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Vers un nouveau protectionnisme européen ?

  • Session : 2009-2010
  • Année : 2010
  • N° : 85 (2009-2010) 1

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  • Question écrite du 10/02/2010
    • de STOFFELS Edmund
    • à MARCOURT Jean-Claude, Ministre de l'Economie, des P.M.E., du Commerce extérieur et des Technologies nouvelles

    VSZ/EVZ : « La France souhaite une taxe carbone aux frontières européennes Les importations en provenance des pays en voie de développement seront-elles à l’avenir frappées d’une taxe climatique ? Nicolas Sarkozy, le président d’Etat français en est un fervent défenseur. Il veut ainsi prévenir des distorsions économiques que pourrait encourir l’économie européenne suite aux divergences des obligations de protection du climat qui sont d’application dans les pays en voie de développement et les pays industrialisés. ».

    Il est vrai qu’une application non uniforme des mesures visant à protéger le climat entraîne des risques sur le plan de la compétitivité internationale de nos entreprises. Elles devront produire avec plus de frais tandis que leurs concurrents auront l’avantage du coût réduit.

    Cette discussion est pleine d’actualité dans le secteur agricole, mais risque de devenir tout aussi d’actualité dans les autres secteurs économiques.

    D’un côté, on peut donc comprendre le point de vue de M. Sarkozy. Mais de l’autre côté, ce point de vue ne cache pas une certaine volonté de protectionnisme ce qui nuirait gravement aux relations commerciales avec les pays en voie de développement. N’oublions pas que nous dépendons largement d’importations de matières premières et d’énergies que généralement nous allons chercher « à bon prix » dans ces pays. Si la position de M. Sarkozy sera celle de l’Union européenne, on risque donc, d’une part, un retour de flamme et, d’autre part, de déséquilibrer davantage nos relations avec ces pays.

    Vu que la Belgique présidera prochainement l’Union européenne, la question me semble pertinente à poser au Ministre régional de l’Economie. Monsieur le Ministre est-il au courant de la position du Président de la France ? S’agit-il d’une position capable de trouver une majorité au sein des pays membres de l’UE ? Quel est son point de vue sur cette position ? Quelle sera la position qu’il essaiera de défendre lors de la présidence belge de l’UE ?
  • Réponse du 08/03/2010
    • de MARCOURT Jean-Claude

    Le Gouvernement français s'est en effet engagé depuis 2007 dans un débat sur une taxe carbone ou contribution climat - énergie appliquée aux entreprises et aux importations. En France, ce débat a fait l'objet de plusieurs rapports. Le plus connu est celui remis par l'ancien Premier ministre, Michel Rocard, à l'actuelle Ministre en charge de l'Economie, Mme Christine Lagarde. Ce document de juillet 2009, est le résultat de divers travaux parlementaires et d'une conférence de deux jours qui a réuni des industriels, des syndicats, des environnementalistes et des scientifiques.

    Ses conclusions chiffrent de manière très précise le montant de la taxe mais aussi ce qu'elle rapporterait au trésor français. Elle met en évidence également les distorsions et les inégalités qu'elle pourrait provoquer tant pour les citoyens que pour les consommateurs et appelle donc à des mécanismes de correction.

    Fin 2009, le projet de contribution climat - énergie a été discuté à l'Assemblée nationale en vue d'une entrée en application en 2010 dans le cadre de la loi de finance 2010. Le 29 décembre 2009, il faisait l'objet d'un arrêt du Conseil constitutionnel qui le déclarait contraire à la Constitution. Depuis le 5 février dernier, le texte, toujours en débat donc, fait l'objet d'une consultation - concertation de toutes les parties prenantes. Il pose à l'évidence des interrogations sur son impact sur la compétitivité des entreprises françaises dans les secteurs sensibles ainsi que sur des questions plus difficiles encore comme l'emploi.

    Aujourd'hui, les représentants français au Conseil industrie de l'Union européenne appellent régulièrement de leurs vœux la mise en application d'un mécanisme d'intégration aux frontières de l'Europe ou taxe carbone. Cette position est cependant loin de susciter l'adhésion d'une majorité d'Etats membres mais il n'y a pas de positions claires de l'Union européenne dans ce débat.

    Il faut noter qu'en juin 2009, en plein débat français, l'Organisation mondiale du Commerce (OMC) et le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) publiaient un rapport conjoint qui aborde ce thème (1). Ce rapport examine le lien entre le commerce et le changement climatique. Il passe en revue les politiques et mesures nationales adoptées dans plusieurs Etats pour réduire les gaz à effet de serre et accroître l'efficacité énergétique. Le rapport OMC - PNUE a également tenté d'identifier l'impact de ces mesures sur le commerce international et sur le système commercial multilatéral et notamment des mesures de nature fiscale.

    Dans leurs conclusions, les auteurs notent que la jurisprudence de l'OMC confirme que les règles de l'organisation ne l'emportent pas sur les engagements environnementaux. Ainsi, «si une mesure à la frontière liée au changement climatique était jugée incompatible avec l'une des dispositions fondamentales du GATT, elle pourrait quand même être justifiée au titre des exceptions générales prévues à l'article XX du GATT pour autant que plusieurs conditions soient réunies ». Deux difficultés sont cependant relevées par les mêmes auteurs: la justification de telles mesures d'une part, et la méthode de détermination du prix équitable pour les produits importés, de telle sorte qu'il soit tenu compte du coût, du niveau national ainsi que du respect du système d'échange des droits d'émission.

    Les débats au sujet de ce rapport ont mis en évidence à quel point il est difficile d'appliquer un mécanisme d'ajustement aux frontières qui réponde aux préoccupations des industries nationales tout en contribuant à la réalisation de l'objectif plus vaste d'atténuation du changement climatique.

    Nous pensons que le débat n'est pas mûr au niveau européen. De nombreuses difficultés demeurent. Je n'en citerais qu'une : l'essentielle des compétences fiscales demeurent de niveau national. Ces difficultés ne signifient pas nécessairement qu'il faille fermer la porte au dialogue et à la réflexion. Le principal instrument visant à rencontrer les obligations de protection du climat, est le système des quotas CO2. Ce système doit être revu en 2012. Le système actuel ne nous semble pas favoriser une vision macro-économique à l'échelle de l'Union européenne alors que les grands groupes sont implantés dans divers Etats membres. Le système actuel n'offre pas de possibilité d'adaptation des allocations en fonction de la production réelle et risque de provoquer des distorsions entre des entreprises installées dans différents Etats membres.

    Sous notre présidence, nous entendons aborder cette question. La promotion d'une politique industrielle durable, incluant les PME, en vue de renforcer la compétitivité externe de l'Union européenne, est notre priorité. Sous notre présidence, la Commission publiera une importante communication sur la nouvelle politique industrielle. Nous comptons nous en saisir pour susciter des avancées sur les mesures de nature à contribuer aux obligations de l'Union européenne, de la Belgique et de la Région wallonne, en matière de climat et d'énergie, tout en préservant la compétitivité des entreprises installées en Wallonie.



    (1) « Commerce et changement climatique », Rapport établi par l'OMC et le PNUE, Genève, 2009,