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La surpopulation des sangliers et la réforme de la loi sur l'indemnisation des dégâts de gibier

  • Session : 2009-2010
  • Année : 2010
  • N° : 298 (2009-2010) 1

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  • Question écrite du 20/04/2010
    • de BORSUS Willy
    • à LUTGEN Benoît, Ministre des Travaux publics, de l'Agriculture, de la Ruralité, de la Nature, de la Forêt et du Patrimoine
    Depuis les années 80, la population de sangliers dans les forêts wallonnes a plus que doublé, ce qui ne va pas sans causer de sérieux problèmes aux agriculteurs et aux particuliers. Surtout dans les régions de Wallonie où cette croissance a été plus forte que la moyenne.
    Les raisons de cet accroissement sont multiples. L'absence de périodes hivernales sévères depuis de nombreuses années, l'effet positif du climat sur le potentiel nutritif de la forêt, les pratiques de certains chasseurs qui ne prélèvent plus ou ne parviennent plus à prélever la totalité de l'accroissement du capital gibier ou encore certaines pratiques de nourrissage expliquent cette croissance.

    En raison de leur caractère périurbain, certains massifs forestiers ne sont en effet plus des domaines de chasse, notamment aux abords de Namur et de Liège. Leur fréquentation accrue par le public et le souci de protection de la faune permet donc à ces animaux d'y vivre et de s'y reproduire régulièrement.

    Cette croissance de la population de grand gibier et de sangliers en particulier induit une augmentation des dégâts occasionnés par ceux-ci. Le gibier peut causer deux types de dommages: d'une part, à des personnes ou des biens qu'il heurte. D'autre part, il peut causer des dommages, parfois très importants, à des champs, prairies, aux pépinières ou forêts. Des dégradations au matériel agricole sont aussi constatées. Parfois, les dégâts sont récurrents sur les mêmes parcelles à quelques jours ou quelques semaines d’intervalle.

    Les agriculteurs sont les premiers à se plaindre, depuis longtemps, car leurs récoltes peuvent parfois être détruites ou endommagées sur plusieurs hectares. Cela participe au climat parfois tendu qui existe entre les agriculteurs et certains chasseurs.
    De plus, dans la situation de crise que traverse le monde agricole, il me paraît extrêmement important et urgent de combattre cette situation.

    De plus en plus, les particuliers aussi sont victimes des dégâts de gibier. On ne compte plus les parterres retournés, les pelouses labourées et les récoltes potagères détruites. L'associatif sportif est aussi touché, les sangliers trouvant parfois très à leur goût les pelouses des terrains de football ou les green de golf. Ce fut le cas notamment au golf de Durbuy, au club de football de Habay ou encore au domaine récréatif de Herbeumont.

    Il existe bien une obligation d’indemnisation des dégâts de gibier, au travers de la loi du 14 juillet 1961. Mais il apparaît que celle-ci pose souvent problème dans la réalité et son application ne permet pas toujours une indemnisation rapide de l’agriculteur lésé. En outre, les dégâts causés à des biens privés autres que des cultures ne sont pas couverts. Cela laisse parfois des factures de plusieurs milliers d’euros à leurs propriétaires ou exploitants malchanceux.

    En dépit des mesures que Monsieur le Ministre a déjà prises et qu’il n’est pas nécessaire de rappeler (dates d’ouverture, battues, …), la situation ne semble guère s’être améliorée ces derniers mois.

    Aussi, mes questions sont les suivantes :
    La table ronde qu'il a organisée a émis une série de recommandations dont la facilitation du règlement des dégâts de grand gibier. Une zone, l'Unité de Gestion Cynégétique du massif forestier de Saint-Hubert a été choisie comme zone pilote. Une première évaluation a-t-elle donné de bons résultats ? Quel est le délai moyen d’indemnisation ? Les parties en présence sont-elles satisfaites ?
    Que pense-t-il de l’idée de créer un fonds d’indemnisation des dégâts de gibier ? Cette idée a-t-elle déjà été discutée avec les chasseurs et agriculteurs ?
    Ne convient-il pas de revoir d’urgence la réglementation relative au nourrissage du gibier, particulièrement dans les zones où les populations de sangliers ont explosé ces dernières années ? Monsieur le Ministre suit-il des pistes pour adapter ou modifier cette réglementation ?
    Y a-t-il des mesures concrètes nouvelles ?
  • Réponse du 03/05/2010
    • de LUTGEN Benoît

    Je tiens tout d’abord à préciser que les mesures que j’ai prises dès mon entrée en fonction ont, sans conteste, permis de contenir les populations de sangliers tout en permettant de limiter les incidences pour l’agriculture.

