climatique et dont les réserves mondiales sont limitées.

    Dans ce contexte, il est toutefois important de réfléchir au développement harmonieux des éoliennes terrestres afin d’éviter une évolution anarchique, qui serait préjudiciable aussi bien pour les citoyens que pour les pouvoirs publics. Le vent appartenant à tous et, dans cette logique, si la collectivité subit les nuisances provoquées par les éoliennes, elle doit pouvoir également profiter des effets positifs.

    En effet, Monsieur le Ministre, il est primordial à mes yeux que le développement de l’éolien soit coordonné, pour permettre, d’une part d’encadrer l’implantation physique des turbines, et d’autre part, d’assurer des retombées correctes pour la collectivité, sans toutefois freiner l’augmentation des énergies renouvelables.

    Actuellement, l’établissement des retombées pour les communes repose sur des négociations individuelles avec les promoteurs des projets éoliens, sans balises de référence. Ceci laisse une marge de manœuvre importante aux investisseurs privés et les communes s’en trouvent parfois lésées.

    C’est pourquoi, dans le cadre de l’actualisation prévue du cadre de référence wallon pour l’implantation des éoliennes, je plaide pour qu’on définisse une vision globale et stratégique du développement éolien et qu'on aborde le volet des retombées financières potentielles pour la collectivité.

    Dans cette optique, je suggère de diffuser auprès des communes un mémento qui leur offre des balises claires et homogènes à utiliser dans leurs rapports avec les sociétés privées qui veulent implanter des éoliennes sur leur territoire.

    L'objectif étant de s’assurer que les autorités locales ne soient pas désarmées face à ces promoteurs privés. Les communes pourraient ainsi bénéficier de repères – standardisés au niveau wallon – quant à la marche à suivre lors de l’installation de projets éoliens sur leur territoire. Un tel mémento permettrait de baliser les droits et obligations des parties concernées, dans le respect de la législation sur les marchés publics notamment, et d’assurer un retour financier équitable pour les communes. Il mentionnerait également l’importance pour les communes d’informer de façon transparente leurs citoyens.

    Par ailleurs, il semble utile d’encourager les communes à investir dans des projets éoliens, en se regroupant avec d’autres communes via les intercommunales de développement et/ou de financement auxquelles elles sont associées. Ces investissements devront bien entendu se faire en respectant les précautions nécessaires, en premier lieu en termes de risque financier pour les communes.

    Monsieur le Ministre l'aura compris, l’objectif poursuivi par de tels investissements est de renforcer le retour pour les pouvoirs publics et, partant ,pour la collectivité.

    A la base, il faut assurer le regroupement des pouvoirs publics à l’échelle supracommunale, en incluant les communes et les intercommunales (de développement économique, de financement et/ou GRD) en fonction de l’intérêt et des compétences de chacun. Un tel regroupement se ferait au sein d’une intercommunale existante qui coordonnerait l’implantation des parcs dans sa zone, en accord avec la vision stratégique régionale. Celle-ci s’occuperait également du suivi des projets.

    Deux options pourraient à mon sens être envisagées:

    - 1ère option : l’intercommunale pourrait lancer des marchés publics pour trouver des promoteurs privés avec qui s’associer pour créer des sociétés d’exploitation (une société par parc éolien).

    - 2ème option : dans le cas où un promoteur privé qui souhaite implanter un parc éolien, soit est propriétaire du terrain visé, soit a déjà conclu un accord avec le propriétaire, l’intercommunale n’est plus initiatrice du projet, mais peut chercher à s’associer à l’opérateur privé, s’il est d’accord, et prendre des participations dans la société d’exploitation du parc éolien (idem pour une éventuelle coopérative citoyenne).

    Dans les deux cas, les investissements nécessaires à la construction du parc pourraient être financés selon la clé de répartition suivante:

    - 80% via les marchés financiers;
    - 20% via les capitaux apportés par les associés (public – communes et/ou intercommunales – privé et éventuellement des citoyens).

    Quant aux résultats générés grâce à la vente d’électricité et aux certificats verts, ceux-ci:

    - pourraient d’une part, éventuellement être mis en réserve pour servir à financer d’autres projets liés à l’énergie;
    - d’autre part, seraient redistribués entre chaque associé au prorata des investissements consentis.

