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Le suicide chez les jeunes.

  • Session : 2001-2002
  • Année : 2002
  • N° : 12 (2001-2002) 1

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  • Question écrite du 21/03/2002
    • de BERTOUILLE Chantal
    • à DETIENNE Thierry, Ministre des Affaires sociales et de la Santé

    Nous avons pu lire dans la presse combien le suicide en général, et chez les jeunes en particulier, est un fléau qu'il nous faut combattre prioritairement.

    Les suicides représentent la deuxième cause de mortalité (20 %) pour les hommes de 15 à 24 ans et la troisième pour les filles du même âge. C'est la première cause pour les hommes de 25 à 34 ans.

    Je ne vais pas revenir sur les causes largement connues du suicide.

    Le deuxième congrès international de la Francophonie en prévention du suicide se tiendra à Liège en novembre prochain autour du thème central des réseaux. Il s'agit de mieux organiser les interactions entre les différents acteurs en matière de prévention.

    Un large travail de prévention doit être mené, mais pas seulement: un accompagnement après une tentative ratée doit être idéalement prévu, un accompagnement pour les proches également. Leur formation, leur information à la détection d'indice de symptômes pré-dépressifs peuvent aussi se révéler intéressantes. Certaines initiatives en ce sens sont développées, semble-t-il, par la Collègue de Monsieur le Ministre, Madame Nicole Maréchal. Dans quelle mesure la Région wallonne est-elle associée à cette réflexion ? Au-delà de ce congrès de novembre, existe-t-il des structures de coordination des différents acteurs de la lutte contre le suicide ?

    Il me semble qu'il est parfois un peu difficile de ne pas se perdre dans cette forêt d'initiatives locales, provinciales, communautaires, régionales ou privées. A force de multiplier ces acteurs, ne risque-t-on pas d'être confrontés à un effet pervers: les personnes qui sont directement touchées ou qui nécessitent un soutien risquent d'être incapables de trouver le bon interlocuteur au bon moment.

    Une problématique plus méconnue, mais tout aussi inquiétante, est l'augmentation du suicide chez les personnes âgées. Dans un article, Monsieur le Ministre identifiait plusieurs causes de détresse liée à l'isolement, la raréfaction des liens sociaux et à l'absence de solidarité intergénérationnelle. Quelle est l'ampleur de ce phénomène en Région wallonne ? Quelles pistes sont suivies par le Gouvernement wallon pour enrayer cet accroissement inquiétant du nombre de suicides au sein de cette tranche de la population ?

    Des tentatives de fonctionner en réseaux vis-à-vis de l'école en développant des relations

    structurelles entre l'inspection médicale scolaire, les centres PMS et les services de santé mentale semblent rencontrer de nombreuses résistances alors que l'école constitue pourtant un terrain préventif privilégié de détection des situations à risques. Qu'en est-il ? Que pense Monsieur le Ministre de ces initiatives ?
  • Réponse du 11/04/2002
    • de DETIENNE Thierry

    Comme l'a souligné l'honorable Membre, la prévention du suicide et l'accompagnement des personnes à risques et de leurs proches font partie des priorités de mon action. Le deuxième congrès international sur la prévention du suicide et les pratiques de réseaux à l'initiative du député Olivier Hamal (Province de Liège), que je co-organise cette année (Palais des Congrès de Liège du 18 au 22 novembre 2002) avec mes collègues Nicole Maréchal (Ministre de la Communauté française chargée de l'Aide à la jeunesse et de la Santé), Didier Gosuin (Ministre de l'Environnement et de la Politique de l'eau, de la Conservation de la nature et de la Propreté publique, et du Commerce extérieur, membre de la CoCoF), est une bonne occasion de mettre cette problématique en débat et d'échanger de manière enrichissante autour des pratiques. Le suicide est une réalité qui nous préoccupe et voici l'occasion d'en parler dans une perspective qui dépasse l'organisation de ce congrès.

    L'actualité récente nous l'a encore montré : le suicide est toujours révélateur d'un drame humain. Développer des actions et prendre des initiatives pour contenir voire même diminuer ces situations dramatiques et leurs incidences font bien entendu partie de la politique que je poursuis en Région Wallonne.

