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La tendance vers 10 % de logements publics

  • Session : 2009-2010
  • Année : 2010
  • N° : 280 (2009-2010) 1

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  • Question écrite du 16/03/2010
    • de STOFFELS Edmund
    • à NOLLET Jean-Marc, Ministre du Développement durable et de la Fonction publique

    Le prédécesseur de Monsieur le Ministre poursuivait, d’une part, une politique encourageant – disent les uns – ou obligeant – disent les autres – les communes à introduire des demandes de subsides pour la création et l’entretien de logements publics de façon à tendre progressivement vers 10 % de logement public (toutes catégories confondues) sur leur territoire. Le terme « tendre progressivement » étant une notion sujette à interprétation parce que non liée à une échéance raisonnable. Cela peut donc nous mener à un chantier pour un siècle ou à un chantier pour deux législatures.

    D’autre part, il a veillé à ce que son collègue inscrive dans les règles concernant le fonds des communes des sanctions au cas où la commune ne ferait pas d’efforts pour tendre vers ces fameux 10 %.

    Je me suis penché sur la question, non pas en essayant d’identifier les bons et les mauvais élèves. Quoique l’exercice soit intéressant dans la mesure où il permet d’identifier les communes qui mènent une politique active sur le plan social et celles qui préfèrent « renvoyer les cas sociaux » vers leur commune voisine. Mon principal souci est de savoir où nous en sommes et ce que nous devons mettre en œuvre si la déclaration de votre prédécesseur ne doit pas rester une annonce sans suite.

    Venons-en aux faits : le secteur du logement de service public (soit environ 104.000 logements sociaux) offre un toit à 213.126 personnes, (97.950 familles) soit 6,2 % de la population wallonne. Les locataires appartiennent aux catégories socio-économiques les plus faibles. Trois chefs de ménage sur 4 sont sans activité professionnelle. Entre 1995 et 2007, la proportion d’actifs parmi les chefs de ménages locataires a diminué de 35 %. Les pensionnés représentent 31 % des chefs de ménages locataires, les chômeurs 28 %, les bénéficiaires du revenu minimum d’intégration 5,9 %. Le revenu moyen des ménages locataires sociaux en Wallonie s’élevait à 14.488 € en 2007. Le nombre de demandes de logement social en attente s’élevait au 31 décembre 2007 à 31.910. La majorité d’entre eux sont des ménages en état de précarité, par conséquent prioritaires. (source : Echos du logement)

    Selon l’IWEPS, nous disposons en Région wallonne d’un parc de logements constitué de 1.400.000 logements. 10 %, cela fait donc globalement 140.000, soit environ 36.000 de plus que nous en avons actuellement. La DPR prévoit d’en créer 2.000 par an, soit environ 10.000 pendant cette législature. Pour atteindre l’objectif, il nous faudra donc 3,5 législatures, soit 17 à 18 années. Au coût moyen de 120.000 euros par logement (studio ou appartement), nous aurons besoin de 4,3 milliards d'euros ou encore de 240 millions d'euros chaque année pendant 17 à 18 années pour atteindre l’objectif ambitieux du prédécesseur de Monsieur le Ministre.

    Et encore, dans le calcul que j’ai fait ne sont pas incluses les évolutions démographiques qui nous mettront devant des défis dont nous ne mesurons pas encore l’ampleur ni les exigences en matière de performance énergétique des logements sociaux existants. En termes d’évolution démographique, qu’est ce qui nous attend ? Selon l’IWEPS et l’INS, la démographie wallonne va être caractérisée par les tendances suivantes :

    - augmentation du nombre d’habitants d’ici 2020 de 320.000 personnes (pour 4/5 lié à l’immigration et pour 1/5 lié au solde des naissances et des décès). Ce seront 320.000 personnes en plus que nous devrons loger ;
    - l’éclatement du noyau familial prendra encore de l’ampleur ce qui nous met devant le défi de créer principalement de petits logements ;
    - le vieillissement de la population nécessitera que nous pensons le logement non pas seulement en termes de briques mais aussi de services (notamment en faveur des personnes en perte d’autonomie) ;
    - la prolongation de la durée d’un emprunt hypothécaire de 15-20 ans à 25-30 ans nous mène à des situations où les personnes âgées de 55 et plus continueront toujours à rembourser leur prêt, pour autant qu’ils ne perdent pas l’emploi à cet âge où le risque de ne pas en trouver un nouveau est énorme. Risquant de perdre leur logement, ils seront des candidats pour un logement social ;
    - le nombre croissant de familles mono-parentales augmente le nombre de situations qui peuvent être considérés comme des situations à risque, notamment parce que cette catégorie de familles aura nettement plus difficile à gagner la confiance d’un bailleur privé ;
    - etc.

