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Le handicap et la sexualité

  • Session : 2009-2010
  • Année : 2010
  • N° : 113 (2009-2010) 1

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  • Question écrite du 03/05/2010
    • de SENESAEL Daniel
    • à TILLIEUX Eliane, Ministre de la Santé, de l'Action sociale et de l'Egalité des chances

    Le journal d'information et de dialogue de L'Entente carolorégienne pour l'intégration de la personne handicapée a publié un numéro spécial dans lequel a notamment participé notre éminente Collègue Sophie Pécriaux, consacré à la question de la sexualité et du handicap. Il réclame le débat sur cette question délicate.

    Handicap et sexualité. Écrire ces deux mots côte à côte pourrait laisser croire qu'il y a une sexualité de la personne handicapée ou une sexualité handicapée. Il faut poser en préalable qu'il n’en est rien: tout être humain désire, éprouve du plaisir et aime, quels que soient son physique et ses déficiences. Il peut y avoir des difficultés dans la réalisation de l'acte sexuel en raison de problèmes moteurs, mais la sexualité ne saurait se réduire à l'acte sexuel.

    Depuis 1946, l'OMS définit la santé comme « un état de complet bien-être physique, mental et social, et qui ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d'infirmité ». Or la sexualité est une des dimensions fondamentales de la santé physique et mentale. Elle est un des moyens de rechercher et de développer notre épanouissement, notre aspiration à vivre heureux. Elle concerne l'ensemble de la personne et pas seulement le fonctionnement génital et le corps. Elle est élément essentiel des relations à soi-même et aux autres.

    La relation entre un homme et une femme c'est l'aventure humaine, faite de doute, d'union et de séparation, de joie et de souffrance, de plaisir. La relation amoureuse ne peut se réduire à des schémas explicatifs. Chaque relation apporte quelque chose d'unique.

    C'est pourquoi, dans le domaine du handicap, la Déclaration de Madrid met en évidence l'égalité des droits et la nécessité de mener des actions positives pour rétablir l'égalité des chances. La Convention de l'ONU sur les droits des personnes handicapées prend en compte la vie affective, relationnelle et sexuelle. Elle insiste sur le droit à une vie affective, relationnelle et sexuelle épanouissante pour toutes les personnes handicapées.

    Dans l'optique de la promotion de la santé, il me semble qu'il est nécessaire d'agir sur plusieurs points

    Si on écoute un peu ces personnes ou si on observe leur comportement dans le domaine amoureux, on constate rapidement qu'on ne leur donne pas les moyens de communiquer, de vivre des relations et de s'épanouir comme couple. Il suffit de se pencher sur les tentatives de rencontre développées par les personnes handicapées sur le web; rencontres où elles sont trop souvent amenées à cacher leur handicap.

    Les représentations sociales liées au handicap et les tabous concernant la sexualité constituent des entraves qu'il s'agirait d'aborder avec vigueur dans les démarches de sensibilisation du grand public. La personne handicapée est infantilisée. Il s'agit donc de modifier nos représentations sociales et politiques.

    Organiser une vie entière de couple semble difficile. Le poids de la contrainte risque de peser très fort dans la relation, surtout si le conjoint doit assumer des soins corporels comme les toilettes, qui ne sont jamais partagés dans un couple, mais restent dans l'Intimité de chacun. Chaque couple devra réfléchir avant de prendre une décision. Il n'y a pas de solution toute faite.

    Aménagements matériels et aide ponctuelle d'un auxiliaire de vie pourraient sans doute laisser un espace de liberté plus grand aux partenaires du couple afin qu'ils construisent ensemble une vie heureuse, ouverte sur le monde. Il y a là des efforts à faire en matière d'information car celle-ci est trop souvent absente. De plus, il convient de penser à développer des formations adéquates pour aider les professionnels dans l'accompagnement quotidien de ces couples.

    Enfin, se pose également la question des personnes handicapées qui ne sont pas en couple mais qui, elles aussi, éprouvent ces besoins. En effet, les conditions sociales de vie constituent souvent des entraves à une vie affective, relationnelle et sexuelle épanouie étant donné leur position d'exclusion dans notre société. Citons par exemple les conditions de vie en services résidentiels et accueil en centre de jour qui ne respectent que trop peu l'intimité des personnes.

