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L'étude des Universités de Yale et de Columbia en matière d'environnement

  • Session : 2009-2010
  • Année : 2010
  • N° : 629 (2009-2010) 1

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  • Question écrite du 26/05/2010
    • de ONKELINX Alain
    • à HENRY Philippe, Ministre de l'Environnement, de l'Aménagement du Territoire et de la Mobilité

    L'objet de cette question fait suite à l'étude réalisée par les Universités de Yale et de Columbia dans laquelle il semble que la Belgique soit « très mauvaise en matière d'environnement ». En effet, selon cette étude, notre pays se classe 88ème pour la qualité de son environnement, dans un classement qui répertorie quelque 163 pays.

    Les critères retenus par l'étude tournent autour de l'environnement et de la santé publique: pollution atmosphérique, propreté et prise en charge de l'eau, des sols, gestion de l'agriculture, de la pêche, des forêts et biodiversité. Si la Belgique ne se débrouille pas trop mal pour la gestion des forêts ou la qualité de l'eau de consommation, les scores sont moins bons en matière de pollution de l'air, de biodiversité ou de lutte contre les changements climatiques.

    La Belgique se trouve en compagnie de l'Ukraine dans le classement, bien loin de tous les autres pays européens, qui se situent en haut du classement. Seule Chypre fait moins bien que nous dans les pays de l'Union.

    Ce qui est également interpellant, c'est que la même étude publiée voici deux ans situait encore la Belgique à la 57ème place sur 149 nations.

    Monsieur le Ministre l'a reconnu dans les colonnes du groupe Sud Presse, les problèmes rencontrés sur le terrain sont bien réels. Mais il y remet également en cause la méthodologie utilisée par les enquêteurs.

    Monsieur le Ministre pourrait-il m'apporter des informations complémentaires concernant cette étude? Peut être possède-t-il l'ensemble des travaux réalisés par ces universités? Serait-il possible d'en avoir un exemplaire afin de pouvoir analyser plus en détails les reproches constatés à l'encontre de notre pays et, plus particulièrement, en ce qui concerne les matières régionales ?
  • Réponse du 30/06/2010
    • de HENRY Philippe

    I. Considérations générales - analyse de la performance environnementale de la Belgique

    Sous-question 1°:« Monsieur le Ministre pourrait-il m'apporter des informations complémentaires concernant cette étude ? »

    Le calcul de l'indice de performance environnementale des pays (Environnemental Performance Index 2010 (EPI) est effectué par un groupe d'experts issus des Universités de Yale et de Columbia en collaboration avec le DG-JRC. Il porte sur. les performances environnementales de 163 pays. Le rapport EPI 2010 fait suite aux rapports EPI 2008 et 2006 et aux rapports ESI de 2002 et de 2005.

    Belgique ESI 2002 ESI 2005 EPI 2006 EPI 2008 EPI 2010
    Score 39,1 44,4 75,9 78,4 58,1
    Rang 125/142 112/146 39/133 57/149 88/163


    La valeur de l'indice EPI global est calculée en compilant et en pondérant 10 sous-indices thématiques (pollution de l'air, qualité de l'eau, conservation des habitats ... ). Les valeurs des sous-indices résultent du calcul de 24 indicateurs environnementaux construits à partir d'un ensemble de bases de données et de modèles environnementaux internationaux. Les sources de données et les méthodes utilisées pour calculer ces divers indicateurs (sous-indices et indice global) sont assez peu documentées. Les seules informations méthodologiques renseignées à l'heure actuelle sont disponibles via Internet: http://epi.yale.edu

    Les informations disponibles font référence à l'utilisation de certains modèles (modèle EDGAR pour la pollution atmosphérique p. ex.) sans détailler les données qui ont été utilisées pour alimenter ces modèles, la couverture spatiale de ces modèles (souvent inadaptées à l'échelle des petits pays) ou encore si les résultats des modèles utilisés ont été validés par les pays. La Belgique n'a reçu aucune demande officielle de validation des résultats produits par les auteurs de l'étude, alors qu'elle dispose d'un réseau de mesure de la qualité de l'environnement (air, eau, forêt.) parmi les plus denses au monde. En conséquence, il est fort probable que les valeurs utilisées pour calculer les indicateurs EPI ne collent pas toujours avec la réalité du terrain.

    Par ailleurs, on peut s'interroger sur la pertinence de certains choix méthodologiques effectués par les auteurs de l'étude (ex: indicateur "pesticides" calculé à partir d'un nombre de Conventions internationales signées et non pas de la présence effective de pesticides dans l'environnement, indicateur "protection marine" calculé à partir du rapport zones marines/territoire total, par conséquent défavorable aux pays qui disposent de petites zones côtières, indicateurs "agriculture" basés sur l'octroi de subsides et non pas sur les pressions réelles exercées par ce secteur d'activité sur l'environnement ... etc). Dans l'ensemble, les méthodes utilisées pour calculer l'indice EPI sont donc assez critiquables.