    La rétribution des communes pourrait se faire en attribuant la quote-part des bénéfices alloués aux pouvoirs publics :

    - d’une part, à la commune/aux communes sur le territoire de laquelle/desquelles sont implantées les éoliennes,
    - d’autre part, aux autres communes membres de l’intercommunale.

    Ce système permettrait une solidarisation des communes à deux niveaux :

    - chaque commune bénéficie d’un retour, même celles qui n’ont pas la capacité d’installer des éoliennes sur leur territoire;

    - les charges financières sont réparties sur un plus grand nombre de communes, car le développement d’un parc éolien reste un projet à risque (de plus, si les communes investissent un peu dans plusieurs projets, le risque est moindre que si elles investissent beaucoup dans un projet unique).

    Aussi, indirectement, ce système bénéficierait aux citoyens des communes concernées, car les rentrées ainsi générées permettront aux autorités locales d’investir dans leur commune et de maintenir une pression fiscale stable.

    Des expériences telles que je viens de décrire existent ailleurs comme par exemple en Flandre. Ne serait-il pas opportun de s'en inspirer pour articuler notre politique éolienne et éviter le scénario de la privatisation des bénéfices et de la collectivisation des inconvénients?

  • Réponse du 01/03/2010
    • de NOLLET Jean-Marc

    La question de l'honorable Membre arrive à point nommé, puisque le Gouvernement wallon vient d'adopter ce 29 janvier, une note méthodologique balisant la manière dont l'actualisation du cadre de référence en matière d'implantations d'éoliennes va être conduite. Dans cette actualisation, la participation citoyenne et communale figurera en bonne place des grands enjeux qui seront évoqués. Avec mon Collègue Philippe Henry, nous avons obtenu que la consultation soit aussi large que possible, tout en tenant un timing suffisamment serré afin d'avancer concrètement sur cette question. Parmi les acteurs qui prendront part à l'actualisation, je tiens à souligner notamment le cabinet du Ministre des pouvoirs locaux qui sera membre de la Cellule éoliennes, ainsi que l'Union des Villes et des Communes et les intercommunales de développement économique qui seront consultées. Je ne doute point que ces organismes puissent proposer des pistes d'implication communale et supra-communale inspirées de celles que l'honorable Membre évoque.

    Toutefois, il me semble qu'il ne faut pas limiter a priori la participation « collective» aux communes et aux intercommunales, comme il le suggère dans les pistes qu'il évoque. La question de la participation directe des citoyens, par le biais de coopératives par exemple, doit également faire l'objet d'une attention particulière. La Déclaration de politique régionale (DPR) est d'ailleurs très claire à cet égard, puisque le Gouvernement s'est engagé, je cite, à:
    - «  promouvoir la production décentralisée d'électricité verte en encourageant la participation citoyenne dans la production d'énergies renouvelables (par exemple via des sociétés coopératives citoyennes) » ;
    - « favoriser la participation citoyenne dans les projets de développement des énergies renouvelables (éolien, biomasse, bois-énergie, etc.), grâce à des formules adaptées telles que les coopératives ».

    La participation des citoyens dans les projets de production d'électricité verte décentralisée est en effet un élément crucial dans le but d'atteindre nos objectifs européens en matière énergétique, permettant de renforcer l'acceptabilité sociale de ces projets.

    Parmi les parcs en fonctionnement, sept présentent une composante citoyenne assez prononcée:
    - Chevetogne : 1 éolienne de 0,8 MW détenue par la coopérative Energie 2030;
    - Saint Vith : 1 éolienne de 0,5 MW détenue par la coopérative Energie 2030;
    - Mesnil – l'Eglise : 2 éoliennes de 0,6 et 0,8 MW détenues par « Allons en vent»et « Alertsassouffle »;
    - Couvin : 1 éolienne de 2 MW détenue par une SA composée de riverains;
    - Finnevaux : 1 éolienne de 0,8 MW détenue par « Allons en vent »;
    - l'extension du parc de Villers-le-Bouillet : l'une des éoliennes supplémentaires de 2 MW appartient à Enercity, coopérative détenue principalement par la commune et les riverains;
    - Leuze en Hainaut : 1 éolienne appartenant à la coopérative CLEF et 2 à l'intercommunale IDETA (sur 10 au total).