    D'après les données de l'Institut Scientifique de Santé (données 1996), les tentatives de suicide concernent 4% de la population belge (" au moins une fois dans sa vie "). Il y aurait dans notre pays deux fois plus de décès dus au suicide qu'au Pays-Bas. En Communauté française, les suicides représentent pour les hommes de 15 à 24 ans la deuxième cause de décès ( 20% ) et la troisième pour les filles du même âge (12%). C'est la première cause de décès pour les hommes de 25 à 34 ans ( 21%). Mais il ne faut pas l'oublier que le suicide touche toutes les classes d'âges: les jeunes, la population "adulte" et les personnes âgées. En tant que ministre, responsable de la politique du trosième âge en Région wallonne, je suis interpellé par l'importance des suicides des personnes âgées (voir en annexe le tableau de mortalité dans les quatre provinces de la Région wallonne)

    La problématique du suicide est complexe et transversale. Les réponses sont donc complexes et nombreuses. Elles nécessitent la mise en place d'actions adéquates en amont et en aval, préventives et curatives, d'ordre psychologique, médicale, sociale et économique. Je suis à ce niveau sur la même longueur d'onde que ma collègue, Nicole Maréchal, avec qui je travaille en concertation pour la mise en place d'une politique nécessairement transversale.

    Plutôt que de diaboliser ce fléau avec les conséquences souvent contre-productives que cela peut avoir, je préfère mener une politique préventive qui vise à avoir une incidence bénéfique sur les nombreuses causes socio-économiques et psychologiques et une politique d'aide visant à informer, sensibiliser (formation), prévenir les risques et stimuler les réseaux d'aide. Je poursuis une politique qui privilégie le concept de santé globale (recommandé par l'OMS), c'est-à-dire un état de bien-être moral, physique et psychologique.

    Chez les jeunes, les tentatives de suicide sont nombreuses et préoccupantes alors que les suicides sont proportionnellement moins fréquents. Chaque suicide est précédé en moyenne de trois tentatives qui paraissent par conséquence des signaux d'alarme à prendre très au sérieux (prévention). Les conditions sociales défavorables, les tensions intra-familiales, la peur d'une punition, les difficultés liées aux études, à la vie professionnelle, au mariage ou à l'identité sexuelle seraient des facteurs plus déterminants que chez les adultes.

    Concernant les jeunes, je soutiens activement les initiatives de Nicole Maréchal qui en fait une priorité politique. Ainsi, ma collègue a mis en place récemment un groupe de travail autour de la problématique du suicide chez les jeunes, groupe de travail qui réunit les acteurs de prévention, d'accompagnement et de soins, ainsi que les provinces. Ce groupe de travail se penche entre autres sur la détection de symptômes pré-dépressifs et sur la mise en place de formation à ce propos. De manière générale, il vise à stimuler, voire à impulser, une dynamique de réseaux autour de cette problématique. Un budget de 200.000 euros a été débloqué pour 2002 afin de soutenir via des projets-pilotes cette mise en réseau. Je pense d'ailleurs que la logique de mise en réseau qui constitue également un des axes essentiels de travail mené par mon département répond à vos inquiétudes quant à l'éparpillement.

    Quant à moi, au niveau de la prévention du suicide et de l'accompagnement des jeunes, je poursuis deux priorités.

    D'une part, il s'agit de privilégier le décloisonnement du secteur de l'accompagnement des jeunes et donc de stimuler la transversalité.

    D'autre part, je fais de l'augmentation de l'offre de soins ma deuxième priorité. Il s'agit d'ailleurs d'une priorité politique du gouvernement. Un groupe de travail intercabinets se réunit depuis quelques mois avec pour mission de rendre effective cette priorité. J'espère encore être le porteur d'une bonne nouvelle avant la fin de l'année. L'augmentation, le décloisonnement et la diversification de l'offre de soins dans le domaine de la pédopsychiatrie participent d'un accompagnement plus adapté pour ce moment de crise qu'est la tentative de suicide.

    Pour la population "adulte" (35 à 60 ans), les déterminants aux tentatives de suicide et aux suicides malheureusement aboutis sont le plus souvent liés à la santé mentale : dépression, abus d'alcool et de drogues, psychose, … entre autres.