    Lors du passage à l'EPI 2010, la position de la Belgique s'est dégradée de 31 places. Son score a diminué de 20,3 points (1). Il faut analyser cette évolution avec une très grande prudence car deux· éléments essentiels sont à considérer :

    Premièrement, il est impossible d'apprécier le caractère positif ou négatif de l'évolution du score et du rang de la Belgique puisque d'un rapport à l'autre, les méthodes de calcul ainsi que le type et le nombre d'indicateurs utilisés ne sont pas strictement identiques. En effet, une analyse rapide de la situation indique que certains indicateurs, certaines données. sources et certaines méthodes de calcul (au niveau notamment des facteurs de pondération) diffèrent sensiblement de ceux utilisés pour déterminer l'EPI 2008. A titre d'exemple, on soulignera l'apparition en 2010 d'un indicateur consacré aux émissions de composés organiques volatils dans la catégorie « Air pollution ».

    Deuxièmement, le mauvais score apparent de la Belgique en 2008 avait fait l'objet d'une analyse très détaillée des sources de données et des méthodes utilisées par les Universités de Yale et de Columbia, afin de mieux comprendre l'origine du classement de la Belgique (2). L'analyse avait porté essentiellement sur les 8 indicateurs qui présentaient un indice avec une valeur inférieure à 50%. Le rapport réalisé à l'époque par la DGRNE en collaboration avec la VMM, CELINE, le SPF et d'autres structures partenaires pointait déjà du doigt certains problèmes méthodologiques : choix de modèles inadaptés à la taille et aux réalités « physiques » du territoire belge, utilisation erronée de certaines données (eaux de refroidissement pour le calcul de l'indiCe de stress hydrique ... ) ...

    Les conclusions de ce rapport comprenant notamment des propositions de modifications avaient été transmises à l'Université de Yale. La question est maintenant de savoir si les éléments transmis à l'époque par la Belgique ont bel et bien été intégrés par le groupe d'experts dans le calcul de l'EPI 2010. En première analyse, il semblerait que cela ne soit pas le cas pour les indicateurs les plus problématiques.




    II. Eléments de réponse aux autres questions posées

    Sous-question 2° : « Peut-être Monsieur le Ministre possède-t-il l'ensemble des travaux réalisés par ces universités ? »

    Lorsque la presse ou diverses organisations publient le classement de la Belgique sur base d'un indicateur environnemental global tel que l'indicateur EPI, la procédure veut que les 3 Régions belges et le Fédéral en discutent et se concertent au sein du groupe "indicateur" et du groupe "données" du Comité de Coordination de la Politique Internationale de l'Environnement (CCPIE), afin notamment d'étudier la nécessité d'analyser eh détails les bases de données et les méthodes de calcul qui ont été utilisées. La DGARNE participe à ces réunions de concertation, au cours· desquelles il n'y a jamais eu la moindre difficulté à définir une approche commune.

    Le mauvais score "apparent" de la Belgique a été discuté lors de la dernière réunion de la CCPIE qui s'est tenue à la fin du mois de mai. Il a été décidé de prendre contact avec les auteurs de l'étude afin de leur demander des compléments d'informations. En effet, les seules informations dont nous disposons à l'heure actuelle sont celles renseignées sur le site internet consacré à l'étude (http://epi.yale.edu). En l'état, celles-ci ne permettent pas d'analyser en profondeur les conséquences que peuvent avoir les méthodes et les données utilisées sur la valeur de l'indice EPI de la Belgique. Les compléments d'informations qui seront demandés devraient permettre d'y voir plus clair.

    Par ailleurs, la CCPIE va insister encore une fois auprès des Universités de Yale et de Columbia pour que les informations qui ont permis le calcul de l'indice EPI soient transmises à la CCPIE avant que celui-ci ne soit publié, afin que la Belgique (sous-entendus les trois Régions du Pays) puissent valider les données utilisées et cautionner (ou non) les méthodes utilisées.

    Dans un premier temps, il n'est pas prévu de commanditer une étude critique aussi détaillée que celle qui avait été réalisée en 2008, vu les coûts importants que ce genre d'étude représente et sachant que les deux Universités sont. peu enclins à effectuer des changements méthodologiques demandés. Mes collaborateurs disposent de l'analyse détaillée du rapport EPI 2008 et peuvent le transmettre à l'honorable Membre pour sa bonne information.



    Sous-question 2° : « Serait-il possible d'en avoir un exemplaire afin de pouvoir analyser plus en détails les reproches constatés à l'encontre de notre pays et, plus particulièrement, en ce qui concerne les matières régionales ».

    Les seules informations disponibles actuellement sont accessibles via internet. Sur base de l'expérience acquise lors de l'analyse détaillée du rapport EPI 2008, il y a très peu de chance que les initiateurs de l'étude nous transmettent la totalité des travaux qui ont été réalisés pour déterminer les sous-indices EPI, probablement parce que les méthodes/modèles utilisées manquent de transparence et sont "facilement" critiquables. Nous pourront probablement en dire davantage lorsque les auteurs de l'étude auront répondu aux sollicitations de la CCPIE.

    Quoi qu'il en soit, il est très peu probable que nous puissions vérifier en détails si les particularités régionales en matière d'environnement ont été correctement intégrées dans les bases de données utilisées par les Universités de Yale et de Columbia et si ces particularités se reflètent correctement dans la valeur de l'indice EPI.



    (1) Les valeurs des sous-indices EPI sont consultables à l'adresse : http://epLyale.edu/CountriesIBelgium
    (2) AQUAPOLE. 2008. Analyse du rapport EPI 2008. MRW~DGRNE, Aquapôle 14 p.