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L’annonce faite par certaines grandes surfaces d’une baisse du prix du lait et les conséquences pour les agriculteurs

  • Session : 2009-2010
  • Année : 2010
  • N° : 203 (2009-2010) 1

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  • Question écrite du 11/02/2010
    • de PREVOT Maxime
    • à LUTGEN Benoît, Ministre des Travaux publics, de l'Agriculture, de la Ruralité, de la Nature, de la Forêt et du Patrimoine

    Dans un toutes-boites édité par Aldi, la chaîne adresse ses bons vœux à tous nos agriculteurs. Le message est frappant : « Aussi en 2010, vous pouvez compter sur Aldi ».

    Les agriculteurs sont ravis. La crise du lait aura généré un prix juste pour les producteurs de lait. 2010 s’annonce sous les meilleurs auspices.

    Ceci est une fiction.

    Le message d’Aldi existe bien mais il est destiné aux consommateurs en mal de pouvoir d’achat. En effet, les bons vœux d’Aldi sont écrits sur une page entière annonçant une baisse de 14 centimes du prix de la boîte de lait en magasin au 1er janvier 2010. Et Aldi d’expliquer que « en juillet 2009, nous avons dû augmenter le prix du lait de 14 cents par litre. Ces 14 cents ont été payés aux producteurs de lait, durant 6 mois, en compensation des prix bas. Cette disposition n’est plus en vigueur depuis le 1er janvier 2010. Dès lors, c’est tout fait normal de baisser le prix du lait dans nos magasins de 14 cents ».

    Le public mérite une meilleure information sur les prix du lait que ce type de message publicitaire. Monsieur le Ministre a fait de l’information au consommateur un axe transversal du « Plan wallon de soutien au secteur laitier ». Comment peut-on lutter contre ce genre de message simplificateur ?

    J’espère par ailleurs que Monsieur le Ministre invitera les autres grandes surfaces à maintenir un prix équitable pour le producteur.

    Aldi vend aujourd’hui un litre de lait entier en produit d’appel à 49 cents. Ce prix est exactement le même que celui pratiqué par la chaîne avant que n’éclate la crise du lait. A ce prix-là, aucun producteur de lait ne peut être rémunéré équitablement.

    Depuis le début de la crise, Monsieur le Ministre a été particulièrement actif dans le dossier du lait et dans les solutions envisageables à y apporter. Il est essentiel que le consommateur puisse choisir une rémunération juste pour le producteur. Il a soutenu la création d’un label de qualité par le MIG. De nombreux fermiers ont déjà marqué leur intérêt. Comment fonctionnera la coopérative ? Où le consommateur pourra-t-il trouver du lait équitable ? Comment envisage-t-il le développement de cette filière courte ?

    A l’époque de la crise du lait, la consœur de Monsieur le Ministre au niveau fédéral, Sabine Laruelle, estimait « inacceptable que l’on fasse des produits d’appel du lait, de la viande, des légumes et des fruits ». Je partage ce point de vue. Pourtant, chaque semaine, les supermarchés annoncent des prix réduits sur la viande ou, comme Aldi cette fois-ci, sur le lait.

    Comment éviter que le fermier soit systématiquement mis dans les cordes pour cause de promotion irresponsable ? Les attentes des agriculteurs et de la majorité des wallons qui les soutiennent trouvent-elles une réponse appropriée de la part des représentants du secteur de la distribution ?

    Le fossé est grand entre le produit de base et le produit commercialisé. Si je vous interpelle sur le lait aujourd’hui, je pourrai le faire demain pour d’autres produits issus de notre agriculture. Le développement des filières courtes est essentiel. Comme je l’ai mentionné, Monsieur le Ministre a aidé à la mise en place d’une filière courte pour le lait. Peut-on espérer une mesure similaire pour d’autres produits ?