    Il convient d'oser débattre, réfléchir et surtout agir sur la question de l'assistance sexuelle. Le silence de la législation en la matière est pesant. Dans les pays scandinaves les prestations de ces assistants sexuels sont remboursées. En Suisse, il y a quelques années, on avait lancé une formation en assistance sexuelle qu'il fallut abandonner, parce que les donateurs s'étaient alarmés d'entendre les médias parler d'«attoucheuses» ou de «caresseuses» ... Depuis, la polémique s'est largement apaisée, et l'association romande SEHP (pour Sexualité et handicaps pluriels) a pris le relais et octroie aujourd'hui un Certificat d'assistance sexuelle.

    Le SEHP recueille les demandes de personnes vivant avec des handicaps physiques et/ou mentaux, ainsi que celles atteintes de maladies dégénératives. Ces demandes sont en majorité des demandes d'hommes souhaitant l'assistance de femmes mais des demandes homosexuelles existent bien sûr aussi. On ne sait pas toujours s'il s'agit d'une homosexualité d'identité ou de circonstance, mais l'essentiel réside dans la réponse vers un peu plus de mieux-être.

    Je pense qu'un débat sur ces questions serait heureux. Qu'en pense Madame la Ministre ? Quelle est sa position sur ces différents sujets ?
  • Réponse du 03/06/2010
    • de TILLIEUX Eliane

    L'Agence agrée plusieurs centaines de services d'accueil de jour et de services résidentiels pour jeunes et adultes. Le respect de l'intimité, l'éducation sexuelle, la vie de couple, la sexualité, la contraception, la parentalité, sont des questions fondamentales qui suscitent débat au sein des institutions et plus globalement au sein de l'Agence.

    L'Agence, et plus particulièrement le service d'Audit et Contrôle ainsi que le service Formation du Personnel du Secteur, encouragent les institutions à la mise en place de groupes de parole. Des formations sont mises à disposition du personnel encadrant afin d'être sensibilisé et se former à cette thématique de la vie affective et sexuelle.

    Actuellement, un « Plan de développement de la bientraitance et de lutte contre la maltraitance » est en chantier à l'Agence. Le but de ce plan est de déployer des actions d'amélioration de la qualité de vie des personnes en institution. Il vise notamment à mettre en place un comité d'éthique. Toutes les propositions d'actions relatives à ce plan sont étudiées en groupes de travail et associent des professionnels du secteur et des collaborateurs de l'Agence. Ces groupes ont pour but de concrétiser un programme et un agenda des actions.

    Dans ce même courant, l'AWIPH a publié deux ouvrages « Secret médical et secret partagé » et « Administrateur provisoire des biens », deux sujets juridiques en lien direct avec cette question.

    La Convention des Nations Unies sur les droits des personnes handicapées, ratifiée en juillet 2009, doit effectivement nous servir de référence dans ce domaine. Cette Convention est un instrument légal obligatoire qui est l'aboutissement d'un processus qui a changé en vingt-cinq ans la vision que la société a des personnes handicapées notamment en ce qui concerne le droit au mariage et à la parentalité.

    En ce qui concerne l'assistance sexuelle, dans le cadre de la mise en place de quelques budgets d'assistance personnelle, ce type de besoins a été évoqué mais n'a pas pu être pris en considération faute de base légale, ces prestations ne sont pas reprises dans les dispositions de l'arrêté du 14 mai 2009. Cette assistance ne fait pas partie des prestations reprises en Flandre pour le même type d'intervention.

    Existe-t-il un droit à la sexualité ? Cela me paraît tout à fait évident.

    Briser les tabous. En finir avec l'hypocrisie. La demande d'assistance sexuelle et la création de services d'accompagnement sexuel pour les personnes handicapées sont présentées comme un progrès vers plus d'égalité, de citoyenneté et de justice.

    C'est plutôt sur la manière de répondre qui pose problème.

    D'abord, il ne faut pas confondre cette aide avec les soins paramédicaux apportés par les infirmier(e)s.

    Certains pays ont fait de l'assistance sexuelle « un service public » : l'emploi est reconnu en tant que « prostitution spécialisée ». Les assurances sociales remboursent le coût de la prestation. Il est clair que l'accompagnement sexuel n'a rien à voir avec la prostitution.

    Sur la base des expériences existant à l'étranger, il faut remarquer que les accompagnants sexuels sont des volontaires, d'ailleurs parfois mariés, qu'ils sont sélectionnés, qu'une formation leur est donnée, qu'ils sont engagés sous contrat et donc qu'ils relèvent de services organisés et reconnus.

    C'est sur ces bases, me paraît-il, que le débat doit être mené. La Commission wallonne des personnes handicapées pourrait être le lieu de ce débat.