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Les producteurs d'énergie verte pénalisés

  • Session : 2009-2010
  • Année : 2010
  • N° : 229 (2009-2010) 1

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  • Question écrite du 19/02/2010
    • de LEBRUN Michel
    • à NOLLET Jean-Marc, Ministre du Développement durable et de la Fonction publique
    Selon un article paru récemment dans la presse, il apparaît que les producteurs d’énergie verte ont vu leur facture d’énergie augmentée. Cette augmentation paraît pour le moins surprenante alors qu’on incite le citoyen à recourir à cette énergie durable.

    En effet, depuis le 1er octobre dernier, les tarifs de distribution d’électricité de la plupart des gestionnaires de réseau wallons basse tensions sont entrés en vigueur. Pour rappel, ce poste constitue l’un des plus importants dans la facture de courant.

    Ce changement pouvait paraître anodin tant les factures sont déjà complexes. Toutefois, le coût supplémentaire s’avère non négligeable et vise les personnes qui injectent de l’énergie sur le réseau et donc les producteurs d’énergie verte.

    Pourquoi ce changement dans la facturation ? Les gestionnaires de réseau invoquent le développement des énergies renouvelables qui a modifié le schéma classique de livraison de l’électricité.

    En effet, avant, le réseau basse tension voyait l’énergie essentiellement circuler dans un seul sens, le système électrique fonctionnant sur une base centralisée : une centrale électrique produit le courant qui emprunte des lignes haute tension alimentant une nuée de réseaux basse tension auxquels sont connectés les clients finaux.

    Depuis le développement de l’énergie éolienne, ou encore des panneaux solaires et le photovoltaïque, l’énergie parvient via différents canaux et non plus seulement celui de la haute tension. D’une production centralisée, l’on arrive à un système décentralisé.

    La conséquence principale est que les gestionnaires de réseau doivent adapter leurs infrastructures afin qu’elles puissent absorber à la fois l’électricité nécessaire pour répondre à la demande des clients et l’électricité verte produite par les clients.

    Selon le secrétaire général de Synergrid, la fédération des gestionnaires de réseaux d’électricité et de gaz en Belgique, cette injection d’énergie change la donne. Il précise que les producteurs d’énergie verte ne payaient pas les frais de réseau puisque l’énergie qu’il a injectée sur le réseau fait tourner son compteur à l’envers. Mais il a employé le réseau et ce coût est imputé sur les autres utilisateurs du réseau.

    C’est ainsi que depuis le 1er octobre 2009, les gestionnaires de réseau ont décidé de facturer ces coûts d’injection.

    Pour le moment, seuls les gros producteurs sont visés, les résidentiels ayant des panneaux produisant moins de 10 kilovoltampères ne sont pas encore touchés.

    Par contre, toute la filière verte, à savoir l’éolien, le biomasse et le gros photovoltaïque, est directement concernée et l’impact est lourd.

    Selon Ores, la surcharge d’injection oscille « entre 0,5 euro et 3,5 euros le mégawattheure »

    Cette surcharge n’a pas été accueillie les bras ouverts par les producteurs d’énergie renouvelable.

    Il est vrai que cela peut paraître surprenant alors que nous avons des obligations au niveau européen de produire 20% de l’énergie via l’énergie renouvelable.

    De surcroît, même si l’équité vis-à-vis des autres consommateurs d’électricité, peut justifier ce changement de tarification, l’on peut s’interroger si celle-ci n’est pas en contradiction avec la volonté de la Région de favoriser le développement de l’énergie verte.

    En effet, l’impact financier pour les producteurs peut être très conséquent.

    Ma crainte est que cette mesure freine les investisseurs, les entreprises à recourir aux énergies renouvelables, et in fine freine le développement des énergies renouvelables.

    Il est vrai que la Creg a approuvé ces tarifs et cette surcharge en se basant sur un arrêté pris par le Ministre Magnette. Le cabinet Magnette semble conscient de la problématique et aurait demandé à la Creg de mener une étude afin d’examiner la possibilité d’une exonération.

    En attendant que cette étude soit menée et que des mesures soient prises eu égard aux éventuelles conclusions, les producteurs d’énergie verte doivent payer cette surcharge et sont pour le moins furieux.

