/

La sensibilisation des agriculteurs aux effets néfastes des pesticides sur leur santé

  • Session : 2009-2010
  • Année : 2010
  • N° : 74 (2009-2010) 1

2 élément(s) trouvé(s).

  • Question écrite du 11/03/2010
    • de SENESAEL Daniel
    • à TILLIEUX Eliane, Ministre de la Santé, de l'Action sociale et de l'Egalité des chances

    Lors d’un colloque organisé à Marseille, ce vendredi 5 février, par la Ligue contre le cancer, Bertrand Nadel (Centre d’immunologie de Marseille-Luminy) a présenté des résultats obtenus lors d’une étude (Agrican) lancée en 2005. Selon son étude, il existe un lien entre l’exposition des agriculteurs aux pesticides et des anomalies du génome pouvant faire se développer un cancer.

    Les chercheurs ont mis en évidence des biomarqueurs qui témoignent d’un lien moléculaire entre l’exposition des agriculteurs aux pesticides, l’anomalie génétique et la prolifération de ces cellules, qui sont des précurseurs de cancer.

    Madame la Ministre a-t-elle pu prendre connaissance de cette étude ou, à tout le moins, de ses conclusions ?

    Des études de ce type ont-elles été réalisées en Région wallonne ? Si oui, quels en sont les résultats ? Sinon, Madame la Ministre compte-t-elle diligenter une étude de ce type ?

    Par ailleurs, en concertation avec son collègue en charge de l’Agriculture, Monsieur Lutgen, Madame la Ministre entend-elle mettre sur pied des mesures de sensibilisation des agriculteurs aux risques qu'ils encourent pour leur santé en étant en contact régulier avec des pesticides ?


  • Réponse du 18/03/2010
    • de TILLIEUX Eliane

    Les résultats de l'étude que l’honorable Membre évoque ont été publiés en juin 2009 dans « The Journal of Experimental Medicine » sous le titre « Agricultura pesticide exposure and molecular connection to Iymphomagenesis ». La mise en évidence de biomarqueurs qui témoignent d'un lien moléculaire entre l'exposition des agriculteurs aux pesticides, une anomalie génétique et la prolifération de cellules qui sont des précurseurs de cancer est effectivement très intéressante. Cette étude semble avoir été menée de façon très rigoureuse. Elle ouvre des perspectives intéressantes.

    Néanmoins, nous sommes loin de pouvoir envisager « une stratégie de dépistage précoce de cancers du système lymphatique au sein de cette catégorie de personnes spécifiquement exposées » sur base des résultats disponibles.

    De manière générale, on estime aujourd'hui que la part attribuable aux expositions professionnelles représenterait 2 à 8% de la mortalité par cancer, soit 500 à 2000 décès par année en Belgique dont 170 à 700 en Wallonie.

    Les résultats des études épidémiologiques ne sont pas toujours concordants quant à l'implication de facteurs de risque professionnels dans l'excès de certains cancers en milieu agricole. Plusieurs aspects épidémiologiques doivent progresser pour améliorer nos connaissances sur ce sujet.

    En premier lieu, il est nécessaire de prendre en compte la diversité et la complexité des expositions agricoles. En ce qui concerne les pesticides, les circonstances d'exposition sont très diverses au sein même des exploitations agricoles:

    - les populations sont également très variées et peuvent présenter des risques spécifiques: femmes, salariés, saisonniers constituent autant de sous-groupes pour lesquels très peu de données spécifiques sont aujourd'hui disponibles;
    - il reste très difficile de caractériser la nature des pesticides utilisés, en particulier de manière historique, du fait de la diversité des produits et des mélanges utilisés sur les différentes cultures et en fonction des nuisibles combattus.

    La diversité des tâches réalisées, les conditions d'utilisation, les mesures de protection individuelle et les matériels de traitement qui dépendent fortement des types de cultures rendent les mesures des niveaux d'exposition complexes, voire impossibles.

    En second lieu, les activités agricoles comportent, en dehors des pesticides, d'autres expositions pouvant être impliquées dans la genèse de cancers, comme des huiles et fuels, des solvants, des peintures, des fumées, des poussières organiques et inorganiques, le soleil ou des virus animaux qui ont fait l'objet de très peu d'investigations épidémiologiques à ce jour.

    Enfin, le nombre de cas exposés était souvent faible dans les études épidémiologiques menées auparavant.

    Ceci dit, dès lors que dans la composition des pesticides, des substances reconnues comme cancérogènes sont identifiées, il ne faut pas attendre d'avoir toutes les preuves épidémiologiques pour prendre les mesures coercitives à cet égard.

    Cela passe par la réglementation et, entre autres, par le Programme fédéral de réduction des pesticides et des biocides dont la première version a été lancée en 2005.

    La Belgique est en train de préparer le lancement d'un NAPAN (Nationaal Actie Plan d'Action national), transposition en droit belge de la nouvelle Directive Cadre Pesticides européenne publiée le 24 novembre 2009. Celle-ci impose à chaque Etat membre de définir, pour le 14 décembre 2012 au plus tard, un plan d'action national qui vise à une utilisation durable des pesticides.