    Pour rappel :

    1° l’augmentation des périodes d’ouverture de la chasse au sanglier qui permet la chasse en battue en plaine dès le 1er août y compris dans les céréales, et la chasse à l’approche et à l’affût toute l’année. En outre, la chasse à l’affût peut être pratiquée de une heure avant le lever du soleil jusqu’à une heure après son coucher ;

    2° la régulation des populations de sangliers à l’aide de battues administratives organisées en dehors de la période fixée pour la chasse en battue, avec délégation au Directeur du Centre de la Division de la Nature et des Forêts (DNF) pour délivrer les autorisations. J’ai déjà adressé plusieurs instructions à l’Administration afin que les autorisations soient délivrées dans les meilleurs délais tout en simplifiant au mieux la procédure ;

    3° l’utilisation de trappes de capture pour sanglier par les agents du DNF dans les endroits où la sécurité et la santé des personnes sont menacées ;

    4° le soutien financier à la recherche scientifique relative à la gestion des ongulés sauvages en Région wallonne ;

    5° l’organisation, par le Président du Conseil supérieur wallon de la chasse, d’une table ronde sur cette problématique.

    Le Département de la Nature et des Forêts ne dispose d’aucune base objective permettant d’affirmer qu’il y a augmentation des dégâts à l'agriculture à l'échelle du territoire wallon. Celle-ci dispose seulement d’indicateurs qu'il faudra suivre dans le temps pour suivre l’évolution de ces dégâts.

    La table ronde a émis une série de recommandations dont « la facilitation du règlement des dégâts de grand gibier ». J’ai décidé, comme le précise l’honorable Membre, de mettre en pratique ces recommandations sur une zone pilote, à savoir l’Unité de Gestion Cynégétique du massif forestier de Saint-Hubert (UGCSH).

    Cette expérimentation a pour objectif d’identifier la nature des dégâts en zone agricole et de proposer des mesures visant à apaiser les tensions entre milieux cynégétiques et exploitants agricoles : désignation d’expert attitré, « préindemnisation », protection, MAE, …

    En fonction de ces résultats, les propositions pourraient être étendues à l’échelle de tous les conseils cynégétiques concernés par le grand gibier.

    Une telle expérimentation demande un certain délai de mise en œuvre, dès lors je ne suis pas encore à même de faire part de résultats à l'honorable Membre.

    En ce qui concerne les délais moyens d’indemnisation, il m’est impossible de les communiquer, à l’instar des estimations relatives aux montants des indemnisations versées aux agriculteurs ou aux propriétaires privés à la suite de dégâts de grand gibier car, dans la majorité des cas, le règlement de ces dégâts se fait à l’amiable, sans l’intervention de la justice.

    La conception et la diffusion d’un logiciel d’estimation des dégâts occasionnés par la faune sauvage, qui a récemment été développé avec mon soutien, contribue grandement à une indemnisation amiable et apporte beaucoup de satisfaction dans le règlement de ces litiges.

    Je ne suis pas partisan de l’instauration d’un Fonds d’indemnisation des dégâts de gibier. Un tel fonds pourrait avoir un effet contraire à l’objectif recherché en déresponsabilisant les acteurs concernés. L'expérience française montre tout de même que ce n'est pas la panacée. Il y a aussi lieu de prendre en considération le coût à la collectivité pour gérer un tel fonds.

    Par contre, je suis partisan de faciliter l'indemnisation rapide à l'amiable des agriculteurs grâce à l'intervention des conseils cynégétiques. Ce volet est étudié dans le cadre de l’expérimentation évoquée.

    Le principe fondamental de la loi du 14 juillet 1961 qui concerne la réparation des dégâts aux fruits et récoltes provoqués par les animaux « grand gibier » est indiscutablement favorable aux agriculteurs. Ceux-ci n’ont en effet pas à prouver une faute dans le chef du titulaire de droit de chasse sur les bois d’où proviennent les animaux « grand gibier » ayant provoqué les dégâts. Pour autant que la provenance des animaux soit établie, ce titulaire de droit de chasse est d’office responsable, aux yeux de la loi, des dégâts commis par ces animaux, sans même qu’il puisse invoquer le cas fortuit ou la force majeure.

    Par ailleurs, je rappelle que le nourrissage du sanglier ne peut être réalisé qu’à titre uniquement dissuasif en vue de protéger les cultures de dégâts importants. Néanmoins, force est de constater que ce nourrissage est détourné de son objectif premier et devient à de nombreux endroits du nourrissage « persuasif ». Cette réglementation et son application sur le terrain devront être évaluées dans les prochains mois en concertation avec tous les acteurs concernés.

    L’expérimentation mise en œuvre au niveau de Saint-Hubert ainsi que les études relatives aux grands ongulés sauvages en Région wallonne seront autant d’éléments qui me permettront d’adapter au mieux les dispositions réglementaires, et notamment le futur arrêté quinquennal.

    S’il s’avère que ces mesures actuelles ne suffisent pas à diminuer l’incidence du sanglier, j’étudierai la possibilité de mettre en place d’autres mesures visant à atteindre l’objectif de réduction de population tout en garantissant les impératifs de sécurité publique et de partage de l’espace rural et forestier.

    De telles mesures ne pourront être prises qu’après avoir entendu le point de vue des chasseurs, des forestiers, des agriculteurs, des environnementalistes et après avoir pris, conformément à la loi, l’avis du Conseil supérieur wallon de la Chasse.