    Enfin, la présidence belge permettra-t-elle à la Wallonie de faire entendre la voix de ses agriculteurs ? Le Fédéral, les Régions wallonne et flamande ont-ils pu s’accorder sur une position commune et sur un cahier des charges pour porter les revendications des agriculteurs et des consommateurs responsables pendant les 6 mois de la présidence belge ?
  • Réponse du 12/03/2010
    • de LUTGEN Benoît

    En juillet 2009, la F.E.D.LS. et les organisations agricoles flamandes avaient conclu un accord de 6 mois : le prix du lait de consommation était augmenté de 14 cents par litre. Mais le lait de consommation ne représente que 22% des 3 milliards de litres récoltés en Belgique. Par conséquent, l'augmentation réellement versée aux producteurs pour l'ensemble de leur livraison correspondait à environ 2 cents par litre de lait livré. Le prix du lait payé au producteur dépend bien plus de la valeur du beurre et de la poudre de lait écrémé sur le marché mondial. Cet accord (contesté par les organisations des consommateurs), ne représentait donc ni une opportunité importante de meilleure valorisation du prix du lait payé aux producteurs ni une réponse structurelle à la crise. Il s'agissait simplement d'une mesure ponctuelle qui a eu le mérite d'exister.

    Comme le souligne l'honorable Membre, le message à vocation publicitaire d'Aldi s'inscrit sans aucun doute dans une stratégie commerciale plus large de l'entreprise et relève de son propre choix. Plutôt que de répondre à ce type de campagne par voie publicitaire, je préfère privilégier le travail d'information et de promotion auprès de publics bien ciblés, et surtout encourager les initiatives de transformation et commercialisation assurant une rémunération correcte des producteurs.

    Que l'on considère le lait, la viande, les légumes ou les fruits comme des produits d'appel, que certains groupes arrivent, par des politiques d'achat agressives à l'échelon belge, européen voire mondial, à négocier des prix « cassés », tout cela relève d'une logique libérale pure et dure que j'ai dénoncée à maintes reprises.

    Après avoir mis en œuvre différentes mesures de soutien en juillet dernier, j'ai dégagé un budget de 4,4 millions d'euros pour permettre aux producteurs laitiers qui le désirent de valoriser davantage leur production. Cette nouvelle mesure vise à encourager les producteurs de lait à rechercher de nouveaux débouchés pour leurs produits. L'objectif poursuivi est également de favoriser les initiatives collectives.

    Les réseaux de producteurs en « circuit court », tous secteurs confondus, se renforcent d'année en année. J'entends continuer à les soutenir. La brochure « C'est produit près de chez vous » a été éditée par l'APAQ-W en un million deux cent mille exemplaires l'année dernière. Elle est disponible sur le site internet de l'Agence. Cette publication reprend déjà plus de deux cent cinquante producteurs et cadre dans une campagne plus large; ce n'est là qu'une des nombreuses actions mises en place pour encadrer et développer la diversification (Cellule Qualité Produits Fermiers, Accueil Champêtre en Wallonie, Saveurs Paysannes, formations, promotion ... ).

    La crise sans précédent rencontrée par le secteur agricole appelle des réponses à tous les niveaux de pouvoir, ponctuelles et structurelles, tant à court, moyen que long terme. C'est pourquoi, je n'ai pas attendu la présidence belge pour défendre les intérêts de la Wallonie auprès de l'Union européenne. La récente crise du lait en est un bon exemple. Grâce à un lobbying intense auprès de mes collègues européens, à une pression sur la Commission européenne, des mesures à court terme ont été prises et le principe de la nécessité d'une forme d'organisation du marché est de nouveau sur la table du Conseil.

    La présidence du Conseil agricole européen a comme rôle principal d'organiser les travaux du Conseil. Elle doit réconcilier les positions et dégager le compromis qui récolte le consensus ou la majorité qualifiée. C'est également une position qui offre l'opportunité de pouvoir mettre en avant une question plus particulière. J'entends bien la mettre à profit, en particulier lors du conseil informel qui se tiendra en Région wallonne en septembre prochain.

    Les priorités agricoles de la présidence belge ne sont pas encore arrêtées. Elles font l'objet de discussions intra-belges et devront également coller à l'actualité du second semestre. Je rassure l'honorable Membre que je veillerai à ce que les priorités wallonnes soient dûment prises en compte, en particulier la pérennisation d'une PAC forte avec des instruments de gestion des marchés efficaces, des moyens pour éviter la volatilité excessive des prix et des bases juridiques solides pour renforcer le pouvoir de négociation des producteurs primaires au sein de la chaîne alimentaire.