    La Région wallonne dispose de nombreuses ressources et ma politique consiste à l'impulsion de pratiques de réseaux et d'expériences novatrices pluridisciplinaires.

    Ces différentes ressources sont soit des dispositifs de santé et d'assistance comme :

    - les cinq centres de télé-accueil (écoute téléphonique 24h/24h);
    - les septante-neuf services de santé mentale;
    - de nombreux hôpitaux généraux et psychiatriques;
    - les maisons de soins psychiatriques;
    - les habitations protégées et appartements supervisés;
    - les services de soins de première ligne (maisons médicales, généralistes, …);
    - les centres de soins et de services à domicile;
    - les associations de patients et de self-help;
    - les centres spécialisés en matière de toxicomanie;
    - le développement des soins palliatifs (huit plates-formes + formations en soins palliatifs);
    - le soutien à différentes initiatives de prévention du suicide, de soutien au deuil;
    - les dispositifs d'aide aux proches (comme " parents désenfantés ");
    - …

    Soit des dispositifs d'action sociale qui agissent sur des facteurs socio-économiques (exclusion sociale, …) qui font partie des déterminants qui aboutissent au suicide. Je citerai à ce propos :

    - les relais sociaux;
    - les centres d'accueil et les maisons maternelles;
    - les dispositifs de lutte contre la pauvreté;
    - …

    Parmi ces ressources, je tiens à souligner le travail accompli dans le domaine de l'écoute et de l'accompagnement par les cinq centres de télé-accueil (les tentatives de suicide représentent 6% des appels téléphoniques) et par les septante-neuf services de santé mentale. Pour ces derniers, certains projets spécifiques concernant la prévention et l'accompagnement des personnes à risque font partie de demandes d'extension de cadre que j'examinerai avec attention dans les prochaines semaines à la suite du cadastre de ces services que j'ai commandé à la Ligue wallonne de santé mentale.

    Il convient également de souligner le travail accompli par le centre Patrick Dewaere dans la prise en charge spécifique et de manière générale l'important travail de sensibilisation réalisé par la province de Liège.

    Si l'on devait caractériser la problématique du suicide chez les personnes du troisième âge, on devrait dire qu'elle se singularise par un plus grand nombre de suicides "prémédités" et réussis et moins de tentatives de suicide.

    Nous n'avons pas de chiffres fiables qui permettraient d'attester d'une augmentation de ce phénomène ces dernières années. Par contre, même si l'on reste encore discret sur le suicide des personnes âgées (moins médiatisé), celui-ci devient malgré tout plus visible et préoccupant. Les données fournies par l'Institut scientifique de santé attestent de cette réalité et de son importance (voir annexe).

    Je profite de ce constat pour noter l'absence en Belgique d'un relevé épidémiologique systématique de ce phénomène.

    A l'heure de la dépénalisation de l'euthanasie, le suicide des personnes âgées soulève un certain nombre de questions d'ordre éthique notamment en matière d'assistance.

    Dans le cadre de mon mandat sur la politique du troisième âge, je suis particulièrement attentif au renforcement (qualitatif, normatif et sécurisant) de l'accompagnement des personnes plus âgées. Parmi les mesures que j'ai prises, citons :

    - la révision du décret sur les maisons de repos;
    - le développement des soins palliatifs : soutien aux huit plates-formes en soins palliatifs de la Région wallonne et développement de leurs activités de formation vers un public cible (aides-familiales et bénévoles ) en institution ( maison de repos ) et à domicile;
    - le soutien à diverses ASBL travaillant le lien " intergénérationnel " (Entrâges, …);
    - la prévention de la maltraitance à domicile et en maison de repos (A.P.A.M., C.A.P.A.M., Infor-Homes, …).

    S'il n'existe pas de coordination propre aux différents acteurs de lutte contre le suicide en Région wallonne, il existe différents lieux de coordination des réseaux d'aide comme les plates-formes de concertation régionales en santé mentale, les plates-formes en soins palliatifs qui peuvent s'investir de cette problématique et qui le font. Je compte bien les interpeller à ce sujet en marge du congrès qui devrait rassembler l'ensemble des acteurs.