    Après la suppression de la prime à l’installation des panneaux photovoltaïques pour raisons budgétaires, cette nouvelle facturation constitue un mauvais signal à l’égard de futurs investisseurs.

    Monsieur le Ministre a-t-il eu des contacts avec le Ministre Magnette au sujet de cette problématique ?

    Une solution est-elle envisageable à court terme ?

    Si cette exonération n’est pas possible, envisage-t-il la mise en œuvre de mesures "compensatoires" ?

  • Réponse du 04/03/2010
    • de NOLLET Jean-Marc

    Je remercie l'honorable Membre d'évoquer très justement cette problématique relative aux tarifs d'injection sur le réseau; si la compétence en la matière est fédérale, les effets de cette mesure peuvent mettre à mal les objectifs politiques qui sont du ressort des autorités régionales.

    En effet, l'application d'un tarif d'injection renchérit le coût de production de l'électricité verte, ce qui est incohérent avec les mesures mises en place par les autorités régionales afin d'atteindre les objectifs européens. Depuis 2001 et la première directive relative à la promotion des énergies renouvelables, les autorités régionales, dont la Région wallonne, ont mis en place des politiques proactives afin de réaliser les objectifs européens concernant l'utilisation rationnelle de l'énergie et la production d'énergie à partir de sources renouvelables et de cogénérations de qualité. La nouvelle directive européenne sur la promotion des énergies renouvelables impose à la Belgique de réaliser un objectif contraignant de 13% d'énergie renouvelable dans la consommation finale en 2020. La contribution du secteur électrique dans l'atteinte de ces objectifs, sera essentielle, même si son ampleur doit encore être déterminée avec précision.

    Or il semble clair que l'instauration soudaine d'un tarif pour l'injection sur le réseau de distribution constitue un réel frein au développement de nouveaux projets. Une telle mesure, appliquée de façon soudaine et imprévisible pour les investisseurs, va à l'encontre des politiques mises en place par les autorités régionales, et de nos objectifs européens.

    De surcroît, cette mesure semble discriminer la production d'énergie décentralisée par rapport aux productions classiques centralisées. En effet, ce tarif s'applique uniquement pour les installations raccordées sur certains réseaux de distribution, et pas pour l'injection sur le réseau haute tension, qui représente plus de 90% de la production électrique en Belgique. En outre, les tarifs d'injection ne sont pas appliqués de manière uniforme par tous les GRD, créant ainsi des différences sous-régionales.

    Ensuite, l'instauration d'un tarif d'injection supplémentaire n'est pas justifiée par un surcoût supplémentaire pour les gestionnaires de réseau de distribution (GRD), puisque les frais d'investissement sont déjà inclus dans les tarifs de raccordement et les obligations de service public. De plus, les pertes sur le réseau de transport sont en grande partie évitées et une capacité de transport est ainsi rendue disponible.

    Il semble donc que la justification d'introduire un nouveau terme dans les tarifs d'injection soient sans lien avec un éventuel surcoût supplémentaire lié à cette même injection.

    En automne 2009, une concertation entre l'Etat fédéral et les Régions sur un projet de loi portant confirmation de l'arrêté royal relatif aux tarifs de distribution d'électricité a eu lieu. Dans le cadre de la concertation, les trois Régions ont soulevé le problème des tarifs d'injection en soulignant que ceux-ci allaient à l'encontre des objectifs politiques de développement des énergies renouvelables et de la cogénération, dans le respect des obligations européennes en la matière. Unanimes pour solliciter la suppression ou l'exonération de ces tarifs pour les installations de production d'énergie renouvelable ou de cogénération bénéficiant d'un soutien à la production, les Régions ont demandé une modification de la règlementation. Celle-ci était souhaitée pour fin 2009.

    Suite à la concertation, l'Etat fédéral a sollicité un avis de la CREG quant à la suppression ou l'exonération du tarif d'injection pour les installations précitées. Dans cet avis, la CREG analyse l'impact éventuel de cette exonération ou suppression sur le coût pour les différents types de consommateurs.

    A ce jour, la CREG n'a pas encore rendu d'avis dans ce dossier. Celui-ci est attendu dans les prochaines semaines.

    Nous restons particulièrement attentifs à ce dossier qui a un impact non négligeable sur le développement des renouvelables et de la cogénération de qualité.