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Y a-t-il du gaz non conventionnel en Wallonie ?

  • Session : 2009-2010
  • Année : 2010
  • N° : 331 (2009-2010) 1

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  • Question écrite du 01/03/2010
    • de EERDEKENS Claude
    • à HENRY Philippe, Ministre de l'Environnement, de l'Aménagement du Territoire et de la Mobilité

    Dans le passé, des sondages ont été réalisés à l'effet de vérifier si le sous-sol de la Wallonie contenait soit du pétrole, soit du gaz naturel.

    Monsieur le Ministre peut-il confirmer que le sous-sol de la Wallonie ne contient pas ces précieuses sources d'énergie?

    Quelle fut dans le passé la nature des recherches effectuées et avaient-elles été menées sur l'ensemble du territoire wallon?

    Peut-on avoir en 2010 une confirmation officielle que jamais la Wallonie ne sera une terre de pétrole ou de gaz naturel?

    D'autre part, Monsieur le Ministre a-t-il connaissance de la notion de gaz non conventionnel? Ce gaz bouleverse pour l'heure le marché américain de l'énergie.

    Situé non dans des réservoirs classiques, mais piégé dans des couches géologiques profondes, schiste, argile ou gisements de charbon, ce gaz ne peut être récupéré via des forages horizontaux et une technologie de fracturation hydraulique des roches.

    La Wallonie dispose-t-elle ou non de réserves de gaz non conventionnel ?
  • Réponse du 24/11/2010
    • de HENRY Philippe

    Les structures géologiques et la nature des formations en Wallonie ne la prédestinent pas à espérer la découverte de gisements de pétrole ou de gaz exploitables.

    Des recherches ont eu lieu au 20ème siècle, sans succès. De la lecture des quelques anciens dossiers conservés, il apparaît que les recherches étaient fondées sur des indices aussi minces que des traces d'hydrocarbures solides dans des calcaires ou des pollutions de sources par des carburants ... Rien ne laisse penser à l'existence de gîtes de type pétrolier en Wallonie, dépourvue des structures pièges existant dans le Mésozoïque et le Cénozoïque des grands bassins sédimentaires des pays voisins et de la Mer du Nord.

    Des investigations géologiques de grande ampleur visant notamment à rechercher de telles structures ont eu lieu au début des années 1970.

    Il convient toutefois de signaler l'existence de gisements de schistes bitumineux en Gaume (base de la Formation de Grandcourt, Jurassique; depuis Athus jusqu'à Virton Saint-Mard). Cette couche s'étend sur 250 ha, avec une épaisseur utile de 10 à 12 m utiles, pour un rendement en huile brute d'environ 3%. On les y a extraits, à l'échelle locale, sans grand succès (Aubange, 1840, pour la production d'huiles et de pétrole lampant). Au Grand-Duché de Luxembourg, ces mêmes couches représenteraient 50 années de réserves. Des schistes bitumineux ont également été signalés au XIXème siècle à l'aplomb du filon de Bleyberg (Plombières). Un régime d'exploitation, calqué sur celui des concessions minières, existe pour ce type de roches.

    Dans les années 1980, la Région s'était réservé le droit exclusif de rechercher et d'exploiter le pétrole et les gaz combustibles sur son territoire. Elle avait créé, en 1980, une société de droit public, la RENAT, Société de Gestion et d'Exploitation des Ressources naturelles de la Région wallonne, à cet effet, chargée de gérer les partenariats avec des opérateurs privés. Certains groupes pétroliers ont approché la Région mais aucun projet concret n'en est résulté. Le dernier demandeur a été la S.A. KEMIRA en 1996-97.

    En fait, les gisements les plus prometteurs étaient et sont toujours ceux de gaz de houille (grisou). Toutefois, l'essentiel des bassins houillers est concédé et le droit d'exploitation du grisou dans ces concessions est exclusivement réservé au concessionnaire, propriétaire perpétuel des couches de houille. Jusqu'en 1994, de nombreux captages de grisou sur mines fermées étaient en activité, en particulier dans la région de Charleroi.

    Le Hainaut renferme les charbons les plus riches en matières volatiles ainsi que la plus grande épaisseur cumulée de couches de houille, ce qui explique que le captage de gaz y ait été particulièrement développé des années 1930 à 1994 (il a d'abord été développé comme moyen de prévention des coups de grisou et des dégagements spontanés : on évacuait le gaz des fronts de taille en avant des chantiers). C'est ce qui explique aussi le seul projet concret de Coal Bed Methane (gazéification souterraine) à Thulin, dans les années 1980, malheureusement abandonné, malgré quelques manifestations d'intérêt sporadique jusqu'il y a quelques années.

    C'est cette même zone à charbons riches en matières volatiles du Hainaut qui fait l'objet de l'attention actuelle sociétés étrangères et belges ainsi que de certains concessionnaires miniers.

    Dans le cadre du Programme de Révision de la Carte géologique de Wallonie (6ème Plan triennal 2007-2010), il a été demandé au Géologue Bernard Delcambre, spécialiste du Houiller, de déterminer les zones des bassins du Centre et de Charleroi potentiellement les plus intéressantes du point de vue du captage de gaz de houille. Son étude - en fin de rédaction - conclut à l'existence de six zones intéressantes au sud et à l'ouest de Charleroi, dans lesquelles des investigations complémentaires seraient à mener.

