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Les jeunes à haut potentiel

  • Session : 2009-2010
  • Année : 2010
  • N° : 87 (2009-2010) 1

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  • Question écrite du 01/04/2010
    • de BAYET Hugues
    • à TILLIEUX Eliane, Ministre de la Santé, de l'Action sociale et de l'Egalité des chances

    Parmi les jeunes qui peuvent vivre difficilement leur adolescence, il y a ces jeunes que l'on qualifie de « jeunes à haut potentiel » ou plus classiquement de «surdoués ». On sait aujourd'hui qu'un nombre très significatif de ces jeunes, loin de tirer profit de leur potentiel, s'en trouvent au contraire avec un fardeau supplémentaire sur les épaules. Parmi les difficultés typiques identifiées par les spécialistes, on peut citer le décrochage scolaire, la dépression existentielle, une perte de confiance en soi et dans les autres, certaines formes de violences contre soi ou contre les autres ...

    Tout cela serait lié à un fonctionnement cérébral différent allant de pair avec une sensibilité extrême. On dit de ces jeunes qu'ils sont de véritables éponges gérant difficilement un trop plein d'informations et d'émotions. Certains observateurs évoquent une fréquence de suicides plus importante que la moyenne.

    Ce lundi 1er mars, au Parlement de la Communauté française, en Commission de la Jeunesse et de l'Aide à la Jeunesse, j'ai interrogé Madame la Ministre Evelyne Huytebroeck sur l'aide que la Communauté pouvait apporter en dehors du cadre scolaire, à ces jeunes et à leurs parents, compte tenu du fait qu'une bonne partie de l'aide apportée aujourd'hui l'est par des associations privées qui satisfont certains parents mais qui demeurent inconnues de beaucoup d'autres et dont le discours et les méthodes sont parfois contestés.

    Dans sa réponse, Madame Huytebroeck s'est notamment montrée favorable à une réflexion commune avec le monde l'enseignement, les CPMS et les centres de santé mentale.

    Que pense Madame la Ministre de cette proposition ? Quelles sont les actions de son administration dans ce domaine ? Est-elle favorable et à quelles conditions à une concertation - comité interministériel ou autre formule - avec ses Collègues en charge de l'Aide à la Jeunesse et de l'Enseignement ?
  • Réponse du 27/04/2010
    • de TILLIEUX Eliane

    Les Jeunes à haut potentiel constituent une préoccupation située au carrefour des compétences des diverses ressources que vous invitez à la réflexion.

    D'emblée, je considère qu'il serait pertinent d'envisager une concertation entre le monde enseignant, les CPMS, les PSE, l'aide à la jeunesse et les ressources en santé mentale.

    En outre, quelques éléments méritent d'être soulignés.

    Il est important de préciser que la mission des Services de santé mentale concerne l'axe curatif.
    Il n'existe pas d'action spécifique concernant les jeunes à haut potentiel. En effet, les prises en charge de ces jeunes se font dans l'aspect thérapeutique, non du « haut potentiel », mais bien de la souffrance engendrée par la situation autour du « haut potentiel ». Les Services de santé mentale sont donc souvent interpellés pour les symptômes que l’honorable Membre évoque et non parce que le jeune présente un « haut potentiel ».

    Il nous semble ici primordial de rappeler que l'axe de la prévention est celui à privilégier. Il convient d'éviter que les jeunes arrivent à de tels niveaux de souffrance qui les amènent à consulter les services de santé mentale.

    Cependant, j'émets une réserve quant au danger de l'étiquetage « haut potentiel ». En effet, si les souffrances exprimées par les troubles des jeunes sont expliquées par la capacité de haut potentiel, il faut savoir que l'effet du diagnostic semble parfois plus bénéfique à l'entourage qu'au jeune lui-même, dans le sens où celui-là s'en trouve rassuré. De même, il faut se demander si le diagnostic « haut potentiel» n'aurait pas une connotation différente chez les jeunes comparativement aux adultes qui se découvrent tels et peuvent plus aisément en tirer une satisfaction.

    Je tiens à éviter que cette identification comme « haut potentiel» ne génère une stigmatisation. En effet, une telle identification entraîne des répercussions différentes en fonction du système de vie des jeunes. Les systèmes relationnels des jeunes, tels que la famille, peuvent vivre comme une connotation positive cette explication « haut potentiel». Le milieu scolaire pourrait lui aussi résonner favorablement. Pourtant, certains jeunes ne sont pas soulagés par cette identification « haut potentiel » bien que « gratifiante ». L'individu, ainsi qualifié, peut se sentir valorisé ou à l'inverse subir de l'extérieur ou s'infliger une pression qui, au final, sera dévalorisante. Les attentes peuvent alors générer des problèmes relationnels, voire des troubles de la personnalité. Il y a danger car « haut potentiel» est souvent compris comme capable ou extrêmement capable. Dès lors, le jeune pourrait se voir qualifié de « paresseux », de « non collaborant » ou « de mauvaise volonté ». Ce risque complique alors la prise en charge thérapeutique. J'insiste sur l'attention à porter à la communication du diagnostic. Comment celui-ci va-t-il être communiqué et expliqué aux personnes concernées par le jeune et au jeune en particulier?

    L’honorable Membre l'aura compris: je suis favorable à sa suggestion de concertation. Cependant, il me semble que les ressources des Services de santé mentale sont à percevoir comme de deuxième ligne par rapport à l'axe préventif.

    Le réseau de prise en charge de ces jeunes devrait d'abord être constitué de l'enseignement, le milieu naturel dans lequel le jeune évolue une grande partie de son temps.

    Les Services de santé mentale, quant à eux, constituent une ressource quand le diagnostic n'a malheureusement pas été posé en amont.

    Enfin, il ne faut pas confondre « haut potentiel » avec quotient intellectuel. L'évaluation de l'intelligence n'a pas de sens pour ces jeunes sans le relief apporté par une évaluation émotionnelle. Les aspects projectifs et leur analyse demandent du temps. Il me paraît indispensable également de prendre en compte et de connaître les réseaux relationnels des jeunes.

    En conclusion, premièrement, la concertation doit réunir prioritairement les premières lignes de contact auprès du jeune, l'entourage, le milieu scolaire, les CPMS, les PSE. Deuxièmement, les axes de prévention et d' information prévalent dans les situations de « haut potentiel» qui, dès lors qu'ils sont bien développés, devraient permettre de réduire la souffrance de ces jeunes et ne pas impliquer de prise en charge thérapeutique.