    Avec ces quelques éléments, je pense avoir illustré que la politique du logement risque de nous poser encore quelques casse-tête nous obligeant de viser des résultats concrets bien plus ambitieux que les annonces faites lors de la législature passée.

    Et c’est en même temps une chance, car la politique du logement contribuera plus que tout autre politique à répondre aussi à des objectifs autres que de répondre aux besoins fondamentaux de la population en matière de logement. En effet, elle pourra contribuer à

    - relancer la machine économique et de création d’emplois ;
    - diminuer les émissions de GES et à la protection du climat ;
    - faire face aux évolutions probables démographiques et de société.

    De deux choses l’une : soit nous abandonnons l’objectif inatteignable, soit nous nous donnons les moyens pour l’atteindre. Monsieur le Ministre inscrit-il sa politique en matière de logement dans la continuité de celle de son prédécesseur, notamment en ce qui concerne l’objectif des 10 % de logements publics ?
  • Réponse du 07/04/2010
    • de NOLLET Jean-Marc

    Tout d'abord, je tiens à signaler que je ne m'inscris pas dans la perspective fataliste en estimant que l'objectif de 10% de logements sociaux semble inatteignable.

    Je suis cependant réaliste et je mesure l'ampleur de la tâche à l'aune du nombre de logements qui sont produits annuellement en comparaison de ceux qui sont nécessaires et le seront dans le futur. Toutefois, au regard de l'apport de la politique du logement aux autres objectifs économiques, environnementaux et sociaux que se fixe la Région le fait de fixer un objectif ambitieux me semble stimulant en termes d'énergie et de dynamisme.

    L'honorable Membre aborde la question sous l'angle financier.

    Mais le problème est multiforme car des problèmes pratiques se posent sur le terrain et le rythme de réalisation est plus lent que ce que ne permet la mise à disposition de moyens financiers. C'est cette situation qui nous amène à ne lancer le prochain programme d'ancrage communal qu'en 2012.

    Il s'agit pour moi d'un premier problème à résoudre et j'ai chargé les principaux acteurs concernés (SWL, DG04 et UVCW) d'établir un rapport précis sur le processus de réalisation de logements et de me faire des propositions pour diminuer concrètement le délai de mise en œuvre.

    Outre ce problème fondamental, pour résoudre la question du financement de la production de nouveaux logements sociaux, différentes possibilités doivent être activées simultanément. Ainsi, en plus des filières classiques de subventionnement pour les sociétés de logement ou les acteurs tels que le Fonds du Logement, l'action des autres acteurs publics que sont les communes, CPAS, doit être encouragée et mieux soutenue.

    Par ailleurs, dans cette même optique, diverses pistes sont proposées par différents acteurs et je n'en citerai que quelques-unes parmi les plus récentes sans me prononcer quant à leur pertinence ni à leur efficience.

    Ainsi, certains, comme l'Institut Emile Vandervelde, prônent des sanctions financières très importantes pour les communes qui ne s'inscriraient pas activement dans la politique de l'ancrage.

    D'autres voient en l'augmentation de la prise en gestion de logements conventionnés une piste intéressante pour augmenter à moindre coût le parc accessible aux plus bas revenus.

    Le secteur privé propose également des formules de partenariat qui offrent certaines perspectives.

    A cet égard, j'examinerai avec attention les résultats de l'expérience des deux sociétés d'économie mixte auxquelles participe la SWL et qui ont pour but la construction de 200 logements par an.

    En termes de moyens financiers, je rappellerai que ce ne sont pas moins de 320 millions d'euros qui sont destinés à la politique du logement.

    Ces différentes propositions me confortent dans le point de vue que seule l'action conjuguée de nombreux acteurs permettra d'atteindre les objectifs fixés.