    Ce volet participatif se décline actuellement selon 3 modes, en fonction de la volonté de chaque commune de s'impliquer ou pas dans le projet :
    - pour les communes qui ne souhaitent pas s'impliquer fortement, mais toutefois retirer un bénéfice : la participation se fait sous forme d'un contrat de location de terrain loué lorsque celui-ci appartient à la commune;
    - pour les communes qui souhaitent investir dans le parc éolien, sans prendre de risque conséquent ni s'impliquer dans la gestion : la participation se fait sous forme d'emprunt subordonné que la commune octroie à la société d'exploitation du parc;
    - pour les communes et citoyens qui souhaitent s'approprier une part significative du parc éolien (au moins une éolienne), s'impliquer dans la gestion et maximiser le retour financier : la participation se fait sous la forme d'un Partenariat Public Privé, dans lequel une société « citoyenne » (coopérative locale avec, le cas échéant, un bras financier régional) investit dans le parc éolien.


    On remarque également que de plus en plus de communes s'impliquent en amont et vont jusqu'à participer activement à la conception et au développement du projet.

    C'est le cas du regroupement des communes autour de Dison et des 19 communes du GAPPER (Groupement d'Acteurs Provinciaux pour la Planification des Energies Renouvelables) pour lesquelles un bureau d'études, sélectionné par appel d'offres, étudie le potentiel en énergies renouvelables de leur territoire afin que, dans un second temps, ces mêmes communes puissent lancer un appel d'offres pour la réalisation d'outils de production décentralisés.

    ln fine, la participation citoyenne est importante car :
    - elle permet une appropriation locale d'un gisement renouvelable local;
    - elle ouvre la porte à une maîtrise de l'énergie durable, locale et solidaire : l'appropriation des outils de production conscientise et responsabilise les collectivités locales sur la question énergétique. Elle permet par ailleurs de créer un véhicule d'investissement citoyen dans des projets d'énergie durable locaux et pourrait donner droit à une fourniture d'électricité locale et à bas prix;
    - elle permet d'assurer une rentrée financière éthique et durable : l'investissement dans une coopérative de production d'énergie génère des bénéfices sur base d'une ressource locale, renouvelable et durable.
    - elle favorise l'acceptation des riverains et augmente les chances de succès de certains projets (notamment les projets éoliens);
    - elle est un exemple de coexistence entre intérêts locaux et régionaux, privés et publics, individuels et collectifs, humains et environnementaux.


    La suggestion de l'honorable Membre d'informer au mieux les communes en leur donnant des balises claires et homogènes est déjà rencontrée aujourd'hui puisqu'un vade-mecum éolien à l'usage des communes est disponible depuis plusieurs années, notamment sur le site portail de l'énergie de la Région wallonne. La plupart des pistes qu'il formule quant à la forme de la participation de la commune dans les projets éoliens y sont évoquées. J'en profite pour l'informer qu'un prochain vade-mecum pour l'investissement participatif des communes dans l'éolien est en cours de finalisation par le facilitateur éolien.

    Permettez-moi de terminer en tordant le cou à deux fausses idées qui circulent. Tout d'abord, le développement des champs éoliens actuels ne peut pas être qualifié d'anarchique puisque le cadre de référence actuel et ses recommandations encadrent plusieurs étapes de la procédure d'instruction d'un permis unique relatif à un parc éolien de plus de 3 MW, notamment les réunions d'information de la population, l'étude d'incidences sur l'environnement et le rapport de synthèse des fonctionnaires technique et délégué. Bref, même s'il n'a pas valeur réglementaire, le cadre de référence joue un rôle non négligeable dans le développement et la configuration des parcs éoliens en Région wallonne.

    Ensuite, il ne faut pas stigmatiser les éoliennes en parlant de « nuisances à la collectivité » qu'il s'agit de « compenser ». Cette vision négative des éoliennes est non seulement injuste par rapport aux autres activités humaines (parle-t-on de compensations dans le cas de zones d'activité économique ou d'immeubles), elle est aussi contre-productive à l'essor éolien que l'honorable Membre appelle par ailleurs de ses vœux. Je m'inscris plutôt dans une perspective résolument volontariste de renforcement de la participation citoyenne dans ce type de production décentralisée qui répond aux grands enjeux actuels que sont la lutte contre les changements climatiques et l'autonomie énergétique.