    Pour ce qui est des gisements de gaz non conventionnels, les éléments de réponses à la question écrite n° 2010/567 de M. Cl. EERDEKENS, ayant le même objet, sont reproduits ci-après.

    La notion de "shale gas" est improprement traduite par "gaz de schiste". Cette dénomination anglo-saxonne recouvre en fait une série de gisement de gaz naturel non conventionnels, et en particulier les gisements de roches à grain fins à très fins, relativement imperméables (shales, siltites, voire certains grès et calcaires ... ) et riches en matières organiques. Ces roches sont du type de celles qui ont servi de matrice originelle aux hydrocarbures liquides et gazeux. Ceux-ci, après avoir migré, au cours des temps géologiques, vers des roches réservoirs poreuses sous couverture étanche, s'y sont concentrés et ont ainsi constitué les gisements de gaz et de pétroles classiques.

    A part dans quelques cas favorables exploités depuis la première moitié du XIXème siècle (Etats-Unis, Canada), ces réservoirs non conventionnels n'ont jamais été exploités à grande échelle jusqu'à ces vingt dernières années, pour des questions de coût de production. En effet, ces roches sont trop imperméables pour que les fluides puissent migrer vers les puits d'extraction et nécessitent des techniques spéciales de forage horizontal et de stimulation des couches. Actuellement, la production de shale gas aux USA représente environ 10% de leur consommation et est appelée à augmenter (jusqu'à 50% de la production d'ici 2020).

    Les bonnes zones de forages sont plus faciles à déterminer dans le cas de couches géologiques étendues de type "shales à gaz" (géologie "classique") que dans le cadre de la recherche de structures-pièges à pétrole et à gaz conventionnelles (recherche de structures géologiques aux caractéristiques particulières), ce qui minimise les risques au niveau des investissements préparatoires.

    L'exploitation de ces gisements implique de fracturer artificiellement la roche à partir de puits forés, verticaux, inclinés ou horizontaux; dans un certain volume autour du forage, puis de pomper le gaz. Le rayon d'action limité de ce type de puits nécessite d'en creuser en grand nombre à très peu de distance les uns des autres (quelques centaines de mètres), sur de grandes surfaces, pour obtenir une production suffisante et durable. Ces puits doivent être reliés par un réseau de pipelines aux installations de purification et au réseau de distribution.

    La technique est adaptée aux grands espaces peu densément peuplés et peu morcelés. Certains champs d'exploitation aux Etats-Unis comptent des centaines de forages (jusqu'à 2.500).

    Par ailleurs, la technique est assez lourde au niveau environnemental, chaque opération de fracturation nécessitant 10.000 à 20.000 m3 d'eau mélangée de sable et d'adjuvants chimiques. L'eau injectée sous très forte pression est récupérée via un second forage et doit être traitée avant rejet dans les eaux de surface ou le réseau d'égouttage.

    Les couches géologiques en Wallonie se présentent en général selon des structures plissées, voire chiffonées, et affectées de failles, avec des zones d'affleurement souvent étroites. Des formations de shales sont fréquemment intercalées entre des formations gréseuses ou calcaires, renfermant souvent des aquifères exploités, pouvant compliquer l'implantation des forages. En principe, ces forages sont rebouchés après pose d'un bouchon profond et cimentation de la colonne supérieure.

    Du point de vue réglementaire, rien ne s'oppose à ce qu'un candidat exploitant introduise, dès aujourd'hui, une demande de permis exclusif de recherches ou d'exploitation de gaz combustibles, dans un périmètre donné, sur base d'une étude préalable qu'il aurait menée. La demande sera alors publiée et mise en concurrence avec d'autres demandes. Ce permis obtenu, chaque puits devra faire l'objet d'une demande de permis unique (forage, installations sur la tête du puits), après accord du propriétaire des terrains (ou procédure d'occupation des terrains).

    En Wallonie, en dehors des formations houillères, les niveaux de shales ou de siltites qui pourraient renfermer des gisements de gaz naturel de ce type sont rares et très peu épais. Ils sont principalement localisés dans le Massif de Stavelot (notamment les "schistes noirs" de la Formation de La Gleize et d'autres niveaux interstratifiés dans le Calédonien) et dans le Cambro-Silurien du Massif du Brabant. Leur contenu potentiel en gaz reste inconnu, même s'ils sont connus pour être riches en matières organiques.

    Nous ne connaissons aucune étude ou indication récentes qu'un tel gîte ait été reconnu chez nous. Toutefois, le Service géologique de Belgique s'étant replié depuis une bonne vingtaine d'années sur des missions purement scientifiques, à l'exclusion des missions de nature économique, et en l'absence de service wallon équivalent ou de géologues de la Région affectés à l'étude et au recensement des ressources minérales et énergétiques du sous-sol, il n'est pas possible d'être plus précis à ce propos.

    Il importe de signaler que le gaz de houille (grisou, soit du méthane avec quelques impuretés) n'entre pas dans la catégorie des "shale gas" : il s'agit de gaz directement lié à la houille en place ou de ce même gaz qui a migré dans les roches encaissantes, voire dans d'anciens travaux miniers.

    L'exploitation du gaz naturel du Houiller semble, a priori, plus prometteuse en Wallonie que celle de shale gas, du fait de la grande richesse en matières volatiles de nos charbons (surtout dans le Hainaut). Deux projets sont en cours d'instruction. Certains concessionnaires miniers s'y intéressent également.