La décision de la Commission européenne concernant des OGM
Session : 2009-2010
Année : 2010
N° : 238 (2009-2010) 1
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Question écrite du 15/03/2010
de TROTTA Graziana
à LUTGEN Benoît, Ministre des Travaux publics, de l'Agriculture, de la Ruralité, de la Nature, de la Forêt et du Patrimoine
J’ai récemment interrogé Monsieur le Ministre sur la position de la Commission européenne au sujet des OGM et je m'inquiétais de la volonté de cette dernière d'autoriser la culture de certains d'entre eux dans l'Union européenne.
Une étape importante, qu'on peut considérer comme regrettable, a été franchie le 2 mars dernier car, comme Monsieur le Ministre le sait, la Commission a adopté plusieurs décisions concernant des OGM.
La première décision concerne l'autorisation de cultiver la pomme de terre génétiquement modifiée Amflora dans l'Union à des fins industrielles (par exemple pour la production de papier). La deuxième décision porte sur l'utilisation de produits dérivés de l'amidon d'Amflora en tant qu'aliment pour animaux.
La Commission a également adopté trois décisions concernant la mise sur le marché de trois produits contenant du maïs génétiquement modifié destinés à être utilisés dans l'alimentation humaine et animale, mais pas pour la culture.
Dans sa réponse à ma dernière question orale sur le sujet, Monsieur le Ministre m'indiquait, concernant l'autorisation de l'Amflora et du maïs MON810 qu' « il n'en reste pas moins que la décision relève du Conseil européen ». Pourtant, les Etats membres n'ayant pu se prononcer dans le cadre du Conseil, les dossiers des cinq autorisations mentionnées précédemment ont été renvoyés à la Commission européenne pour décision.
Dans son communiqué, cette dernière indique que la décision d'autorisation de culture d'Amflora « repose sur une somme considérable de connaissances scientifiques rigoureuses» et , selon le commissaire à la santé et à la politique des consommateurs, John Dalli, « aucune nouvelle question scientifique n'avait besoin d'être analysée plus avant ». Cette déclaration est pour le moins interpellante, En effet, peut-on aujourd'hui affirmer clairement que ces OGM ne comportent aucun risque pour la santé humaine et pour l'environnement?
La Commission dit aussi prévoir, dans sa décision, des « conditions de culture strictes afin d'éviter que des pommes de terre transgéniques ne soient laissées dans les champs après la récolte et que des graines d'Amflora ne soient répandues accidentellement dans l'environnement ». Je souhaiterais avoir l’avis de Monsieur le Ministre à ce propos dans la mesure où la coexistence des deux types de cultures semble impossible.
Enfin, considérant ce package de décisions ainsi que la Présidence belge de l'UE, quels sont les résultats des contacts de Monsieur le Ministre avec ses homologues flamands, bruxellois et fédéraux ? Les prises de position, en préparation des débats de la Présidence belge, ont-elles été précisées ? Le cas échéant, peut-il les détailler ?
Réponse du 08/04/2010
de LUTGEN Benoît
Personne n’ignore la position que je défends depuis de nombreuses années par rapport aux OGM relayant l’inquiétude de nombreux citoyens, agriculteurs et acteurs de la filière.
Lors de la précédente législature, après un débat parlementaire approfondi, j’ai proposé une réglementation régionale visant à strictement limiter toute culture OGM en Wallonie. Le décret coexistence adopté en 2008 et son arrêté d’application adopté en 2009 constituent une protection importante par rapport au développement des cultures génétiquement modifiées en Région wallonne. Il s’agit d’un outil réglementaire extrêmement ambitieux qui définit les principes suivants :
- les distances de sécurité entre les cultures génétiquement modifiées et les cultures conventionnelles et biologiques les plus drastiques d’Europe ; - les cotisations destinées au contrôle des cultures OGM et à l’alimentation du fonds de compensation instauré par le décret selon le principe « pollueur = payeur » ; - les obligations strictes et exhaustives des producteurs qui envisagent des cultures OGM ; - l’information à la population de manière absolument transparente ; - les critères participatifs qui permettent d’établir des zones sans OGM.
La récente autorisation par la Commission européenne de la pomme de terre AMFLORA est l’étape finale d’une procédure qui aura duré 14 ans.
Les scientifiques de l’EFSA (Autorité Européenne de sécurité des aliments) ont rendu un avis favorable, estimant que le gène de résistance aux antibiotiques étant déjà répandu dans les microorganismes présents chez l’homme et dans l’environnement, concluant sur cette base qu’il n’y a pas de raisons d’en restreindre l’usage.
L’EFSA minimise également le risque de flux de gènes modifiés : il est vrai que le risque de contamination via les plantes sauvages ou le pollen est très faible (pas de plante sauvage compatible et production de pollen très faible chez les pommes de terre), mais les craintes viennent surtout du fait que les pommes de terre se multiplient aussi par voie végétative, sans pollinisation, juste au départ des tubercules restant dans les champs après la récolte. C’est là que je vois un danger de dispersion qui justifie pleinement l’application du principe de précaution.
A la question de savoir si ces variétés OGM de pomme de terre ou de maïs sont cultivées dans notre pays, la réponse est clairement « non ». Il n’y a aucune culture d’OGM en Région wallonne. Je ne pense pas non plus que les agriculteurs voudront se tourner vers ce type de culture : le seul maïs OGM autorisé n’est d’ailleurs pas adapté à nos conditions de culture ; et pour la pomme de terre, l’industrie de l’amidon est absente de notre pays.
Lorsque la Commission européenne annonce son intention de revoir le système d’autorisation, je suis inquiet. Il y a des améliorations à apporter au processus décisionnel, mais je ne suis pas favorable au système proposé par certains, qui laisserait aux Etats membres le choix d’accepter ou refuser la mise en culture d’un OGM sur leur territoire. Je crains les dérives d’ordre pratique, notamment vis-à-vis des contaminations frontalières et des filières alors que nous vivons de plus en plus dans une agriculture à l’échelle européenne où les frontières s’estompent. Il faut également prendre en compte les risques de distorsions de concurrence au sein du marché européen.
Il va falloir être très attentif à ce chantier et aux conditions qui seraient liées à cette ouverture de la Commission, pour que ceci ne soit pas un marché de dupe, qui viserait en parallèle à faciliter les autorisations de mise sur le marché ou à rejeter le principe d’une analyse socio-économique solide telle que souhaitée par beaucoup.